Le nouveau visage du secteur public dont les contours s'effacent toujours plus pour associer le secteur privé à la réalisation de l'intérêt général conduit à une grande diversité de modes de collaboration entre les acteurs du marché. L'intervention économique publique se caractérise aujourd'hui par sa polymorphie, aspect pouvant poser des difficultés tant en droit national (souvent mal adapté) qu'en droit communautaire (ce dernier visant à chasser toutes les formes d'entraves au marché intra-communautaire aussi sinueuses soient elles). Par exemple, « la figure (…) de la société d'économie mixte est marquée par l'ambiguïté. Celle-ci découle de l'ambivalence d'une association entre le marché et la puissance publique, entre la société commerciale et la personne publique.»
Aujourd'hui, le respect des règles de publicité et de mise en concurrence issues du droit communautaire et notamment des Directives 2004/17 et 2004/18 visant à donner leur plein effet aux principes fondamentaux du Traité de Rome (TCE ) tels que ceux de transparence et de non discrimination entre opérateurs économiques ne connaît que de très rares et limitées exceptions. Ce phénomène s'explique par le fait que l'approche communautaire est essentiellement économique, théologique: l'application des règles vise à assurer l'effectivité du Traité et par là même à favoriser la création d'un marché libre et concurrentiel. Guidé par ces principes, d'une part, le droit communautaire de la commande publique retient une définition extensive de la notion de marché ou de concession de travaux afin de veiller à ce que la multitude de contrats immobiliers passés au sein des vingt sept États membres puissent être appréhendés en dépit de leurs qualifications nationales. D'autre part, il ne tient aucun compte de la forme juridique ou du régime de propriété pour ne s'intéresser qu'à la nature de l'activité. En d'autres termes, il a vocation à s'appliquer de la même manière à toute entité exerçant une activité économique, c'est-à-dire offrant des biens ou des services sur un marché et cela «indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » . Il en résulte que les contrats passés entre pouvoirs adjudicateurs n'échappent pas à cette règle.
Cela étant, il existe, aussi bien en droit communautaire que dans notre droit national une exception à ce principe qui s'incarne dans la règle dite du contrat « in house » ou encore « contrat de quasi-régie ». Cette exception se justifiant d'après le principe selon lequel « le droit communautaire n'impose aux États membres aucune modification de la répartition des compétences et des responsabilités entre les collectivités publiques qui existent sur leur territoire ». Les collectivités territoriales des États membres disposent donc d'un véritable pouvoir d'organiser les services publics dont elles ont la charge en dehors du marché, soit en régie directe, soit par l'intermédiaire de structures externalisées qu'elles contrôlent. A cet effet, il est admis que certains tiers puissent être assimilables à « de faux tiers » en ce que bien qu'étant opérateurs économiques et disposant d'une personnalité morale différente de celle du pouvoir adjudicateur avec lequel ils contractent, ils constituent en réalité une sorte de prolongement de ce dernier.
Ainsi, les prestations effectuées de manière «quasi interne » par ce type d'opérateur peuvent échapper à toute procédure de mise en concurrence.
Mais, cette exception, comme toute exception, est bien entendu d'interprétation stricte et, en ce qui concernera précisément l'objet de notre réflexion, lorsqu'une collectivité territoriale désire recourir aux services d'une société d'économie mixte locale dont elle est membre, cette dernière ne peut le faire librement sans commettre une violation du droit communautaire. Ce n'est pas tant la personnalité privée de ces structures qui se révèle constitutive d'un obstacle à l'application de la règle du « in house » mais le fait que ces entités privées, quoique soumises à une large influence publique, (les capitaux publics étant nécessairement majoritaires) aient parmi leurs membre un nombre, même infime, d'actionnaires privés. Cette seule présence suffit à faire douter les juges communautaires de l'intérêt poursuivi par la société d'économie mixte : dès lors qu'elle ne poursuivrait pas uniquement l'intérêt général mais potentiellement pour partie l'intérêt de ses actionnaires privés guidés par la rationalité économique de tout opérateur sur le marché. Aussi, cette dernière ne saurait être telle un démembrement de la personnalité des collectivités publiques qui en sont membres. Or, si on prenait le risque d'admettre une exception dans cette hypothèse, la concurrence pourrait être faussée . Ainsi, lorsque le contrat à conclure entre la personne publique et la société d'économie mixte entre dans la catégorie des marchés publics, il doit être soumis aux dispositions du code des marchés publics sans que la législation propre aux sociétés d'économie mixte locales y fasse obstacle .
