Face à l'incapacité de la réforme du droit écrit de l'Union européenne à supprimer la possibilité des « discriminations à rebours », la recherche d'une solution à ce problème dépend uniquement du juge communautaire.
Rappelons que l'existence d'une « situation purement interne » suppose qu'aucun « élément d'extranéité » ne peut y être reconnu. Le juge communautaire a pu apprécier dans quelles circonstances "tous les éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul Etat membre" . La revue de la jurisprudence des trois dernières décennies montre un élargissement constant de la notion d'élément « pertinent », entraînant corollairement une restriction de la « situation purement interne » et un élargissement du champ d'application du droit communautaire.
Si la situation purement interne est constituée par l'absence de rattachement de la situation à une forme d'exercice d'une liberté fondamentale, ce critère a été interprété de manière à favoriser l'extension du champ d'application du droit communautaire (I). Par ailleurs, deux arrêts particuliers méritent d'être présentés car, si la règle qu'ils établissent n'a que peu de conséquences pratiques, ils nous semblent révélateurs de la velléité du juge communautaire à retenir une conception très restrictive de la « situation purement interne » (II).
[...] Molinier, Thèse non publiée, Université de Toulouse A. P. van der Mei, Free Movement of Person Within the European Community, Cross-Border Access to Public Benefits, Hart Publishing En particulier pp à 38. J. Andriantsimbazovina, Droits fondamentaux communautaires et champ d'application personnel du droit communautaire, Revue des affaires européennes, 2003-2004, pp à 72. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni, C. Lambert, Citoyenneté de l'Union, L'actualité juridique, droit administratif 2004 p.320-321. J. [...]
[...] En outre, en restreignant la situation purement interne le juge communautaire facilite aussi l'entrée d'une personne dans le champ d'application du droit communautaire et, par là même, facilite l'abus de droit. Une personne placée dans une situation analogue à celle de M. Carpenter aurait, en effet, tout avantage à exercer sa liberté de circulation afin de garantir la régularité du séjour de son conjoint, et ce d'autant plus que cet exercice d'une liberté de circulation ne nécessite parfois que de trouver des clients dans un autre Etat membre. [...]
[...] C.J.C.E., arrêt du 17 juin 1997, Sodemare e.a., C-70/95, Rec. p. 3395 ; R. Luby, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes, Libre circulation des personnes et des services, Journal du droit international 1998 p.519-520. Point 27 de l'arrêt cité. Point 28 de l'arrêt cité. Convention de La Haye du 12 avril 1930, concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité (Recueil des traités de la Société des Nations, vol p. 89). [...]
[...] En l'espèce, la situation était purement interne. Pourtant, le juge communautaire considéra que l'application de l'article 30 [devenu 28] du Traité CE "ne [pouvait] pas être écartée pour la seule raison que, dans le cas concret soumis à la juridiction nationale, tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur d'un seul Etat membre"[28]. Cela ne signifie sans doute pas que l'article 30 [devenu 28] trouverait à s'appliquer dans toutes les situations purement internes, mais bien plutôt que, dans des cas particuliers, cette disposition du traité pouvait avoir une incidence sur la validité d'une réglementation nationale. [...]
[...] Carpenter comporte un élément d'extranéité dès lors que l'activité professionnelle de celui-ci implique certaines prestations de services dans d'autres Etats membres. Ainsi, l'exercice de la libre prestation de service, même sans déplacement physique[36], constitue-t-il, selon la Cour, un élément d'extranéité suffisant pour permettre l'application du droit communautaire. En conséquence, Mme Carpenter est bien l'épouse d'une personne ayant exercé une liberté de circulation et doit être protégé par les dispositions du droit communautaire qui reconnaissent l'importance d'assurer la protection de la vie familiale[37] des ressortissants des Etats membres et, au prétexte de protéger M. [...]
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