Jean Monnet, dans son ouvrage Mémoires considérait que « la Communauté est un ensemble de règles librement consenties. Ceux qui ne veulent souscrire à ces règles s'excluent eux-mêmes ».
A priori en contradiction avec la vision classique de l'Europe, où les soucis d'unité du droit et d'uniformité des engagements des Etats ont toujours été considérés comme intangibles, la différenciation est en réalité indissociable de la construction européenne.
L'objet de l'intégration différenciée est de permettre aux Etats membres qui le souhaitent d'avancer dans la voie de l'intégration dans certains domaines, sans attendre que tous les Etats soient en mesure ou aient la volonté de progresser dans les domaines en question au même rythme. Il s'agit donc de rechercher les moyens d'une plus grande efficacité et d'éviter tout blocage lorsque l'unanimité est la règle de décision, ce notamment du fait de l'hétérogénéité croissante des Etats membres et des élargissements.
La notion d'intégration différenciée peut ainsi renvoyer aux situations où les Etats membres ne seraient pas soumis à un régime juridique uniforme, alors que l'on se situe pourtant dans le champ d'application matériel des Traités sur lesquels est fondée l'Union. Dès lors l'intégration différenciée est inhérente à la construction européenne, ce dans la mesure où les Etats membres peuvent continuer d'exercer, individuellement ou collectivement, dans un cadre extérieur à l'Union, leurs compétences concurrentes de façon compatible avec le droit de l'Union. En effet, la différenciation est relative aux cas où des dispositions spécifiques du droit de l'Union permettent que les Etats membres ne soient pas tous soumis à un régime juridique identique. D'ailleurs la flexibilité n'a en principe de sens que dans les matières qui font l'objet de décisions à l'unanimité et, de ce fait, propices à rester bloquées. Cette constatation a conduit la Commission à indiquer, dans la Conférence intergouvernementale précédant la signature du Traité d'Amsterdam que « l'Union européenne ne doit pas être condamnée au rythme du plus lent de ses membres ».
Cette acceptation et cette organisation de la différenciation au sein de l'Union européenne ont pris la forme d'un mécanisme général permettant l'établissement de coopérations renforcées. En effet, le Traité d'Amsterdam constitue un tournant majeur de la construction européenne dans la mesure où il accepte pour la première fois d'organiser la différenciation entre les engagements souscrits par les Etats membres en l'institutionnalisant (titre VII du Traité sur l'Union européenne (TUE)). Le mécanisme de la coopération renforcée, qui s'inscrit dans le cadre plus général de l'intégration différenciée permet, lorqu'une action ne peut aboutir à 25, qu'un certain nombre d'Etats membres soit autorisé à aller de l'avant tout en agissant dans le cadre constitutionnel de l'Union. Seul le fonctionnement du Conseil fait l'objet d'une adaptation institutionnelle : les Etats membres non participants voient leur droit de vote suspendu pour les actes adoptés au sein des coopérations renforcées, lesquels ne s'appliqueront qu'aux Etats y participant. L'objectif des coopérations renforcées est double : d'une part, il s'agit de fournir un substitut au vote majoritaire, d'autre part, il s'agit de pourvoir d'un cadre organique les Etats membres désireux de créer au sien de l'Union de nouveaux cercles d'intégration (tels que l'UEM).
Dans quelle mesure l'intégration différenciée, qui apparaît comme étant en contradiction avec la vision classique de l'Union européenne a-t-elle permis un approfondissement des Communautés sans pour autant dénaturer l'unité institutionnelle et normative de l'Union européenne ? Afin de répondre à cette interrogation, nous verrons dans un premier temps quelles ont été les motivations ayant conduit à l'institutionnalisation de la différenciation (I) ; nous verrons par la suite dans quelle mesure la diversité est aujourd'hui un des facteurs déterminants de l'organisation et de l'évolution de l'Union européenne (II).
[...] Cette différenciation a été conçue dans l'intérêt de l'Union, et plus particulièrement de la zone euro. - dans le second cas, où les dérogations sont dites personnalisées et correspondent au concept d'Europe à géométrie variable il s'agit de la volonté de certains Etats membres de bénéficier d'une règle dérogatoire qui leur permet de laisser inappliquée (aussi longtemps qu'ils le souhaitent) la règle. Cette enfreinte au principe de l'uniformité des droits et des obligations régissant les Etats membres s'est à plusieurs reprises avérée nécessaire pour obtenir l'unanimité indispensable à la révision des Traités. [...]
[...] La CJCE est dès lors compétente pour connaître des dispositions des TCE et TUE qui établissent le régime constitutionnel des coopérations renforcées. La Cour est également compétente pour se prononcer sur la conformité des actes dérivant de ce droit primaire, à savoir les actes adoptés au sein des coopérations renforcées, ainsi que des actes d'autorisation et ceux statuant sur la participation ultérieure des autres Etats membres. Certains ont pu considérer que les précautions entourant la mise en œuvre des coopérations renforcées (sept conditions prévues par la clause générale de l'article 43 TUE et cinq critères additionnels énumérés à l'article 11§1 TCE pour le pilier communautaire) sont trop rigoureuses. [...]
[...] La flexibilité des engagements des Etats membres de l'Union est alors apparue comme une solution envisageable dans la mesure où elle permettait une intégration que l'on pourrait qualifier de personnalisée adaptée aux aspirations et aux capacités de chaque membre ou candidat à la Communauté. Une fois le principe de différenciation admis, ses modalités ont été organisées par le Traité d'Amsterdam autour du thème des coopérations renforcées B. Les conditions relatives à la mise en œuvre des coopérations renforcées et leur fonctionnement interne Le mécanisme des coopérations renforcées se caractérisé par une architecture à deux étages, avec deux types de clauses. [...]
[...] La procédure de mise en œuvre d'une coopération dans le domaine de la PESC est également plus exigeante car l'on retrouve le droit de veto des Etats. Ainsi, le groupe d'Etats réunis au sein de la coopération renforcée doit en quelque sorte agir au nom de l'Union dans son ensemble afin de ne pas affecter l'utilité de sa représentation sur la scène internationale. Le Traité constitutionnel s'inscrit dans la lignée du Traité de Nice en élargissant le domaine d'application du mécanisme et en allégeant quelques contraintes. Les dispositions relatives aux coopérations renforcées se trouvent à l'article I44 et aux articles III-416 à III-423 du Traité constitutionnel. [...]
[...] La fusion des piliers permet une simplification des modalités nécessaires à la mise en œuvre de la coopération renforcée et à son fonctionnement. Toutefois, les dispositions spécifiques pour la PESC sont maintenues. L'innovation fondamentale opérée par le Traité constitutionnel concerne l'insertion de la défense dans le domaine des coopérations. Cette dernière relève d'un nouveau régime de coopération, la coopération structurée qui a pour but de permettre la mise en place d'un réservoir unique de forces constitué de d'unités de combat ciblées pour les missions pour les missions envisagées, configurées sur le plan tactique comme une formation de combat [ ] Cette coopération vise les Etats qui remplissent des critères plus importants de capacité militaire et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en cette matière en vue des missions les plus exigeantes Par ailleurs, le Traité constitutionnel procède à l'institutionnalisation de l'Eurogroupe. [...]
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