L'ouvrage étudié est le fruit du travail d'une équipe du centre lyonnais d'histoire du droit (université Jean Moulin) sous la direction de Jean-Louis Halpérin. Ce dernier enseigne actuellement le droit à l'École normale supérieure, il a été professeur d'histoire du droit aux universités de Lyon III (1988-1998) et de Bourgogne (1998-2003). Auteur de plusieurs études sur le Code civil, il a également travaillé sur l'histoire comparée des professions juridiques et du droit international privé. Il est notamment l'auteur d'une Histoire du droit privé français depuis 1804 (1996, Presses universitaires de France) et a récemment publié une Histoire des droits en Europe de 1750 à nos jours (2004, Flammarion).
Le livre résultant de leur recherche sur les professionnels du droit a été élaboré et rédigé dans le cadre de la convention de recherche n° 90.05.016.00 passé entre le Ministère de la Justice et l'université Jean Moulin Lyon III. Selon les auteurs, leur ouvrage s'adresse autant aux juristes qu'à ceux dont la formation est celle des sciences sociales ou des sciences publiques puisque l'équipe de Jean-Louis Halpérin tente, par une démarche historique et comparative, de poser les jalons d'une réflexion sur l'unification et la modernisation des professions du droit.
Dans le domaine particulier qu'est le conseil en justice, les auteurs ont placé au premier rang les avocats du fait de leur histoire et de leur renommée. De même s'en suivent les juristes purement chargés de représenter les parties en justice tels que les avoués en France ou les solicitors en Angleterre. À côté de ces deux catégories prédominantes des professionnels du droit, les auteurs se sont également attachés à traiter des professionnels s'étant spécialisés dans le domaine du conseil juridique comme les Rechskonsulenten en Allemagne, Commercialisti en Italie et les Conseillers juridiques en France, sans oublier les notaires, qui, même s'ils assument des missions de nature publique, sont appelés à donner des conseils juridiques à leurs clients.
Le cadre géographique de cette étude a été restreint à quatre pays européens : la France l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie. Il s'agit en effet de quatre grandes nations européennes ayant une ancienne et solide tradition juridique, susceptible d'influencer fortement les développements futurs du droit européen notamment en ce qui concerne les professions judiciaires et juridiques.
A la vue de ces divers éléments et à la lecture de l'ouvrage, la question qui se pose est de savoir si la libre circulation des services et la liberté d'établissement afin de pratiquer indifféremment son métier juridique ou judiciaire dans n'importe quel pays de l'Union européenne engendrent inévitablement un modèle unique de justice européenne.
[...] Nous pouvons citer l'exemple de l'Allemagne et de l'Italie qui portent l'empreinte d'un fort contrôle étatique en raison de leur ancien régime fasciste ou nazi. Ainsi, en Allemagne, après l'arrivée d'Hitler, la nazification des professions judiciaires et juridiques fut très rapide. Elle se traduisit par la disparition des structures associatives autonomes, l'exclusion des professionnels juifs et un important train de réformes législatives qui accrurent encore le rôle de l'Etat. C'est ainsi que l'immixtion étatique a tellement marqué l'histoire et la mentalité de ce pays, que les avocats allemands sont aujourd'hui encore admis formellement par le ministre de la Justice du Land. [...]
[...] Ainsi un processus de modernisation des professions judiciaires et juridiques s'est développé et il en va de la responsabilité des pays de s'interroger sur les conséquences d'une telle révolution. Aujourd'hui, le bilan est décevant sans doute parce que les Etats eux- mêmes rechignent à abandonner leurs prérogatives en matière de police et de justice, composantes essentielles de leur souveraineté. Notamment, aucune avancée concrète n'a été réalisée dans le domaine de la coopération judiciaire, civile et pénale. Quant à la reconnaissance des décisions mutuelles entre Etats membres, qui suppose l'application par un juge national d'un jugement rendu par un magistrat d'un autre Etat membre, elle n'est pas appliquée dans les faits. [...]
[...] Le "paysage" des professions judiciaires et juridiques dans ce pays latin s'est ainsi progressivement réduit en trois fragmentations : avocats/avoués, notaires et commercialisti. En France, ce qui fit longtemps l'originalité du pays des Lumières jusqu'à récemment était la pluralité des professions juridiques et judiciaires. La réforme de 1971 réalisa la fusion entre avocats et avoués (chose déjà entreprise en Allemagne à cette époque). De même, la loi du 31 décembre 1990, en fusionnant avocats et conseils juridiques et en réglementant la consultation juridique ainsi que la rédaction des actes sous seing privé, a établi une réforme dûment réclamée depuis des décennies par les avocats. [...]
[...] Outre cette directive, d'une façon plus générale, le projet est ambitieux compte tenu des différences existantes dans la manière d'aborder la formation des professionnels du droit : dans certains pays, comme en Italie, la formation est presque exclusivement théorique, alors que dans d'autres, comme en Angleterre, la proportion entre formation théorique et formation pratique est quasiment identique. Toutefois, les difficultés relatives à l'harmonisation ne s'arrêtent pas ici. En effet, l'espace de justice européen veut que les professionnels du droit puissent désormais gérer une connaissance globale à l'échelon européen sans pour autant négliger les particularismes nationaux. [...]
[...] Au pays du self-government, c'est-à-dire en Angleterre, les professions juridiques et judiciaires ont acquis une autonomie très importante, cette dernière étant l'une des conséquences directes que le pays n'a pas connues de régime autoritaire au 19e et/ou au 20e siècle. En effet, pendant longtemps, l'Etat s'est abstenu d'intervenir. C'est ainsi que de nombreux juristes ont pu se regrouper en corporations de type très archaïque, ce qui a permis de créer un réseau et cela a sans aucun doute contribué à la grande autonomie du barreau. [...]
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