Lors de la conférence intergouvernementale des membres de l'Organisation européenne des brevets réunie à Paris le 25 juin 1999, les Etats membres ont mis en place un groupe de travail, confirmé lors de la conférence de Londres du 17 octobre 2000, ayant pour mandat de préparer un « projet de protocole facultatif à la Convention sur le brevet européen par lequel (...) les Etats signataires s'engageraient sur un système judiciaire intégré comprenant des règles de procédure uniformes et une cour d'appel commune ». Ce projet, très ambitieux, fait incontestablement concurrence au projet communautaire -même si sa vocation est plus large que ce dernier- car la juridiction appelée à connaître des brevets européens est distincte de la future juridiction communautaire spécialisée et cette dualité oblige à un mécanisme complexe de questions préjudicielles et de renvois peu compatibles avec la rationalisation procédurale affichée. Au vrai, on peut se demander quelle est la pertinence de ce projet : son intérêt est en principe double comme le projet communautaire. Il s'agit d'abord de pallier les éventuelles contrariétés de décisions qui peuvent se faire jour entre les juridictions nationales appelées à statuer à propos d'un même brevet européen. Or, ce risque, qui est réel, demeure insignifiant en pratique (il est d'ailleurs assez éloquent de remarquer que les promoteurs de ce projet ne disposent pas, à notre meilleure connaissance, de statistiques à ce sujet ; pour des brevets européens désignant la France, on recense, sur 20 ans, une dizaine de cas dans lesquels les juridictions étrangères et françaises ont divergé). Il s'agit ensuite de proposer un contentieux pan-européen aux entreprises qui le souhaitent au lieu d'une multiplicité de contentieux locaux. Or, un contentieux pan-européen n'intéresse que les entreprises multinationales, majoritaires en terme de dépôt de brevets, qui possèdent au surplus la faculté de financer de tels litiges, hors de portée des PMI-PME, petits déposants mais qui forment la majorité des utilisateurs du système des brevets. Dans la mesure où un tel système ne présente d'intérêt que pour quelques centaines de particuliers, ne faudrait-il pas pousser la logique jusqu'à son terme et leur ouvrir l'accès à une justice totalement privée qui est celle de l'arbitrage dont le coût et l'organisation n'en seraient supportés que par eux ? Mais la critique la plus décisive que l'on peut adresser à ce projet, comme au projet de brevet communautaire d'ailleurs, est la suivante : le droit des brevets présente-t-il par rapport aux autres matières de la propriété industrielle, le droit des marques, des dessins ou modèles ou des obtentions végétales, une telle spécificité, qu'elle légitime un système juridictionnel propre et une procédure spécifique ? Une telle approche va à rebours de la rationalisation, de la simplification et de l'unification de la propriété industrielle amorcée depuis des décennies et qui constituerait le seul véritable progrès juridique en ce domaine. Le choix d'une juridiction internationale possédant une compétence exclusive étroite (voir infra) suscite des réserves en présence de contentieux qui mêlent habituellement des questions relevant de plusieurs droits intellectuels ou de la concurrence déloyale, et dont l'issue peut dépendre de questions de droit du travail ou des contrats, questions qu'elle ne pourra donc trancher. A une époque où les droits intellectuels sont de plus en plus contestés dans leur principe, consacrer au moins populaire d'entre eux, le droit de brevet, une juridiction d'exception ne semble pas le meilleur moyen de les rendre plus socialement acceptables.
Nous présenterons brièvement les deux projets d'instruments élaborés par le groupe de travail à la fin de l'année 2003 (les textes sont disponibles sur le site de l'OEB : www.epo.com), et à propos desquels les discussions ont été relancées au mois de février 2006 : le projet d'accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens et le projet de statut de la cour européenne des brevets.
[...] Le projet de statut de la cour européenne des brevets Le projet de statut de la cour européenne des brevets précise les règles relatives à la désignation des juges (art à du greffier (art à à l'organisation même de la cour (art à 18) et au tribunal de première instance (art à 27) et, enfin, aux dispositions de procédure (art à 39). La cour comprend des juges qualifiés sur le plan juridique et des juges qualifiés sur le plan technique, nommés par le comité administratif avec un mandat de six ans. [...]
[...] Au vrai, on peut se demander quelle est la pertinence de ce projet : son intérêt est en principe double comme le projet communautaire. Il s'agit d'abord de pallier les éventuelles contrariétés de décisions qui peuvent se faire jour entre les juridictions nationales appelées à statuer à propos d'un même brevet européen. Or, ce risque, qui est réel, demeure insignifiant en pratique (il est d'ailleurs assez éloquent de remarquer que les promoteurs de ce projet ne disposent pas, à notre meilleure connaissance, de statistiques à ce sujet ; pour des brevets européens désignant la France, on recense, sur 20 ans, une dizaine de cas dans lesquels les juridictions étrangères et françaises ont divergé). [...]
[...] Les Etats contractants désigneront la cour européenne des brevets comme étant leur juridiction nationale pour les affaires concernant la contrefaçon et la validité des brevets européens de sorte que les décisions de cette juridiction seront directement exécutables dans tous les Etats contractants, sans aucune forme de reconnaissance ou d'exequatur. À la demande de la cour européenne des brevets, la Cour de justice des communautés européennes à Luxembourg prendra des décisions à titre préjudiciel, lesquelles s'imposeront à la cour européenne des brevets dans la mesure où les décisions de cette dernière prendront effet dans un Etat membre de l'union européenne. [...]
[...] Le régime linguistique est celui de l'OEB tel que précisé par l'accord de Londres (non encore entré en vigueur) sur l'application de l'article 65 de la Convention sur le brevet européen. Devant la cour d'appel, la langue de la procédure sera toujours la langue la procédure de première instance ; devant la division centrale du tribunal de première instance la langue de procédure sera la langue du brevet européen ou de la demande de brevet européen ; devant une division régionale du tribunal de première instance la langue la procédure sera la langue officielle de l'OEB choisie par cette division régionale, sous réserve de l'accord des parties, la cour pourra autoriser l'utilisation d'une autre langue durant toute ou partie de la procédure. [...]
[...] Il s'agit ensuite de proposer un contentieux pan- européen aux entreprises qui le souhaitent au lieu d'une multiplicité de contentieux locaux. Or, un contentieux pan-européen n'intéresse que les entreprises multinationales, majoritaires en terme de dépôt de brevets, qui possèdent au surplus la faculté de financer de tels litiges, hors de portée des PMI-PME, petits déposants mais qui forment la majorité des utilisateurs du système des brevets. Dans la mesure où un tel système ne présente d'intérêt que pour quelques centaines de particuliers, ne faudrait-il pas pousser la logique jusqu'à son terme et leur ouvrir l'accès à une justice totalement privée qui est celle de l'arbitrage dont le coût et l'organisation n'en seraient supportés que par eux ? [...]
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