La question de la sécurité juridique en matière de mobilité transfrontalière des patients apparaît comme le « serpent de mer » de l'Union européenne.
Appelée de leurs voeux par la Commission de l'Union européenne et par les organismes mutualistes nationaux, la sécurité juridique cède néanmoins le pas à l'insécurité juridique, en raison de la confusion introduite par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés en matière de prestation transfrontalière de santé.
Dans le cadre de cette contribution, il sera donc traité de l'insécurité juridique susceptible de naître d'une interprétation prétorienne praeter voire contra legem, selon la perspective considérée, à travers l'exemple particulier de la réglementation communautaire concernant la circulation transfrontalière des patients. Si l'on se réfère aux pistes de réflexion figurant dans la présentation de ce colloque, cette approche permet d'aborder le principe de sécurité juridique sous sa dimension structurelle : relation entre la sécurité juridique et l'ordre normatif, intelligibilité des textes, rôle du juge.
En des termes éloquents, le professeur Nicolas MOLFESSIS dénonce les conséquences de l'insécurité juridique : « Parce qu'elle fait obstacle à la connaissance des règles, elle provoque une situation d'angoisse face au droit. C'est l'insertion de la norme juridique dans l'ordre social qui est en cause, et donc sa vocation à régir réellement et durablement les situations juridiques, sans compter le discrédit qui affecte alors le droit. L'insécurité juridique, c'est la règle qui se dérobe ».
« La règle qui se dérobe » suggère, en premier lieu, l'existence d'une règle ou d'un ensemble de règles qui soit échappent à l'interprétation soit conduisent à des interprétations divergentes. Cette règle ou cet ensemble de règles seront alors manifestement insuffisants à régir la situation juridique visée.
Ensuite, s'agissant des raisons pouvant expliquer l'inertie opposée par la règle ou par l'ensemble de règles à l'interprétation, on pense tout d'abord à son absence de clarté, d'intelligibilité. Néanmoins, dans le cas d'un conflit d'interprétations, la règle ou l'ensemble de règles peuvent apparaître suffisamment clairs à leurs interprètes, sur le fondement de leur système d'interprétation respectif. L'insécurité juridique risque alors d'ébranler le système juridique considéré, sa cohérence (...)
[...] Enfin, s'agissant des conditions de prise en charge des soins dispensés dans un autre État membre par l'institution compétente, deux arrêts retiendront notre attention. Dans l'arrêt Keller du 12 avril 2005[26], la Cour reconnaît à la structure médicale d'accueil un large pouvoir d'appréciation sur le plan thérapeutique et elle précise la portée des actes faisant l'objet d'une prise en charge par l'organisme d'affiliation. Dans cette affaire, Mme Keller, de nationalité allemande mais résidant en Espagne, avait obtenu de l'organisme de sécurité sociale espagnole une autorisation préalable en vue de suivre un traitement en Allemagne. [...]
[...] Ce sont, par conséquent, les principes de reconnaissance mutuelle et de confiance mutuelle qui ont vocation à s'appliquer. Quant à l'étendue de la couverture des soins, l'article 22 du règlement 1408/71 prévoyant que le patient autorisé doit être traité dans l'État de séjour sur la base des tarifs de cet État et comme s'il y était affilié, Mme Keller se voit reconnaître le droit au remboursement des soins dispensés en Suisse, dans la mesure où cette prise en charge est prévue par la législation allemande. [...]
[...] L'insécurité juridique découlant de la jurisprudence Kohll et Decker : une dualité de régimes. Les arrêts Kohll et Decker n'ont pas eu pour conséquence de remettre en cause l'application du règlement 1408/71. Cette jurisprudence a ouvert aux patients une deuxième voie d'accès à des soins dans un autre État membre. Ainsi, dans la procédure instaurée par le règlement 1408/71, le patient qui a obtenu de son organisme d'affiliation l'autorisation préalable de se faire soigner dans un autre État membre est traité dans cet État comme s'il y était affilié. [...]
[...] En ce qui concerne les soins ambulatoires, le patient qui n'a pas reçu d'autorisation préalable de son organisme d'affiliation peut néanmoins obtenir le remboursement des soins qu'il a reçus dans un autre État membre, sur le fondement des articles 49 et 50 CE relatifs à la libre prestation de services, et selon les tarifs pratiqués dans son État d'affiliation. Selon cette procédure, le patient doit donc avancer les frais de traitement et en solliciter le remboursement a posteriori, par son organisme d'affiliation. S'agissant des soins hospitaliers[44], ils peuvent être valablement soumis à une autorisation préalable de la caisse de maladie compétente. [...]
[...] Existe-t-il des voies de recours pour le patient lorsqu'il se heurte à un refus de l'institution à laquelle il est affilié ? La prise en charge par l'institution compétente des soins dispensés dans un autre État membre sur la base des tarifs pratiqués dans cet État comprend-elle les hypothèses dans lesquelles ces soins sont dispensés gratuitement dans l'État membre compétent ? De quelle marge d'appréciation dispose l'institution de l'État de séjour, notamment s'agissant de la décision de transférer le patient dans une institution d'un autre État afin qu'il y suive un traitement approprié ? [...]
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