Par ses réponses aux questions que lui soumettaient les juges nationaux, elle a développé les potentialités des traités communautaires et fait oeuvre créatrice de droit, que d'aucuns ont assimilé à un gouvernement des juges. C'est dire l'importance que revêt, dans le système communautaire, le mécanisme de coopération.
Pourtant, bien que la CJCE postule pour une coopération égalitaire entre elle et les Etats membres en refusant donc d'instaurer une hiérarchie ; en pratique, l'uniformité d'application communautaire passe par une intégration juridictionnelle aboutissant à une véritable hiérarchisation des rapports entre juridictions.
Ainsi, la Cour de cassation (tout comme le CE) a longtemps été réticente quant à l'application de ce système du renvoi préjudiciel (I), considérant que le recours à ce dernier limitait considérablement son autonomie juridictionnelle. Mais finalement, convaincue par l'absence de hiérarchisation, réaffirmée sans cesse par la Cour de justice, elle est revenue sur sa position initiale en se ralliant à cette technique (II) (...)
[...] De fait, par le renvoi préjudiciel, il devient membre actif de l'unification du droit communautaire. Il en résulte que tout juge national, et particulièrement les juges de cassations, à qui obligation est faite de renvoyer, est juge communautaire. Il l'est même, dans un certain sens, plus naturellement que la Cour dont la compétence est seulement d'attribution"[19]. Dès 1975, le Doyen Boulouis avait démontré que l'immédiateté normative du droit communautaire dans le droit interne de chaque état-membre avait pour corollaire la reconnaissance du titre de juge communautaire aux juridictions nationales[20]. [...]
[...] La Cour de cassation : juridiction suprême ? La Cour de cassation est-elle une juridiction suprême ? Pour le savoir, nous verrons successivement sa mission dans l'ordre interne et sa place par rapport à la CJCE La Cour de cassation, juge du droit La Cour de cassation est une juridiction suprême du droit français. En tant que telle, elle ne juge que le droit et non les faits. Or, en ce qui concerne la procédure du renvoi préjudiciel, la CJCE souhaite que l'on assortisse les questions préjudicielles de données factuelles[11] . [...]
[...] Dans cette hypothèse, il reviendrait au juge national d'appliquer la solution dégagée. On a récemment posé la question suivante au Président de la CJCE : la Cour ne joue-t-elle pas le rôle d'une super cour de cassation européenne ? Pour le Président, la réponse est non car le renvoi préjudiciel n'est en rien un recours à l'encontre de la décision du juge national. La Cour apporte son concours aux juridictions nationales dans l'interprétation des normes communautaires, mais le juge de renvoi demeure le juge principal. [...]
[...] Cela se confirme d'ailleurs par le fait que les particuliers ne pouvant saisir directement la CJCE, ceux-ci participent, par l'entremise de leur juge national, à la sauvegarde des droits que leur reconnaît le droit communautaire Ce rôle de premier plan se confirme dans la mesure où le droit communautaire est devenu partie intégrante du droit national. La technique de la question préjudicielle, combinée à l'immédiateté et la primauté induit la formation d'un pouvoir juridictionnel communautaire. Et l'émergence de ce pouvoir confirmerait que les juges nationaux tendraient à devenir juges communautaires[23]. [...]
[...] Seulement, le recours en interprétation est facultatif lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des états membres dont les décisions sont susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. Ce recours n'est obligatoire que lorsque la question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours. Il ne convient pas de recourir en interprétation lorsque la disposition visée ne comporte aucune ambiguïté et n'appelle qu'une appréciation de fait. C'est la première fois qu'un renvoi préjudiciel est invoqué devant les juridictions judiciaires mais refusé par celles ci. [...]
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