Une question des plus conflictuelles au sein de l'UE est celle des rapports entre les ordres juridiques communautaires et nationaux, que l'on nomme souvent « les deux rives du droit européen ». Des « rives » à l'opposé l'une de l'autre ? On peut en douter, car l'Europe, dans sa volonté intégrative, s'est dotée d'une institution supranationale dans le domaine du droit, la CJUE (Cour de Justice de l'Union européenne, ex-CJCE créée en 1952), dont le rôle est d'assurer « le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités ».
De ce rôle découle la nécessité d'assurer le respect uniforme du droit communautaire dans chaque État membre. Pour résoudre les conflits, la CJUE a dû élaborer au cours de sa jurisprudence deux grands principes afin d'assurer la mise en place d'une véritable Union : la primauté et l'effet direct du droit communautaire.
Quelle est alors la spécificité de ces principes par rapport au droit international classique ? Surtout, quelles en sont les conséquences au sein de l'ordre juridique communautaire et national ?
[...] L'État ne peut dénier ses responsabilités en raison de son organisation constitutionnelle propre. La primauté impose aussi au juge national de ne pas appliquer la loi nationale incompatible en attendant son abrogation. Sans cela l'État s'expose à une sanction de la CJUE. Enfin, la plus grande originalité réside dans le rôle énorme confié au juge national qui peut de son propre chef, sans en référer à une Cour Constitutionnelle, suspendre l'application de la norme contraire en attendant la réponse de la CJUE (dans le cadre du recours préjudiciel). [...]
[...] Ces principes visent en fait à assurer aux particuliers leurs droits qui risqueraient fort, autrement, d'être ignorés par les États membres. On peut donc dire qu'il s'agit d'un autre pas, avec la Charte des droits fondamentaux de l'UE de 2000, vers la Constitution d'une communauté de droits pleinement intégrée par ses États membres. Il convient de dire que ces principes sont désormais inhérents à l'approfondissement communautaire, n'en déplaise aux États eurosceptiques Alors, droit national et droit européen, deux rives fort éloignées ? [...]
[...] La CJCE affirme alors la doctrine de l'effet direct : les justiciables peuvent faire valoir leurs droits individuels en invoquant une disposition de droit primaire devant un juge national. Une construction juridique tout aussi audacieuse de la CJCE : Dans son raisonnement très original, la CJCE suppose que la participation de tous les acteurs économiques, y compris les particuliers, est nécessaire à l'établissement du marché commun : il s'agit d'une interprétation téléologique (=qui prend en compte les finalités= effet utile). [...]
[...] Surtout, quelles en sont les conséquences au sein de l'ordre juridique communautaire et national ? I. Des principes à la fois héritiers du droit international et caractéristiques de l'ordre juridique spécifique de l'UE Le principe de primauté consacre la spécificité de l'ordre juridique communautaire L'arrêt Costa ou la naissance de la primauté du droit communautaire : Il n'est pas fait référence à la supériorité du droit de l'UE dans les traités, mais la naissance du principe de primauté répond en fait logiquement au processus d'intégration. [...]
[...] La primauté : des effets exceptionnels et parfois mis à mal par les États membres Des conséquences retentissantes : Le principe de primauté absolue a des effets profonds qui bouleversent les habitudes nationales. D'abord, c'est l'ensemble du droit communautaire qui s'impose à l'ensemble du droit national (lois, ordonnances ) et à tous ses organes (législateur, exécutif, juge). Ceci vaut également pour les constitutions nationales (arrêt San Michele du 22 juin 1965), ce qui est révolutionnaire. Par exemple, en 2000, la CJUE affirme la supériorité d'une directive sur l'égalité de traitement hommes/femmes par rapport à l'article 12a de la Loi fondamentale allemande. [...]
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