En affirmant que «Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution », les auteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 entendaient assigner au texte politique fondamental une fonction déterminée, qui avait vocation à s'appliquer de façon universelle.
L'étude comparée des différents systèmes constitutionnels contemporains de l'Europe occidentale laisse effectivement apparaître un attachement commun à la protection des libertés fondamentales, ainsi que certaines similitudes concernant les règles d'organisation et de dévolution du pouvoir. Certes, des différences sensibles perdurent entre les différents États européens qui connaissent des monarchies parlementaires et des Républiques, des systèmes fédéraux et unitaires.
Toutefois, une forme de « patrimoine constitutionnel commun » existe, justifiant une étude d'ensemble des différents systèmes et notamment de leur originalité par rapport au modèle américain. En premier lieu, l'existence d'une Constitution protectrice des droits fondamentaux et apte à s'adapter aux enjeux contemporains est apparue comme un moyen de tirer les leçons de l'après-guerre. La Loi fondamentale allemande qui consacre dès l'alinéa 1er du Préambule «La volonté de servir la paix internationale en tant que membre à part entière d'une Europe unie », où le Préambule de la Constitution française de 1946 qui définit «les principes particulièrement nécessaires à notre temps», apparaissent comme des réactions aux horreurs de la guerre et entendent poser les fondements d'un ordre constitutionnel reposant sur la démocratie et le droit. Ensuite, face à l'instabilité gouvernementale qui avait largement discrédité les régimes parlementaires français allemand et italien, les démocraties européennes ont entrepris un effort de rationalisation du parlementarisme avec il est vrai des résultats assez disparates.
[...] En Allemagne, l'article 67 de la Loi fondamentale prévoit une astucieuse motion de censure constructive. Elle consiste en ce que la responsabilité du gouvernement ne puisse entraîner la démission de celui-ci qu'à la condition que le «Bundestag» élise en même temps un successeur. Ce système qui repose sur le consensus politique permet d'assurer au nouveau Chancelier une certaine crédibilité (renversement d'Helmut Schmidt remplacé par Helmut Kohl), voire d'inciter ce dernier à instrumentaliser la procédure (décisions de la Cour constitutionnelle des 16 février 1983 et 25 août 2005). [...]
[...] Une telle européanisation des droits de l'homme débouche nécessairement sur la question non plus d'un patrimoine commun, mais d'une éventuelle Constitution européenne dont la première mouture a été rejetée en 2005. Ce texte contenait en deuxième partie la Charte européenne des droits fondamentaux (annexe du traité de Nice) reprenant très largement la substance de la Convention de 1950. [...]
[...] La Constitution fait système». La Constitution introduit ordre, cohérence, raison, en devenant un appareil de répression du corps politique quand bien même le Professeur Pierre Avril avance qu'un tel texte n'organise rien, ne commande rien, n'oblige à rien, ne garantit rien («Littéralement, le texte de la Constitution ne rien ce sont ses lecteurs qui le font parler, et plus précisément les lecteurs qu'elle a désignés elle-même en les habilitant à l'appliquer») dans la mesure où son application s'inscrit dans le cadre de «conventions de la Constitution» parfois éloignées de la lettre dudit texte. [...]
[...] Les garanties apportées par la justice constitutionnelle. L'inscription des libertés fondamentales dans les Constitutions n'est cependant pas suffisante pour leur assurer une véritable protection. Le système nécessite la mise en place d'un contrôle permettant le cas échéant de censurer le législateur pour violation des règles constitutionnelles. Là encore malgré une tradition commune de justice concentrée quelques divergences fonctionnelles demeurent. En principe le système de justice constitutionnelle européen repose sur la conception d'un contrôle concentré également hérité de la pensée de Kelsen. [...]
[...] Dans un tel contexte, la Constitution devient donc la Règle, sanctionnée par un juge dans le cadre d'un contrôle de constitutionnalité des lois et des traités, qui organise la production d'autres règles notamment celles orientées sur la protection des libertés. De la Constitution jaillirent toutes les autres composantes du Droit, générant ce faisant un Droit constitutionnel pénal, un Droit constitutionnel administratif, etc., dans un mouvement de «constitutionnalisation des branches du Droit». À travers elle, le Droit constitutionnel (re)devient le Droit des libertés tel qu'il était perçu en 1787 aux Etats-Unis et deux ans plus tard en France. Il se juridicise, parce qu'il est juridictionnalisé depuis 1958 et est érigé en Droit fondamental de la Constitution sanctionné par un juge. [...]
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