Jusque dans les années 2000, le contrôle des concentrations s'est avéré défaillant, et ce, à plusieurs niveaux : insuffisance des analyses économiques menées par la Commission ; concentration des fonctions au sein d'une même institution, à savoir la Commission, qui à la fois prend la décision d'ouvrir les enquêtes, diligente les investigations et prend la décision finale dans le cadre de cette mission ; ou encore le critère d'évaluation de la compatibilité des concentrations lui-même, comme il était rédigé dans le Règlement de 1989 et qui interdisait les concentrations portant atteinte à la concurrence seulement si elles « cré[ai]ent ou renforce[ai]nt une position dominante ». C'est dans cette perspective que sont intervenues trois décisions célèbres du TPI en 2002, lorsqu'il a eu à connaître des affaires Airtours, Schneider et Tetra Laval. Par ces arrêts, il a annulé, en l'espace de cinq mois, trois décisions d'interdiction de concentrations prises par la Commission.
Dans l'affaire Airtours, le juge communautaire a considéré que la Commission n'avait pas conduit une analyse économique suffisamment rigoureuse dans sa démonstration tendant à montrer que la concentration entre « Airtours » et « First Choice » provoquerait des incitations et une capacité des opérateurs sur le marché à coordonner leurs comportements.
Dans l'affaire Schneider, il a jugé que la DG Concurrence n'a pas bien évalué les différents degrés de concurrence sur chacun des marchés qu'elle a considérés comme pertinents et qu'elle n'a pas respecté les droits de la défense de « Schneider ».
Enfin, dans l'affaire Tetra Laval, le Tribunal a contesté « l'analyse économique des conséquences à court terme de la fusion sur la concurrence » qui était « affectée d'une insuffisance d'éléments probants et comportait certaines erreurs d'évaluation ». Au-delà des cas d'espèce, cette période marque la volonté du juge communautaire de presser et d'orienter la Commission dans sa refonte du modèle de contrôle des concentrations.
La grande réforme de 2004 suivra nettement les analyses du juge communautaire. Néanmoins, il apparaît que cette réforme constitue, par ses effets, une avancée limitée. Il apparaît donc intéressant de s'interroger sur les effets réels de la réforme qui a suivi les arrêts Airtours, Schneider et Tetra Laval. Dans quelle mesure l'évaluation de la compatibilité des concentrations par la Commission s'est améliorée depuis 2002 ?
[...] T-Mobile Austria/telering M.4057 Korsnäs/AssiDomän Carton Board M.4314 Johnson&Johnson/Pfizer Consumer Healthcare M.4403 Thales/Finmeccanica/Telespazio M.4439 Ryanair/Aer Lingus Jurisprudence: C-8-74 Procureur du Roi Dassonville C-120-78 Cassis de Dijon C-267 et 268-91 Keck & Mithouard 48 C-415-93 URBSFA Bosman T-342/99 Airtours Commission T-310/01 Schneider Electric Commission T-5/02 Tetra Laval Commission T-464/04 Impala c/Commission Textes juridiques Règlement n°4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises Livre vert de la Commission du 11 décembre 2001 sur la révision du Règlement n°4064/89 du Conseil Règlement CE n°139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des opérations de concentrations entre entreprises Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JOUE C031 du 5 février 2004) Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations non-horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JOUE C265 du 18 octobre 2008) 49 TABLE DES MATIERES 50 Introduction . p.6 Première partie: L'évolution vers une approche plus économique du contrôle des concentrations, guidée par le juge communautaire . p.10 Titre La nécessité d'une réforme, mise sur le devant de la scène par le TPI . p.11 Partie A. Les inconvénients de l'ancien système de contrôle des concentrations . p.12 Partie B. Le tournant de 2002: le TPI déclencheur et guide de la réforme . [...]
[...] Il est clair qu'un accroissement des marges d'appréciation de la Commission en matière de contrôle des concentrations ne peut que favoriser un tel phénomène. Par la même occasion, cela réduira la sécurité juridique des entreprises, ne pouvant anticiper ce genre de phénomène dans leur prédiction des décisions de la Commission. Selon Kühn, ce phénomène sera d'autant plus important que la Commission peut désormais justifier ses autorisations d'opérations de concentration par le biais des gains d'efficience, alors qu'ils sont difficilement quantifiables avant l'opération. [...]
[...] p Parallèlement, l'alourdissement de la charge de la preuve pour la Commission peut amener à l'erreur inverse. En effet, le manque de moyens et l'augmentation des coûts de procédure et de recherches de la preuve, peut amener à ce que la Commission ne bloque pas certaines opérations, pourtant néfastes à la concurrence. affaire Sony/BMG81 est intéressante à ce sujet. La Commission avait considéré que la fusion entre ces deux opérateurs, qui réduisait de 5 à 4 le nombre de grandes maisons de disques sur le marché en question, ne créait pas de position dominante collective. [...]
[...] Dans quelle mesure l'évaluation de la compatibilité des concentrations par la Commission s'est améliorée depuis 2002? De prime abord, il semble clair que le contrôle des concentrations a évolué dans le bon sens et que, bien guidée par le juge communautaire, la Commission a adopté une approche plus économique dans le cadre de sa mission Néanmoins, il ne faut pas surestimer cette évolution. Les progrès apparents sont en effet assez limités dans la pratique Un autre volet de la réforme concerne le système de répartition des compétences entre autorités nationales de concurrence et Commission, mais il ne sera pas étudié dans la mesure où le sujet du devoir invite surtout à réflechir sur l'impact des arrêts de 2002 sur la réforme de 2004 plutôt que sur la réforme dans son intégralité. [...]
[...] Le passage au test SIEC et ses faibles conséquences pratiques L'un des grands projets de la réforme fût de rendre possible le blocage des opérations de concentrations, qui, sans créer ou renforcer de position dominante ou collective, n'en portait pas moins atteinte à la concurrence. Il s'agit donc des fusions aux effets anti-concurrentiels noncoordonnés (unilatéraux) qui ne donnaient pas naissance et ne renforçaient pas de position dominante. Ce sera chose faite avec la mise en place du test SIEC, qui fait de l'entrave à la concurrence effective le critère central de l'évaluation de la compatibilité des concentrations et réduit le critère de la position dominante au statut d'exemple de telles entraves. Néanmoins, ce changement a des effets pratiques faibles, pour deux raisons principales. [...]
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