Dans un arrêt récent (Cretello c/ France, 23.01.2007), la France a de nouveau été condamnée par la CEDH pour une détention provisoire prolongée pendant cinq ans. Une part considérable des requêtes présentées à la Cour vise ainsi le droit d'obtenir un jugement définitif dans un délai raisonnable au civil, au pénal, et aussi en matière administrative dès lors que la procédure est « déterminante pour des droits et obligations de caractère privé » (H. c/ France, 24.10.1989).
Un «délai» c'est le laps de temps nécessaire à l'attente d'un résultat. « Raisonnable » est défini par G. Cornu comme modéré, mesuré, qui se tient dans une justice moyenne. Aucune législation interne ne définissant la notion de délai raisonnable, la jurisprudence de la CEDH a progressivement posé les contours de cette exigence de célérité indissociable de la mise en place d'une véritable justice.
On trouve la notion de « délai raisonnable » à l'article 5-3 de la CEDH selon lequel toute personne a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable et à l'article 6-1 qui dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable (élément du procès équitable). Elle est reprise à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
[...] Le même raisonnement est tenu en droit pénal comme dans l'arrêt Cretello France condamnant l'inaction du juge d'instruction qui n'a pas contrôlé l'expert. Une quasi-obligation de résultat est donc mise à la charge du juge. La mise en œuvre de la responsabilité étatique Le droit européen tend à assimiler le déni de justice au jugement rendu dans des conditions telles qu'il perd toute effectivité pour le justiciable. Il incombe aux États d'organiser leur système juridique pour que leurs juridictions puissent répondre à l'exigence du délai raisonnable (Brigandi Italie .1991). [...]
[...] En matière pénale, la phase de l'instruction est incluse dans l'appréciation du délai (Tomasi c/France .1992) L'appréciation in concreto du délai raisonnable La Cour apprécie le caractère raisonnable du délai in concreto, c'est-à- dire en fonction des circonstances de la cause, et aussi selon les critères consacrés par sa jurisprudence (arrêt König c/RFA .1978) également utilisés par la CJCE : la complexité et la nature de l'affaire, le comportement du requérant et l'attitude des autorités nationales. De plus en plus, l'enjeu de la procédure permet aussi d'évaluer le caractère raisonnable de la procédure. La complexité et la nature de l'affaire La complexité de l'affaire est déterminée en fonction des faits en cause et compte tenu des questions juridiques soulevées. L'application d'une loi nouvelle susceptible de soulever une question juridique complexe (arrêt Pretto c/Italie .1983), la pluralité des parties (H. [...]
[...] Face aux nombreux recours dont elle est saisie, la poursuite préalable de l'État français pour fonctionnement défectueux de la justice selon l'article L.781-1 du Code de l'organisation judiciaire est devenue la condition de recevabilité de la saisine du requérant (Guimarra c/France 12.06 .2001). En cas de durée excessive d'une procédure administrative, le Conseil d'État admet désormais la responsabilité pour faute de l'État du fait de la fonction juridictionnelle (arrêt Mageira .2002). Le décret du 28 juillet 2005 donne compétence au Conseil d'État pour connaître en premier et en dernier ressort des actions en responsabilité dirigées contre l'État. L'essentiel du contentieux est donc désormais transféré aux juridictions internes. [...]
[...] Vers de nouvelles mesures De nouvelles pratiques au niveau local comme national sont préconisées comme la contractualisation de l'instance avec le système des calendriers de procédure, ou l'indication par le magistrat de règles générales de conduites de l'instance Le rapport du Conseil Supérieur de la Magistrature de 2000 rappelle que l'exigence d'un niveau professionnel suffisant devient plus forte et que le seuil au-delà duquel celle-ci n'est plus tolérée s'abaisse en fonction des exigences nouvelles envers une justice qui doit être rendue dans des délais raisonnables.» De nouvelles techniques informatiques, comme le e-barreau sont aussi encouragées. Bibliographie Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, F. Sudre, JP Marguénaud, J. [...]
[...] Andriantsimbazovina, A.Gouttetoire, M.Levinet, Thémis droit PUF Aspects européens des droits fondamentaux, Préparation au CRFPA Libertés et droits fondamentaux, Gérard Cohen-Jonathan Montchrestien Le délai raisonnable : office du juge et office de l'autorité publique in Petites affiches, juin 2003 Mise en état et délai raisonnable des procédures civiles in La Gazette du Palais décembre 2005, n°347 La responsabilité de l'État du fait du non-respect du principe du délai raisonnable de jugement in Revue de la Recherche juridique, Droit prospectif, nº99, mars 2003 Critère d'appréciation du délai raisonnable d'une détention provisoire in Actualités Dalloz janvier 2007 Il appartenait à l'État défendeur de faire le nécessaire pour éviter des délais d'inactivité aussi longs. En particulier, le juge et le conseiller de la mise en état avaient le pouvoir de délivrer des injonctions aux parties pour éviter de tels retards dans la procédure. [...]
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