La majorité des arrêts rendus par la CJCE (Cour de Justice des Communautés Européennes) le sont sur la base d'un renvoi du juge. Il s'agit là de l'un des recours contentieux pouvant être portés devant la CJCE. Son originalité est d'être un recours de juge à juge, sans intervention des parties. L'objectif poursuivi par la mise en place de ce recours était d'uniformiser l'application du droit communautaire.
L'étude des relations du renvoi du juge national devant la CJCE et de l'uniformité d'application du droit communautaire est donc essentielle à la compréhension du recours. Il est à noter que l'étendue de ce recours a évolué, toujours dans le sens d'une extension, depuis sa création. En effet, initialement, le traité CECA (1951) ne prévoyait un renvoi obligatoire que pour les litiges mettant en cause la validité d'un acte communautaire, à l'article 41. Avec les traités CE et CEEA (1957), respectivement aux articles 177 et 150, deux types de renvoi sont désormais prévus, à savoir le renvoi en interprétation et celui en appréciation de validité. Ces recours se sont maintenus et l'article 234 du traité CE est venu remplacer l'article 177. L'article 35 du TUE (Traité sur l'Union Européenne) est venu étendre au pilier CPJP (Coopération Policière et judiciaire en matière pénale), avec des conditions plus limitatives toutefois. Ce recours, ainsi que la Cour elle-même l'a affirmé dans plusieurs arrêts, a pour principal objectif d'assurer une application uniforme du droit communautaire. L'intérêt que présente le renvoi préjudiciel dans la réalisation de cet objectif ne fait aucun doute mais on peut s'interroger sur l'intérêt réel de ce recours au regard de la pratique des juges nationaux et communautaires.
[...] Ainsi, un arrêt rendu sur la base d'un renvoi préjudiciel par la CJCE s'imposera à tous les juges nationaux de tous les Etats membres de la manière, assurant une application uniforme du droit communautaire. Le renvoi préjudiciel en interprétation va consister en une interprétation de la norme communautaire par la CJCE, qui sera l'interprétation authentique de cette norme. Dès lors, c'est cette interprétation et uniquement celle-ci qui pourra être donnée par les différents juges nationaux. C'est ainsi que l'uniformité d'application du droit communautaire est assurée pleinement par le renvoi préjudiciel en interprétation. [...]
[...] En effet, s'il importe que les juridictions nationales conservent leur indépendance dans une organisation interétatique, la nécessité d'assurer la cohérence d'un système intégré n'en est pas moins forte. C'est au regard de ce double objectif qu'il faut donc analyser les relations entre le renvoi du juge et l'uniformité d'application du droit communautaire. Le renvoi au juge est un recours contentieux par lequel le juge national, en tant que juge communautaire de droit commun, va poser une question préjudicielle à la CJCE. [...]
[...] A l'aune de ces considérations, on comprend qu'il est difficile de sanctionner un juge dissident sans mettre en péril l'existence même de ce système de coopération. C'est pourquoi il apparaît plus judicieux, sans parler d'une solution idoine, de fermer les yeux sur quelques abus du juge afin de préserver une attitude générale de coopération de celui-ci. Se pose ici la question de savoir ce qu'il advient de ces arrêts rendus en contradiction avec le droit communautaire. En effet, lorsqu'il apparaît qu'une solution a été rendue contra legem, est-il possible de la modifier ? La question mérite d'être posée. [...]
[...] Dès lors, il est impossible pour la juridiction communautaire de casser ou d'annuler tout jugement rendu dans l'ordre interne. La Cour n'est en aucun cas compétente pour intervenir dans l'ordre interne. On notera d'ailleurs que les arrêts rendus par elle dans le cadre d'un renvoi préjudiciel sont toujours abstraits et que c'est ensuite au juge interne d'appliquer la solution au litige donné. Or, l'application par le juge interne de l'arrêt de la CJCE peut être source d'interprétation et donc de divergence quant à l'application du droit communautaire. [...]
[...] Par ailleurs, on notera l'importance d'une application uniforme du droit communautaire. En effet, le principe de primauté fait primer le droit communautaire sur le droit national. Pour assurer l'effectivité de ce principe, il est indispensable que le droit communautaire soit appliqué partout de la même manière, sans distinguer selon le juge qui l'applique. Ainsi, le droit communautaire doit-il être mis en œuvre dans chaque Etat membre de la même manière. Se pose ainsi la question de savoir si le renvoi préjudiciel parvient à assurer pleinement l'uniformité d'application du droit communautaire, sans porter atteinte à l'indépendance des juridictions nationales. [...]
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