De leur avènement au XVIIIe siècle jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle, les « libertés publiques » dépendaient essentiellement de la volonté populaire et de caprices politiques en tant que normes nationales ; l'Allemagne a fourni un des multiples exemples en Europe montrant la facilité d'abroger ces lois et de mépriser les droits y contenus. Avec la fin de la guerre, la signature de la Charte de San Francisco le 26 juin 1945 et le développement généralisé du droit international public, l'on avait trouvé un meilleur support juridique pour les Droit de l'Homme, plus stable car valant au moins comme autorité morale sur la scène internationale – comme l'en atteste l'existence de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 – et au plus une valeur à part entièrement nouvelle dans de droit international : allait naître un droit conventionnel au sens traditionnel de traités internationaux consacrant des droits civils et politiques soumis à ratification selon les modalités constitutionnelles internes, c'est-à-dire à l'approbation du Parlement en France selon l'article 55 de la Constitution de 1958 mais où l'on parviendra à inciter les Etats parties à abandonner une grande partie de l'un de leurs éléments de souveraineté, leur opposition aux requêtes individuelles de personnes soumises à leur juridiction devant des instances de contrôle internationales.
[...]
Le droit au respect de la vie privée et familiale, dénoncé comme « fourre-tout » par certains, est aujourd'hui l'objet d'une extension considérable, notamment par la Cour européenne et le Comité des droits de l'homme, au point où il régit actuellement des situations allant du secret de la correspondance à l'interdiction encadrée d'expulser des étrangers, en passant par la vie privée sexuelle et touchant même au droit à l'avortement. A cet égard, une analyse transversale de la jurisprudence des deux mécanismes internationaux de contrôle permet de distinguer les contours de la notion de droit au respect de la vie privée et de porter un regard sur les différences qu'accordent l'un et l'autre de ces organes audit droit. Ce développement, objet de la première partie, présuppose évidemment un rappel introductif du fonctionnement institutionnel du Comité des droits de l'homme des Nations Unies et de la Cour européenne des droits de l'homme et de la conditionnalité de la recevabilité des recours individuels. Après avoir cerné les différentes situations englobées par le droit au respect de la vie privée dans le sens européen et onusien, il faudra par la suite s'interroger sur les effets que peuvent avoir les divergences de concepts, notamment eu égard au régime général de la vie privée dans les deux systèmes, et à l'effectivité de tel ou tel mécanisme dans la protection de la vie privée. L'on aboutira, à travers la question de la protection, nécessairement à la question de savoir si une interaction entre les jurisprudences des deux organes est possible et nécessaire, et quels pourraient être les progrès futurs dans ce domaine.
Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies et la Cour européenne des droits de l'homme sont des institutions issues de traités internationaux conclus en forme solennelle, ratifiés et entrés en vigueur selon les modalités constitutionnelles internes et les dispositions du Traité de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Une brève comparaison, qui n'en rien ne doit être considérée comme exhaustive, des mécanismes de contrôle des droits garantis, met en évidence de fortes différences dans la structure de ceux-ci ainsi que de leurs compétences. Alors que le contrôle des droits de l'homme effectué par le Comité est à féliciter en ce qu'il constitue un vecteur de l'universalisation de ceux-ci, qui en elle-même représente le but ultime de tous les textes juridiques ayant traits aux libertés fondamentales, le mécanisme de contrôle européen s'avère être, au moins depuis le 1er novembre 1998, d'une efficacité et d'une notoriété publique telle qu'elle a dû « freiner » les recours individuels. Ces derniers, proportionnés à l'amplitude de l'institution de contrôle, sont conditionnés par des critères d'admission semblables.
[...] Tout au plus pourrait-on éventuellement estimer que le Comité accueille d'autant plus facilement une communication faisant état d'une violation du domicile privé, celle-ci révèle plus ostensiblement une violation de la vie privée, surtout eu égard aux traitements dégradants qui souvent semblent accompagner une telle violation. Par la suite, il convient de porter un regard sur un autre aspect de la vie privée, classique dans le sens de son appartenance à la vie privée personnelle, moderne cependant en ce que ces situations envisagées peuvent choquer les mœurs de certaines personnes, mais profitent de la laïcisation croissante des sociétés occidentales : il s'agit de la vie privée sexuelle de l'individu. [...]
[...] Affaires Burghartz Suisse et Friedl Autriche Dans le cadre du Conseil de l'Europe, la CEDH a dans tous les cas au moins valeur législative, voire supralégislative mais infraconstitutionnelle (cas de la France), constitutionnelle et, dans le cas des Pays-Bas, même supraconstitutionnelle. Ce que les Hautes Juridictions ont accepté respectivement dans l'arrêt Cassation, Chambre mixte mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre pour l'ordre judiciaire, et Conseil d'État octobre 1989, Nicolo pour l'ordre administratif. CEDH, Ruiz-Mateos Espagne juin 1993 Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés de la CEDH. [...]
[...] 621-650 M. BOSSUYT, Les travaux du Comité des Nations Unies des droits de l'homme R.T.D.H p. 31-40 G. Cohen-Jonathan, Note sur les décisions et constatations du Comité des droits de l'homme des Nations Unies relatives à la France (1989) A.F.D.I p. 424-432 J. DHOMMEAUX, La jurisprudence du Comité des droits de l'homme des Nations Unies» A.F.D.I p. [...]
[...] Dans l'affaire Wisse France du 20 décembre 2005, cette dernière a été condamnée au titre d'une violation de l'article 8 pour avoir enregistré systématiquement les conversations d'un détenu au parloir et ainsi avoir dénié à la fonction du parloir sa seule raison d'être, celle de maintenir une ‘'vie privée'' du détenu relative. Ce sont néanmoins les correspondances écrites qui occupent, dans le cadre onusien et européen, la place quantitativement prépondérante. La Cour européenne pose ici une distinction que n'opère pas le Comité des droits de l'homme, celle de l'envoi de courrier par les détenus et de la réception de courrier par ceux-ci. [...]
[...] Cette solution a déjà été retenue par la Commission européenne des droits de l'homme dans sa décision Burghartz Suisse» (22 février 1994) relative à la dévolution du nom patronymique des époux, faisant tomber le droit au nom sous le coup de l'interdiction de discrimination en raison du sexe. La Cour quant à elle, reconnaissant également que le nom d'une personne concerne la vie privée et familiale de celle-ci estime que le refus des autorités finlandaises d'autoriser M. Stjerna à adopter un nouveau patronyme spécifique ne saurait, pour la Cour, nécessairement passer pour une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, comme l'aurait été, par exemple, l'obligation de changer de patronyme Le droit au nom ne consacre cependant pas une liberté de choix du nom (voire du prénom, Guillot France octobre 1996), et il est reconnu une large marge d'appréciation aux autorités étatiques dans ce domaine face à l'absence de points de convergence entre les systèmes nationaux Il est cependant à noter que dans l'affaire Unal Tekeli Turquie ( 16 novembre 2004), la Cour a constaté une violation de l'article 8 en combinaison avec l'article 14 du fait qu'une femme mariée s'était vue obliger de porter le nom patronymique de son mari. [...]
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