Dès les origines de la construction à travers les traités fondateurs, mais plus particulièrement depuis ces dernières années et notamment grâce à feu le Traité établissant une Constitution pour l'Europe et maintenant le Traité de Lisbonne, l'Union européenne n'a de cesse d'affirmer la spécificité de sa nature.
Cette affirmation se justifie dans la mesure où, d'une part, elle est un genre à part entière, oscillant entre une organisation internationale classique de par certains aspects et un Etat par d'autres, et d'autre part, elle s'avère plutôt aboutie dans certains domaines, notamment en matière de citoyenneté, mais aussi d'institutionnalisation et de supranationalité, puisque les États ne constituent plus les acteurs exclusifs de l'Union.
Répondant à cette nature spécifique et palliant l'absence de toute source textuelle, la Cour de Justice des Communautés Européennes, devenue la Cour de Justice de l'Union, a eu l'occasion, à travers sa jurisprudence plutôt foisonnante en la matière, de développer toute une théorie de l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, en s'appuyant justement sur cette spécificité.
[...] La Cour n'avait pas à se prononcer sur le fondement de sa compétence, puisque celle-ci découlait de sa compétence générale en matière de contrôle de légalité, celle-ci impliquant donc un contrôle de légalité internationale : pourtant, afin d'établir sa compétence pour interpréter l'accord dans le cadre de sa compétence préjudicielle, elle a estimé opportun de procéder à une assimilation de l'accord à un acte pris par l'une des institutions de la Communauté Ce détour a été critiqué, dans la mesure où la formulation employée par la Cour pouvait traduire le caractère dualiste de la relation entre droit international et droit communautaire, par opposition au monisme qui lie la Communauté et les Etats membres : comme l'explique Jean Boulouis[2], il suffisait que la Cour déclare que l'accord fait partie intégrante de l'ordre juridique communautaire. De façon plus précise, on peut se référer en tout premier lieu à l'interprétation autonome des sources du droit européen, même dans le cas où leur formulation est identique à celle retenue par des sources internationales. [...]
[...] Les illustrations de ce phénomène d'autonomisation sont multiples. En tout premier lieu, il convient de se référer de façon générale à ce que Valérie Michel nomme l'utilisation judicieuse et stratégique du droit international En effet, comme elle nous l'explique dans son article L'autonomie du droit de l'Union européenne au regard de la jurisprudence récente de la CJCE si comme nous l'avons précisé plus haut la Cour prend en compte l'existence du droit international et ne cherche pas à l'ignorer à tout prix, cela sert avant tout la préservation et les intérêts de l'ordre juridique communautaire. [...]
[...] En ce sens, il y a donc primauté des traités de l'Union Européenne, du droit primaire, sur la norme internationale : ils ont dans l'ordre juridique européen une valeur suprême qu'aucun traité ne peut remettre directement en cause. Cette hiérarchisation opérée entre droit international et droit de l'Union Européenne, associée à la distinction claire opérée entre les deux normes, démontre la volonté de conférer un caractère bien spécifique à la norme européenne. Il convient de préciser toutefois, comme nous l'explique R. [...]
[...] Un avis négatif de la Cour implique une révision du traité ou une renégociation de l'accord : si la première hypothèse n'a jamais été réalisée parce que trop lourde, le simple fait de l'envisager peut démontrer que l'article n'implique pas, en lui-même, la prévalence du droit originaire sur les accords internationaux. Ainsi, sur le modèle de l'article 54 de la Constitution française, l'article vise à prévenir une contradiction éventuelle entre le traité constitutif et l'accord et donc à éviter que la Communauté n'applique des accords non conformes au traité. [...]
[...] Ainsi par exemple, concernant les principes généraux du droit, la juridiction européenne a eu l'occasion d'apporter sa propre interprétation et donc de s'affranchir des définitions existantes, alors même qu'elle s'appuyait sur des règles internationales pour énoncer un principe européen, justifiant généralement cette attitude par les objectifs propres de l'ordre juridique communautaire (par ex. TPICE janv aff. T-115/94, Opel Austria ; mais cette position a été condamnée fermement dans l'arrêt CJCE 16 juin 1998, aff. C-162/96, Racke). La juridiction communautaire a donc tendance à opérer une véritable appropriation de la norme internationale, qu'elle adapte ensuite au droit communautaire. [...]
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