L'abus de droit est défini par l'article L.64 du LPF. Il existe diverses formes d'abus de droit.
Tout d'abord, l'abus de droit par simulation consiste en un mensonge juridique.
Elle peut correspondre en un acte fictif, un acte déguisé ou une interposition de personne.
Ensuite, l'abus de droit peut également être soulevé en cas de fraude à la loi.
Ainsi, cette théorie de l'abus de droit appliquée en droit français peut-elle être, par analogie, applicable au droit fiscal communautaire ?
Ainsi, des décisions rendues par la CJCE nous permettent de répondre positivement à cette question.
En effet, selon une décision « TV10 » rendue le 05 octobre 1994, la CJCE énonce qu'il est interdit aux ressortissants de l'union européenne de se prévaloir frauduleusement ou abusivement des normes communautaires.
Par ailleurs, par une décision en date du 12 mai 1998, « Kefalas », la CJCE énonce que le bénéficiaire d'une disposition invoque abusivement celle-ci lorsqu'il le fait pour obtenir, au préjudice d'autrui, des avantages illégitimes et manifestement étrangers à l'objectif de cette disposition.
Si la Cour reconnaît aux juridictions nationales le droit de tenir compte des comportements abusifs ou frauduleux d'une personne pour lui refuser le bénéfice d'une disposition communautaire, c'est à la condition qu'elles apprécient ce comportement en fonction des objectifs poursuivis par la disposition en cause (CJCE 02/05/1996, Paletta II).
Dans la décision Centros, rendue par la CJCE, en date du 09 mars 1999, la Cour énonce que les juges peuvent sanctionner une utilisation abusive du droit communautaire, en l'espèce, il s'agissait de la liberté d'établissement.
La notion française de répression des abus de droit résulte soit d'un acte fictif (ayant implicitement un but fiscal), soit d'un acte à but exclusivement fiscal (et résultant implicitement d'un montage).
La notion communautaire a pour objet d'exclure d'un avantage fiscal « les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale ».
Ainsi, les jurisprudences nationale et communautaire convergent quant à l'interprétation de l'abus de droit.
La question qu'il convient de se poser est de savoir si les grandes libertés de l'Union Européenne telles que la liberté d'établissement ou de circulation des capitaux peuvent être restreintes par la théorie de l'abus de droit ?
L'article 43 du Traité CE (ex art.52) dispose que « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Interdiction qui s'étend aux restrictions à la création d'agences, succursales ou filiales ».
L'article 56 du Traité CE (ex art.73B) dispose que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions aux paiements ».
Pour bien comprendre le sujet, il est important de savoir ce qu'est un abus de droit (I).
Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir si l'abus de droit peut restreindre les libertés fondamentales de l'Union européenne ? (II)
[...] La CJCE indique alors que, dans le domaine de la TVA, la constatation de l'existence d'une pratique abusive exige la réunion des deux éléments. D'une part, il faut établir que les opérations en cause, malgré l'application formelle des conditions prévues par les dispositions de la sixième directive et de la réglementation nationale transposant cette directive, ont pour résultat l'obtention d'un avantage fiscal dont l'octroi serait contraire à l'objectif poursuivi par ces dispositions. D'autre part, le but essentiel des opérations en cause est l'obtention d'un avantage fiscal, étant précisé que l'interdiction des pratiques abusives n'est pas pertinente lorsque les opérations en cause sont susceptibles d'avoir une justification autre que la simple obtention d'avantages fiscaux. [...]
[...] Si l'administration ne répond pas dans un délai de six mois, la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L 64 du LPF ne sera pas applicable. La jurisprudence du Conseil d'Etat sur la notion d'abus de droit, arrêt plénière du 10 juin 1981 : lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportés eu égard à sa situation et à ses activités réelles CE, Plénière 10 Juin 1981 n°19079 Droit Fiscal 48-49, commentaire 2187 CJCE Juillet 1998 Imperial Chemical Industries (ICI) CJCE Février 2006 Halifax Tome 1 à 3 UE p.44 et suivantes CE Mai 2005 Société Sagal Tome 1 à 3 UE p.50 et suivantes Interprétation française et interprétation européenne de l'abus de droit Olivier Fouquet Tome 1 à 3 UE p et suivantes CE Société Pléiade 18 Février 2004 Tome 1 à 3 UE p et suivantes CJCE décembre 2000, Emsland Stärke La CJCE avait déjà eu l'occasion de le dire dans son arrêt I/S Fini H du 3 mars 2005 CJCE avril 1994, BLP Group p et s. [...]
[...] La question de savoir si la théorie de l'abus de droit communautaire serait contraire aux grandes libertés de l'UE figurant dans le traité ne s'est pas posée. C'est pourquoi le juge communautaire guide le juge interne dans le raisonnement à tenir afin de qualifier un abus de droit et pose des limites à cette qualification. L'absence d'entrave aux grandes libertés UE par les dispositions internes Dans ses conclusions relatives à l'arrêt Sagal du Conseil d'Etat[11], Pierre Collin, commissaire du gouvernement, énonce que le principe de la liberté d'établissement, selon la jurisprudence de la CJCE, vise tout à la fois à assurer le bénéfice du traitement national dans l'Etat membre d'accueil et à éviter que l'Etat d'origine entrave l'établissement dans un autre Etat membre de ses propres ressortissants ou d'une société constituée en conformité avec sa législation En ce sens, la liberté d'établissement, grande liberté UE instituée à l'article 48 du traité CE, peut être invoquée à l'encontre d'une mesure fiscale nationale en contrariété avec les dispositions de ce traité du fait que les Etats membres doivent respecter le principe de primauté et d'effet direct du droit communautaire. [...]
[...] Les grandes libertés de l'UE autorisent-elles l'application de la théorie de l'abus de droit en droit fiscal communautaire ? L'abus de droit est défini par l'article L.64[1] du LPF. Il existe diverses formes d'abus de droit. Tout d'abord, l'abus de droit par simulation consiste en un mensonge juridique. Elle peut correspondre en un acte fictif, un acte déguisé ou une interposition de personne. [...]
[...] La lutte contre la fraude fiscale : un objectif reconnu par la sixième directive TVA Dans l'arrêt Halifax, la Cour de justice des communautés européennes fait application au domaine de la TVA du principe communautaire d'interdiction des pratiques abusives et refuse à l'assujetti le droit de déduire la taxe d'amont lorsque les opérations fondant ce droit sont constitutives d'une telle pratique. La Cour rappelle ainsi que, selon une jurisprudence constante, rendue principalement dans des matières non fiscales du droit communautaire, les justiciables ne sauraient se prévaloir frauduleusement ou abusivement des normes communautaires. En effet, l'application de la réglementation communautaire ne saurait être étendue jusqu'à couvrir les pratiques abusives d'opérations économiques, c'est-à-dire des opérations qui ne sont pas réalisées dans le cadre de transactions commerciales normales, mais seulement dans le but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit communautaire[8]. [...]
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