Alors qu'en France, le débat relatif à l'interdiction de la burqa pose la question d'une nouvelle laïcité française, l'Italie connaît un problème similaire avec la présence des crucifix dans les écoles et les bureaux de vote.
À l'occasion d'un recours exercé devant la Cour européenne des droits de l'Homme par une mère qui contestait la présence de crucifix dans les écoles, le représentant du gouvernement italien, présent à l'audience d'appel, a énoncé que « le crucifix est un symbole passif sans rapport avec l'enseignement qui est laïc ».
Dans un arrêt rendu en novembre 2009, la CEDH avait en effet jugé la présence du crucifix dans les écoles publiques italiennes « contraire au droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions et au droit des enfants à la liberté de religion et de pensée ».
L'Italie avait immédiatement contesté ce jugement. La décision des juges, saisis à l'origine par la mère de deux élèves scolarisés dans le public, avait suscité beaucoup de critiques dans le pays. Elle avait aussi été contestée dans d'autres pays qui n'ont pas rompu avec les symboles religieux, souvent par tradition.
[...] Le recours, demandant le retrait de tous les symboles religieux des bureaux de vote, a été présenté devant le Tribunal de Bologne. Le résultat est le suivant : les crucifix sont restés dans les salles de classe utilisées comme bureaux de vote et le juge et sa femme n'ont pas exercé leur droit de vote. À l'heure actuelle, le Tribunal de Bologne n'a pas encore délibéré sur l'instance. [...]
[...] Malgré l'autorité de cet arrêt, l'affaire du crucifix ne peut pas encore se déclarer conclue. À l'occasion des consultations électorales suivantes, les crucifix sont restés dans les bureaux de vote, même s'il y a eu des nombreuses protestations et demandes tendant à leur retrait. À l'occasion des récentes élections administratives qui se sont déroulées en avril 2005, ce problème a encore été soulevé : Luigi Tosti, juge dans la ville de Camerino, a déclaré que, si les crucifix n'étaient pas enlevés des bureaux de vote, ils se refuseraient à voter. [...]
[...] L'Italie présente en ce sens un régime de séparation théorique entre l'Église et l'État, mais de coopération pratique. L'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, le Portugal présentent un régime similaire. La décision définitive des juges de Strasbourg, dans quelques mois, deviendra contraignante pour l'Italie si elle confirme le premier jugement. Elle pourrait alors faire jurisprudence dans les 47 pays du Conseil de l'Europe, si des parents d'élèves exigent le retrait de crucifix là où ils sont toujours installés. Devant cette perspective, une dizaine de pays sont intervenus hier pour appuyer la position du gouvernement italien. [...]
[...] Si le texte de la Constitution républicaine de 1948 ne fait aucune référence directe au principe de laïcité, la Cour constitutionnelle consacre le principe et définit son contenu à partir de différentes normes fondamentales. La bataille du crucifix dans les classes : En 1967, une circulaire ministérielle relative à la décoration des salles de classe mentionne comme premier objet le crucifix. Cette référence disparaît avec la loi du 23 décembre 1991 sur l'instruction publique, dans laquelle il n'est plus fait aucune référence au crucifix parmi la liste des objets qui doivent constituer la décoration des salles de classe. [...]
[...] L'Etat doit s'abstenir d'imposer des croyances dans les lieux où les personnes sont dépendantes de lui. Il est notamment tenu à la neutralité confessionnelle dans le cadre de l'éducation publique où la présence aux cours est requise sans considération de religion et qui doit chercher à inculquer aux élèves une pensée critique. Or, la Cour ne voit pas comment l'exposition, dans des salles de classe des écoles publiques, d'un symbole qu'il est raisonnable d'associer au catholicisme (la religion majoritaire en Italie) pourrait servir le pluralisme éducatif qui est essentiel à la préservation d'une société démocratique telle que la conçoit la Convention, pluralisme qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle italienne. [...]
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