Parler de Constitution semble devoir, à notre époque, conduire automatiquement à parler d'Etat. Certains concluant alors que, l'Europe n'étant pas une structure étatique, le débat sur une Constitution européenne n'a pas lieu d'exister. Cependant, si l'on se penche plus avant sur la notion même de Constitution, on constate que son lien avec l'Etat n'est en fait que la forme moderne de son lien à la société.
La Constitution est en effet le socle du contrat social : là où il y a de la société, il y a du droit, et la Constitution est le droit de ce droit, la Loi fondamentale qui énonce à la fois les valeurs et principes sur lesquels il doit se construire et les pouvoirs et procédures par lesquels il s'élabore. La Constitution est donc, d'une part, acte fondateur exprimant le choix d'un modèle de vie en société, et d'autre part, acte organisateur déterminant un modèle institutionnel d'exercice du pouvoir. Mais le texte constitutionnel ne dit rien quant aux structures de mise en oeuvre de cette organisation politique et sociale.
Dans nos sociétés modernes, c'est la figure de l'Etat qui s'est imposée comme forme dominante d'encadrement du contrat social. Cela ne signifie pas, cependant, qu'elle est la seule structure qui puisse assurer l'existence d'une Constitution. Par conséquent, le fait que l'Europe ne soit pas un Etat ne constitue pas un obstacle, ni théorique ni pratique, à l'idée qu'elle ait une Constitution.
Pour autant, il s'agit de savoir si l'Europe a effectivement besoin d'une Constitution. Si tel est le cas, il reste alors à la construire, et la tâche s'annonce plutôt difficile.
[...] L'Europe n'avance plus, désormais, qu'à coup de petits traités. La raison majeure en est la politique d'élargissements successifs de la communauté à de nouveaux Etats membres : les négociations entre pays sont de plus en plus complexes, et inévitablement, les accords entre intérêts nationaux se font sur la base du plus petit dénominateur commun. Cela ne peut que s'accentuer encore avec l'élargissement programmé de l'Union aux PECO. Pour remédier à cet immobilisme croissant et permettre que l'ouverture à de nouveaux membres n'entrave pas les progrès de l'intégration, il faut donc rompre avec la logique d'accords successifs entre Etats sur des politiques concrètes et ciblées. [...]
[...] On ne peut approuver ce modèle, dans lequel le processus de décision européen prend le pas sur les souverainetés nationales. En revanche, il nous faut accepter la supériorité d'une future Constitution européenne sur les Constitutions nationales. En effet, le texte constitutionnel communautaire, en affirmant un ordre social européen commun, transcende les contrats sociaux nationaux, mais ne les annule pas. En somme, les Constitutions nationales disent la pluralité de l'Europe ; la Constitution européenne, son unité, mais non son unification. Cette cohabitation des textes recèle bien évidemment la possibilité de conflits. [...]
[...] Une Constitution européenne permettrait donc, en améliorant l'information des populations des Etats membres, de renforcer leur contrôle sur les dirigeants communautaires, et donc la démocratie au sein de l'Union. Mais cette démocratie passe aussi par la participation des citoyens à l'élaboration même des contenus du droit européen, et en premier lieu, donc, de la Constitution. Une Constitution qui, si elle est nécessaire, reste ainsi à construire. II. Des dispositions constitutionnelles difficiles à bâtir A. La question du pouvoir constituant Jusqu'à présent, l'Europe s'est construite par la volonté des Etats. Mais on l'a vu, les désaccords entre pays sont croissants et les compromis de plus en plus réduits. [...]
[...] Sans compter en outre les systèmes de partis ou les procédures électives, qui s'appuient ici sur le suffrage proportionnel, là sur la représentation majoritaire. Cette diversité devrait se renforcer encore, avec l'élargissement de l'Union aux PECO. Un élargissement qui pose d'ailleurs le problème du rapport des Etats candidats à la Constitution européenne. Ces derniers doivent-ils participer, en tant que futurs membres, à son élaboration, et rendre encore plus délicat un compromis ; ou sont-ils au contraire condamnés à souscrire sans conditions à un texte construit sans eux ? [...]
[...] Cette dialectique entre l'Europe et les Etats devra également être au centre de la structure institutionnelle posée par la future Constitution communautaire. Pour affirmer pleinement sa valeur et sa portée, et donc contribuer à renforcer l'intégration communautaire, cette Constitution européenne devra, et c'est une des fonctions de toute Constitution, inaugurer un nouveau modèle d'organisation des pouvoirs au sein de l'Union. Cependant, et c'est heureux, la plupart des dirigeants et des citoyens se refusent à considérer la mise en place d'une Constitution comme l'acte fondateur d'un super-Etat européen qui se substituerait aux Etats-nations. [...]
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