Article 6 CEDH, autorité d'une décision de justice, Parti politique, expropiation, article 1er du Protocole 1 CEDH
Déchu par un référendum populaire, l'ex-Roi de la République de Baymar part à l'étranger de son plein gré. Mais, il revient avec plusieurs objectifs en tête, le premier étant de créer son parti politique pour tenter de regagner la confiance populaire par les urnes, et le second étant de se faire indemniser pour l'expropriation par le nouveau régime de ses biens mobiliers et immobiliers. Néanmoins, l'administration de la République fraîchement instaurée au Baymar va refuser d'une part de donner l'autorisation pour la création du parti politique, et d'autre part, elle va refuser d'appliquer la décision de la juridiction suprême de l'État (le Conseil d'État) qui avait accordé une indemnisation à l'ex-Roi. Devant cela, il nous consulte pour savoir quelles seraient les bases juridiques à utiliser et dans quelle mesure il pourrait espérer obtenir satisfaction devant la Cour européenne des droits de l'Homme (le Baymar ayant ratifié la Convention et ses Protocoles depuis une vingtaine d'années).
[...] L'article 4 de la CEDH dispose que 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire N'est pas considéré comme travail forcé ou obligatoire au sens du présent article : a/Tout travail requis normalement d'une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l'article 5 de la présente Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle ; b/Tout service de caractère militaire ou, dans le cas d'objecteurs de conscience dans les pays où l'objection de conscience est reconnue comme légitime, à un autre service à la place du service militaire obligatoire ; c/Tout service requis dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté ; d/Tout travail ou service formant partie des obligations civiques normales. [...]
[...] 3.Tout accusé a droit notamment à : a/être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b/disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c/se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; d/interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e/se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience Dans sa jurisprudence Hornsby c/Grèce du 19 mars 1997, le CEDH affirme qu'« il s'agit d'une omission illégale de l'administration de se conformer à une décision judiciaire définitive, ladite administration pouvant être contraint de le faire par une multitude de recours offerts par le système avant d'ajouter que le droit à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un État contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie De même les jurisprudences Die Pede c/Italie et Zappia c/Italie du 26 septembre 1996 préconise que l'exécution d'un jugement ou arrêt doive être considéré comme faisant partie intégrante du procès Enfin, dans sa jurisprudence Hornsby, la Cour ajoute que la protection effective du justiciable et le rétablissement de la légalité impliquent l'obligation pour l'administration de se plier à un jugement ou à un arrêt prononcé par une telle juridiction avant de terminer en disant qu'« en s'abstenant pendant plus de 5 ans de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à une décision judiciaire définitive et exécutoire, les autorités nationales ont privé les dispositions de l'article 6 de la Convention de tout effet utile. Par conséquent, il y a eu violation de cet article. Il résulte de ses éléments que les autorités administratives se trouvent dans l'obligation d'exécuter une décision judiciaire recouverte de l'autorité de la chose jugée. Mais, il apparaît que dans la jurisprudence Hornsby, c'est plus la durée excessive pendant laquelle aucune mesure n'a été prise qui soit sanctionnée plutôt que l'absence d'exécution. [...]
[...] Sur la question de l'ingérence du législateur et de la violation alléguée de l'article 6 CEDH En même temps que les autorités administratives refusent d'exécuter la décision judiciaire du Conseil d'État en faveur de l'ex-Roi du Baymar, le Parlement vote un projet de loi dont l'article unique prévoit : 1. Aucun droit d'indemnisation en cas de privation de la propriété ne saurait être accordé dès lors que cela aurait pour conséquence de diminuer la propriété de l'État au profit des personnes physiques ou morales directement liées au régime précédent de monarchie constitutionnelle ; 2. [...]
[...] Il paraît donc plus raisonnable de ne pas évoquer devant cette question d'une indemnisation juste. Sur la question de l'indemnisation pour la privation du personnel au regard de l'article 4 CEDH combiné à l'article 1er du Protocole 1 CEDH L'ex-Roi du Baymar revendique aussi la somme de 500.000 parce que le changement de régime l'a privé des 35 serviteurs personnels travaillant au service du Roi sans rémunération comme il était de tradition, mais qui avait le droit de se nourrir et de se loger dans le palais, et que le Roi considère comme partie inhérente de la propriété royale La question qui se pose est de savoir si cette revendication est recevable au regard de l'article 4 de la CEDH (relatif au travail forcé et à l'esclavage) combiné à l'article 1er du Protocole 1 de la CEDH (relatif à la propriété), autrement dit il s'agit de savoir si ces serviteurs ne peuvent être considérés comme des esclaves ou des forçats et s'il est possible d'exercer un droit de propriété sur eux. [...]
[...] Il faut donc en déduire que les autorités administration sont dans l'obligation légale de se conformer à une décision judiciaire dans un délai raisonnable Outre ce fait, les autorités administratives justifient leur omission en invoquant que des raisons exceptionnelles liées à la stabilité du régime démocratique imposent cette solution Sachant que le juge des droits de l'homme laisse une large marge d'appréciation aux juges nationaux quant à l'appréciation des causes d'utilité publique, on pourrait croire que la requête de l'ex-Roi du Baymar sur ce point ne pourrait aboutir. En effet, cela pourrait constituer une condition suspensoir à l'exécution du jugement. Mais il faut l'associer à la question suivante de l'ingérence du législateur pour démontrer une violation de l'article 6 de la Convention. [...]
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