Cette situation se révélant bien inconfortable d'une part pour les entreprises publiques que sont les SEML limitées dans leurs possibilités d'action sur le marché et d'autre part trop lourde en termes procéduraux pour les collectivités territoriales qui en sont membres, le législateur est intervenu en 2006 pour créer, à titre expérimental, une structure de type société anonyme à capitaux entièrement publics.
En dépit de l'existence de structures comparables parmi les États membres de l'Union européenne, et ce depuis plusieurs années, ainsi que de la réticence française à admettre la participation exclusive de collectivités locales au capital d'une société, l'innovation qu'a incarné la création de la société publique locale d'aménagement (SPLA) a rapidement été perçue comme étant une réponse aux contraintes qu'impose le droit communautaire. Cela étant, son objet limité aux seules opérations d'aménagement, son caractère expérimental et certaines difficultés liées à son mode de fonctionnement ont conduit l'année dernière au dépôt d'une proposition de loi visant à aller plus loin dans cette démarche en créant des sociétés publiques locales (SPL).
L'objet de la présente réflexion sera de présenter l'état du droit en la matière et surtout d'apprécier la pertinence de ces évolutions juridiques. Deux questions nous apparaissent importantes. En quoi la création de SPL permet-elle de s'inscrire dans le champ d'application de la règle du « in house » ? Pour quelles raisons, dès lors que ce montage juridique est valable et opérationnel, peut-il être néanmoins critiqué?
[...] Devès ; CP-ACCP, p note N. Charrel et L. Ducroux ; Contrats-Marchés publ comm obs. J.-P. Piétri C.J.C.E sept aff. C-206/08,Wasser Eurowasser Aufbereitungs C.J.C.E janv aff. C-220/05, Jean Auroux Cne Roanne : Rec. [...]
[...] La seule réglementation du capital des sociétés publiques locales d'aménagement ne suffi[sant] pas pour établir un contrôle analogue Il n'est pas certain en effet que, le pouvoir d'information et de saisine sous certaines conditions attribué au préfet, ainsi que le statut dérogatoire et les prérogatives des collectivités territoriales, soient suffisants pour régir les SPLA. Les contrôles exercés sur ces structures en termes de gouvernance ne permettent pas de considérer que l'on dépasse véritablement le droit des sociétés. Or, l'arrêt Parking Brixen GmbH (précité) pointait du doigt la nature de la société anonyme, ainsi que les pouvoirs attribués au conseil d'administration, en ce qu'ils sont susceptibles de rendre précaire le contrôle de la collectivité sur la société. [...]
[...] En dessous des seuils, la concession devra être passée selon une publicité adéquate si ledit contrat a un impact sur le marché intra-communautaire. Cela étant, outre la lourdeur de cette procédure à laquelle les pouvoirs adjudicateurs ne sauraient échapper, se posent encore d'autres difficultés inhérentes à ce type de contrat. La variation du prix de l'immobilier ou des modifications de la règlementation d'urbanisme applicable sont en effet des aléas se réalisant fréquemment au cours de la vie d'une concession d'aménagement puisqu'elle réalise une opération complexe sur une durée assez longue. [...]
[...] Dans le cas des sociétés d'économie mixtes, qui intéressent plus particulièrement notre réflexion, l'arrêt Stadt Halle précité, est venu confirmer le caractère restrictif de cette jurisprudence. En effet, la Cour jugea que, dans le cas où un pouvoir adjudicateur a l'intention de conclure un contrat à titre onéreux avec une société juridiquement distincte de lui et dans le capital de laquelle il détient une participation avec une ou plusieurs entreprises privées, les procédures de passation des marchés publics prévues par cette directive doivent systématiquement être appliquées. [...]
[...] Il semble que le législateur a estimé qu'en acceptant d'autres personnes que les collectivités territoriales, le risque de se voir opposer la non- réalisation d'une condition essentielle du in house à savoir celle relative à l'exercice d'un contrôle analogue à celui exercé par la collectivité sur ses propres services, lui est apparu comme trop important. Ensuite, un autre point délicat est souligné par certains membres de la doctrine : la faiblesse du montant du capital social minimum des SPLA. Alors que pour les SEM, le capital social doit être d'au moins de 150.000 Euros, la loi ne prévoit ici aucun capital social minimal et renvoie à celui prévu par le Code de commerce, à savoir EUR (C. com., art. L. 224-2). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture