Les Communautés Européennes, de même que l'Union Européenne, sont des communautés fondées sur le droit et caractérisée par l'existence d'un corpus de règles formant un véritable ordre juridique, en ce sens que ces règles constituent un système présentant un degré certain d'organisation et de cohérence. Cet ordre juridique, dénommé couramment ordre juridique communautaire, même depuis l'instauration de l'UE, du fait de la prééminence quantitative du droit émanant du premier pilier, ne se confond pas avec l'ordre juridique international, dont il se distingue notamment par l'étendue et l'importance du pouvoir normatif conféré aux institutions communautaires, ainsi que par l'autorité attachée à ces normes. L'ordre juridique communautaire est également distinct de l'ordre juridique interne propre à chaque Etat membre et formé pas son corpus de règles internes.
Les droits issus de ces deux types d'ordres juridiques, communautaire et internes, ne sont pas seulement voués à coexister mais également à se mélanger, puisque le droit communautaire a vocation à s'appliquer au sein de l'ordre juridique interne de chaque Etat membre.
S'est donc rapidement posée la question de des rapports entre droit communautaire et droit interne, dans la mesure où le droit issu de l'ordre juridique communautaire est amené à rencontrer le droit issu des ordres juridiques interne. Or les Traités constitutifs européens n'apportent pas de réponse de principe sur cette question, même s'il ressort de la philosophie même des Communautés qu'elles entendent que leur droit prime le droit national. Il est donc revenu à la CJCE de consacrer, par l'arrêt Costa c/Enel du 15 juillet 1964, un principe de primauté du droit communautaire, calqué sur les mécanismes que connaissent habituellement les états fédéraux pour régler les rapports entre le droit des états fédérés et le droit de l'état fédéral. On peut citer à cet égard l'article 31 de la Loi Fondamentale allemande, qui décide que le droit du Bund prime le droit des Bundesländer (« Bundesrecht bricht Landesrecht »).
La primauté du droit communautaire a pour effet selon la CJCE de rendre « inapplicable de plein droit » toute disposition contraire au droit communautaire : les autorités et juges nationaux doivent laisser inappliqué la règle nationale, même si elle n'a pas formellement été abrogée.
Cependant ce principe de primauté, s'il est accepté tant par l'ordre juridique communautaire que par l'ordre juridique interne, peut-il pour autant être considéré comme absolu ? Force est de constater, en examinant le fondement et la portée du principe de primauté dans l'ordre juridique communautaire et dans l'ordre juridique interne français, qu'à l'absolutisme affirmé dans l'ordre juridique communautaire (I) font échos des solutions plus nuancées dans l'ordre juridique interne (II).
[...] Absolue quant aux effets La primauté du droit communautaire est, pour la CJ, inhérente à la nature même de la norme communautaire. En conséquence, selon la formule du Professeur Isaac, la primauté du droit communautaire est absolue en ce sens elle qu'elle bénéficie à toutes les normes du droit communautaire et qu'elle s'exerce à l'encontre de toutes les normes nationales sans exception L'arrêt Costa pose la suprématie du droit communautaire né du Traité : il faut comprendre par là l'ensemble des normes communautaires ayant un caractère obligatoire ou produisant des effets de droit, qu'il s'agisse de droit primaire (les Traités eux-mêmes), ou du droit dérivé. [...]
[...] Quant à la haute juridiction administrative, après avoir refusé pendant longtemps d'écarter une loi nationale contraire au droit communautaire 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France ; CE, ass oct 1979, UDT et élection des représentants à l'assemblés des Communautés européennes), elle a finalement admis par un arrêt d'assemblée du 22 octobre 1989 la primauté du droit communautaire sur la loi nationale postérieure contraire. Mais pour le Conseil d'Etat, le fondement unique de cette solution est l'article 55 de la Constitution. Aucune référence n'est faite à la spécificité du droit communautaire, qui impliquerait en elle-même sa primauté sur le droit national. Si le droit communautaire prime, c'est en vertu d'une disposition du droit interne, et même du droit constitutionnel interne, qui n'affirme la suprématie des engagements internationaux uniquement sur les lois. [...]
[...] Elle respecte, selon les termes de l'article l'identité des Etats membres inhérentes à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles Le principe de primauté du droit de l'Union, réaffirmé par l'article I-6 du traité, s'entend par conséquent dans ces limites. En conclusion, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans la décision du 29 juillet 2004 selon laquelle sont opposables à la transposition d'une directive communautaire les dispositions expresses de la Constitution française propres à cette dernière, la primauté du droit de l'Union reste inopposable, dans l'ordre juridique interne, aux dispositions de la Constitution française inhérentes à ses structures fondamentales. [...]
[...] Cependant le Conseil Constitutionnel reconnaît dans cette décision l'applicabilité par le juge de l'article 55 de la Constitution à la question du conflit entre une norme internationale et une loi. La Cour de Cassation a immédiatement interprété cette décision comme l'habilitant à être juge de la conventionalité des lois sur la base de l'article 55 de la Constitution. L'arrêt rendu par la Haute Juridiction le 24 mai 1975, dans l'affaire des cafés J. Vabre, consacre la primauté du droit communautaire sur la loi. [...]
[...] Le raisonnement du juge français est limpide : la Constitution ne posant pas la primauté du droit international par rapport à elle, c'est donc qu'elle a entendu qu'il lui soit subordonné. En effet, la Constitution est une donnée fondamentale de la souveraineté des Etats, et il paraît délicat que cette norme reconnaisse son infériorité par rapport à une autre norme, quelle qu'elle soit. En examinant l'article 54 de la Constitution, qui pose un contrôle de constitutionnalité préventif des traités avant toute approbation ou ratification, certains souhaitent en déduire la primauté du droit international et du droit communautaire sur la Constitution, car, en cas de contrariété, il faut modifier la Constitution pour la mettre en harmonie avec le traité projeté. [...]
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