L'habitude linguistique détermine en général de manière satisfaisante l'état des choses, et si l'usage associe l'existence d'une Europe juridicisée, de l'intégration, avec l'idée de « construction », encore aujourd'hui, cinquante ans après sa mise en marche, c'est bien pour rendre compte de cette réalité que cette Europe est toujours en mouvement, qu'elle poursuit son évolution. C'est en réalité le fait de sa nature si particulière : cette situation où pour l'une des premières fois dans l'Histoire des Etats, certains acceptent, de manière volontaire, de concéder des parts de leur souveraineté à une institution à laquelle ils participent, certes, mais laquelle leur est tout de même assez étrangère, puisqu'elle mêle indifféremment aujourd'hui vingt-sept nations en son sein. Ceci contribue au tâtonnement, à la progression lente qu'exige l'idée qu'un Etat ne peut transiger avec sa souveraineté que de manière certaine et réfléchie.
Aujourd'hui, l'Europe juridique, c'est-à-dire issue des actes volontaires consensuels de certains Etats européens, se concrétise en des organisations - l'Union et les communautés européennes - qui transcrivent cette évolution. Le droit est la traduction des impulsions politiques des Etats, et c'est lui qui rend compte, concrètement, de la souplesse dont jouit l'ordre juridique « communautaire ».
Pour s'intéresser à la capacité d'évolution de ce dernier, à sa « mutabilité », il faut considérer, pour fondement de raisonnement, les sources qui le constituent : c'est par elles qu'il existe, et c'est par elles qu'il peut être amené à évoluer. Ce sont elles qui lui apportent toute sa vivacité, sa capacité permanente d'évolution.
L'optique hiérarchique dans laquelle s'est développé le droit issu de ces organisations implique que les règles édictées par ces dernières s'imposent aux Etats qui en sont membres : le principe de primauté du droit communautaire répercute cette vivacité dans les ordres juridiques internes des Etats membres. Sa possibilité d'évolution influe sur son identité : l'originalité de cette construction juridique est que, loin de nécessiter systématiquement le consentement fondamental des Etats, les accords que ces derniers ont conclus lui permettent d'édicter des normes sur le fondement des accords expresses originaires. Cette aptitude à évoluer spontanément, presque de son seul fait, dans le cadre de compétences, et d'objectifs toutefois définis, marque l'ordre juridique communautaire tout entier de l'emprise de la mutation. Cette dernière est essentielle si l'on considère que les volontés politiques évoluent : la mutabilité juridique doit être le ressort translatif du mouvement de ces volontés.
A l'évocation de ces nécessités, il apparaît primordial de s'interroger plus en détail sur les modalités qui confèrent à l'ordre juridique de l'Union et des communautés européennes sa grande aptitude d'évolution. Il faut encore se questionner sur ce qui, dans les sources de ce droit, est vecteur de cette capacité. A la différence d'un ordre juridique interne, celui-ci n'est pas fondé sur une « constitution » à proprement parler, mais sur des traités dits « institutifs », puisque les communautés et l'Union sont encore à ce jour des organisations internationales, versant peut-être certes dans une forme de fédéralisme. Ces traités sont la base des structures qui se sont développées : il apparaît utile de se demander ce qui, en eux, prépose à l'évolution, et dispose des capacités des institutions à assurer la vitalité de leur ordre juridique. C'est ici qu'intervient le point sensible de la question : il convient de se demander comment, juridiquement, par la conclusion ponctuelle de traités, les Etats sont parvenus à bâtir une institution qui est désormais capable d'assurer par son fonctionnement l'évolution du droit communautaire.
Il faudra ainsi examiner les traités eux-mêmes en ce qu'ils sont d'abord le lieu de l'expression de la volonté des Etats membres, prévoyant eux-mêmes leur flexibilité (I), et aussi les outils dont peut faire usage le système institutionnel mis en place par ces traités pour faire évoluer le cadre normatif communautaire, et partant, celui des Etats (II).
[...] A l'évocation de ces nécessités, il apparaît primordial de s'interroger plus en détail sur les modalités qui confèrent à l'ordre juridique de l'Union et des communautés européennes sa grande aptitude d'évolution. Il faut encore se questionner sur ce qui, dans les sources de ce droit, est vecteur de cette capacité. A la différence d'un ordre juridique interne, celui-ci n'est pas fondé sur une constitution à proprement parler, mais sur des traités dits institutifs puisque les communautés et l'Union sont encore à ce jour des organisations internationales, versant peut-être certes dans une forme de fédéralisme. [...]
[...] En réalité, il apparaît que le droit ne peut être figé tant il s'agit dans le cadre communautaire d'un développement qui se poursuit, et qui est appelé à croître encore. En effet, les traités sont la traduction de l'évolution du rapport entre les Etats membres, et le système de l'Europe juridique : le désir de confier par exemple certaines compétences aux institutions ne peut pas aller sans s'accompagner d'une transcription juridique ; il semble délicat ainsi de concevoir ces traités sans en concevoir aussi la valeur nécessairement mutable qui doit les marquer. [...]
[...] Ces outils ne sont pas les seuls à être vecteurs d'évolution juridique, la pratique de la Cour de justice des communautés européennes ne va pas sans déterminer également la capacité d'évolution de ce droit, ainsi que certains actes dits atypiques B. La jurisprudence et la pratique agents de l'évolutivité La place réservée à la CJCE dans les institutions de la Communauté témoigne d'emblée du rôle particulier qu'elle revêt dans la réalisation des objectifs que les traités confient à la Communauté. [...]
[...] La mutabilité du droit des communautés et de l'Union européenne L'habitude linguistique détermine en général de manière satisfaisante l'état des choses, et si l'usage associe l'existence d'une Europe juridicisée, de l'intégration, avec l'idée de construction encore aujourd'hui, cinquante ans après sa mise en marche, c'est bien pour rendre compte de cette réalité que cette Europe est toujours en mouvement, qu'elle poursuit son évolution. C'est en réalité le fait de sa nature si particulière : cette situation où pour l'une des premières fois dans l'Histoire des Etats, certains acceptent, de manière volontaire, de concéder des parts de leur souveraineté à une institution à laquelle ils participent, certes, mais laquelle leur est tout de même assez étrangère, puisqu'elle mêle indifféremment aujourd'hui vingt-sept nations en son sein. [...]
[...] Il apparaît finalement que si la nature, l'essence même du droit communautaire tendent à la mutation, surtout qu'il est encore en évolution constante, les vecteurs de cette mutabilité émanent originellement des Etats, et que le summum de cette aptitude à évoluer, ou peut-être la face sombre de cet édifice juridique est que tout Etat pourrait probablement en réalité aujourd'hui, en l'état du droit, se retirer des organisations, et provoquer un processus destructeur, désadaptant mais encore une fois facteur de changement dans l'ordre juridique. Claude Blumann, Droit institutionnel de l'U.E. [...]
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