La victime a été durant de nombreuses années la grande absente du procès pénal. Il était de rigueur, dans le système de répression pénale, de laisser à l'Etat et au délinquant le soin de se livrer bataille pour un meilleur bien-être de la société et une défense accrue de l'intérêt général. Ce duel « Parquet-délinquant » date de l'appropriation du monopole de la poursuite publique par l'Etat. Or, depuis 25 ans maintenant, la législation française s'est dotée d'un arsenal de lois et règlements qui donnent de plus en plus de droits à la victime dans le procès pénal en matière d'indemnisation, mais également de soutien psychologique. Cette promotion spectaculaire de la victime a conduit la Cour de Strasbourg à s'interroger sur la place de la victime dans le procès pénal et de voir comment l'article 6§1 CESDH, relatif au droit à un procès équitable, pouvait avoir une influence sur les droits procéduraux de cette dernière. Le droit à un procès équitable est reconnu tant aux prévenus qu'aux parties civiles ; le prévenu et la partie civile ont droit à ce que la procédure, relative, pour le premier à l'appréciation du bien fondé des accusations pénales formulées contre lui et, pour la seconde, à la réparation de son dommage né d'une infraction, soit équitable. Ainsi, la victime comme le prévenu devraient bénéficier des garanties à un procès équitable.
Lorsque l'on évoque cette garantie fondamentale, elle est habituellement envisagée sous l'angle des droits de la personne poursuivie. C'est ainsi qu'il a été jugé que l'article 6 CESDH « garantit notamment à toute personne le droit à ce qu'il soit décidé du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle dans le cadre d'une procédure judiciaire équitable ». Les droits de la victime, essentiellement envisagés sous l'angle du contentieux de l'action civile, n'ont pas facilité la réflexion de la CEDH, qui est de définir avec clarté et précision l'applicabilité de l'article 6§1 CESDH par rapport aux droits de la victime. La victime, selon qu'elle relève du système accusatoire ou inquisitoire, n'est pas du tout envisagée de la même façon au cours du procès pénal. Dans les systèmes accusatoires, la victime n'est envisagée que comme simple témoin alors dans le système inquisitoire, tel que le système répressif français, la victime est véritablement partie au procès. Par conséquent, si l'on envisage la victime comme une actrice essentielle de la procédure pénale inquisitoire, on va donc lui attribuer de plus en plus de droits, qu'il va falloir caractériser dans ses rapports avec la nécessité européenne de l'exigence d'un procès équitable. Comme le dit si bien la CEDH dans l'arrêt Perez c/ France , la Cour va devoir observer « une nouvelle approche », d'autant que nombre de pays du Conseil de l'Europe ont un système de constitution de partie civile voisin de celui de la France. Une chose est sûre : la victime occupe en France une place de plus en plus croissante, ce qui place la Cour européenne des Droits de l'Homme dans une démarche de nécessaire prise en compte des systèmes consacrant la possibilité pour la victime de se constituer partie civile devant le juge répressif.
[...] Le plus dangereux serait, en effet, de donner trop de droits à la victime et à l'inverse ne pas rééquilibrer en contrepartie ceux du prévenu. Mais il semble que cette méthode soit source d'une déviance vers un cercle vicieux qui consisterait à donner toujours plus à la partie civile ou à l'accusé. Aujourd'hui, deux courants s'affrontent Une partie de la doctrine et des praticiens pensent que la victime représente un rôle trop actif dans le procès pénal, alors qu'une autre trouve les avancées trop timides. [...]
[...] Cette opinion est partagée par les juges Repik et Spielmann. Selon leurs termes, la Cour est nécessairement conduite à des spéculations hasardeuses et illogiques. Ainsi, en interprétant l'affaire Hamer, le juge Martens a pu relever qu'« en bonne logique, l'inaction a posteriori de la requérante (Mme Hamer en l'espèce) ne prouve rien quant à son intention initiale. Peut-être attendait-elle justement l'issue du procès pénal pour décider de déposer ou non une demande de dommages et intérêts et n'est-ce pas l'acquittement de l'auteur qui l'a dissuadé de demander réparation ? [...]
[...] Jusqu'à la fin du Moyen Age, la victime joue un rôle déterminant dans le procès pénal, véritable guerrier, dans tous les sens du terme, qui n'hésite pas à combattre au sein d'une justice féodale d'indemnisation et de compensation[4]. L'évolution évoquée dans le précédent paragraphe pourrait peut-être faire penser à une certaine nostalgie médiévale dans l'ascension des prérogatives de la partie civile française. Pourtant, aussi bien à Rome que dans l'ancien droit, les détenteurs du pouvoir politique ont cherché à s'accaparer l'exercice des poursuites judiciaires. [...]
[...] Par conséquent, la réparation du dommage relève encore souvent du domaine civil. La victime, n'ayant la qualité que de simple témoin, dispose d'une sorte de droit d'accusation privée qui est toujours un mode possible de déclenchement de l'action pénale ouvert à tout citoyen, lorsque la police ne souhaite pas engager elle-même la poursuite. Tout citoyen est susceptible d'exercer l'action pénale, bien que dans la plupart des cas, c'est l'activité principale de la victime. Depuis quelques années, la victime peut aussi demander réparation devant le juge pénal. [...]
[...] Mais, l'accès de la victime à un tribunal pénal est freiné du fait de certaines dérives de la procédure pénale française (Section 2). Section 1 : Le droit de la victime d'accéder au tribunal, conséquence nécessaire de la constitution de partie civile A proprement parler, dans notre société démocratique, où l'Etat de droit occupe une place extrêmement importante, le droit à un tribunal peut apparaître comme une prérogative évidente. En effet, que ce soit l'avis du citoyen lambda (mais pas forcément du juriste éclairé), le droit d'agir en justice est devenu tellement banal que la question d'éventuels problèmes liés à cet élément paraît presque absurde. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture