La Cour de justice des Communautés européennes (ci-après « Cour de justice ») reconnaît depuis plus de 40 ans l'effet direct de l'article 88 §3 du traité CE (ex-article 93, ci-après « article 88 §3 CE »), qui implique essentiellement une double obligation pour les États membres - informer en temps utile la Commission des projets visant à instituer ou à modifier des aides (communément définie comme « obligation de notification »), et ne pas donner exécution aux mesures projetées avant que la procédure communautaire ne soit achevée (obligation de « standstill »). Le principal effet de la méconnaissance de cette disposition par les États membres est d'affecter la validité des actes des autorités étatiques comportant mise à exécution des mesures d'aides. S'agissant des juridictions nationales, l'effet direct de la dernière phrase de l'article 88 §3 CE implique qu'elles sont tenues de garantir aux justiciables qui sont en mesure de se prévaloir d'une telle méconnaissance que toutes les conséquences en seront tirées, conformément à leur droit national, tant en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d'aides, que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition. En outre, sous peine de porter atteinte à l'effet direct de l'article 88 §3 CE, dernière phrase, la décision finale de la Commission qui constaterait le caractère compatible d'une aide non régulièrement notifiée ne peut en principe avoir pour conséquence de régulariser, ex post facto, les actes d'exécution qui étaient en tant que tels invalides compte tenu de la méconnaissance de l'interdiction visée par cette disposition. Par conséquent, les concurrents de l'entreprise bénéficiaire de l'aide ainsi versée pourront demander l'annulation des mesures de mise à exécution de l'aide devant le juge national compétent pour connaître de la validité de tels actes, ainsi que le recouvrement des sommes qui auraient été versées par l'État membre concerné, sauf circonstances exceptionnelles impliquant que la restitution serait inappropriée. Il appartient également, le cas échéant, à la juridiction nationale saisie d'apprécier la nécessité d'ordonner des mesures provisoires susceptibles de sauvegarder les intérêts des parties le temps qu'elle statue sur le litige qui lui est soumis. L'État membre pourrait même être condamné à indemniser les parties qui auraient été lésées par le versement de cette aide en méconnaissance de l'article 88 §3 CE.
[...] CJCE mai 1993, William Cook plc Commission, C-198/91, Rec. p. I-2647 et CJCE juin 1993, SA Matra Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203. V. aussi Le statut du plaignant Gerrit SCHOHE in Aides d'État, édité par Marianne DONY et Catherine SMITS, pp. [...]
[...] Dans cette affaire, par décision du 10 juillet 1985, la Commission a constaté l'incompatibilité de l'aide accordée à l'entreprise Deufil et son illicéité pour violation de l'article 88 CE. Par décision du 27 mars 1986, le gouvernement allemand a retiré l'acte administratif par lequel l'aide avait été accordée, en se fondant sur la décision de la Commission du 10 juillet 1985. Deufil a alors intenté un recours devant la cour administrative d'appel du Land de Rhénanie-du-Nord- Westphalie en annulation du retrait. [...]
[...] Responsabilité civile et concurrence déloyale Comme nous l'avons vu, des évolutions jurisprudentielles ouvrent la voie à un droit d'indemnisation des entreprises bénéficiaires du fait du versement d'aides en violation de l'obligation de standstill. Mais que peut dire le droit communautaire sur les actions des concurrents exercées non contre l'Etat, mais contre le bénéficiaire de l'aide ? Et plus généralement, sur le principe de réparation d'un préjudice né d'une violation de règles relatives aux aides d'Etat sur le fondement de la responsabilité civile ? [...]
[...] FRISON-ROCHE, Les principes originels du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme, RJDA 1994, p : à la richesse des hypothèses de sanction offerte par l'article 1382 du Code civil correspond hélas la pauvreté de la sanction elle-même qui n'est jamais qu'une réparation La Chambre des Lords a reconnu aux particuliers qui ont souffert de dommages ou de pertes dues à une violation du droit communautaire de la concurrence un droit d'agir au civil pour mettre en jeu la responsabilité des auteurs d'infractions aux règles de la concurrence. La reconnaissance d'un tel acte délictuel est fondé sur l'effet direct des articles 81 et 82 CE (Garden Cottage Foods Milk Marketing Board [1984] AC 130). V. [...]
[...] Cette évolution est essentielle afin de garantir l'effectivité du mécanisme de contrôle des aides d'État. L'intérêt juridique matériel au respect de l'article 88 CE consiste en effet dans la distorsion de concurrence par des aides d'État par des actions unilatérales et prématurées des États membres. Dans la mesure où une aide est mise à exécution en violation de l'obligation de standstill prévue par la dernière phrase de l'article 88 CE, il se produit une distorsion de concurrence dont les effets préjudiciables ne peuvent pas être neutralisées seulement par une récupération ultérieure (notamment dans le cas de concurrents d'entreprises bénéficiaires d'aides contraintes de cesser leur activité). [...]
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