Il convient dans un premier temps de délimiter le sujet d'une part en précisant ce qu'on entend par juridictions spécialisées et d'autre part en délimitant le sujet à l'application de l'article 6 de la Cour européenne des Droits de l'Homme dans le cadre de ces juridictions dites spécialisées. En effet, il ressort que c'est en grande partie dans le cadre de l'applicabilité de l'article 6 que la Cour européenne des Droits de l'Homme et les juges nationaux ont eu à se prononcer.
On entend par juridiction spécialisée ou juridiction d'exception, une juridiction dont la compétence d'attribution est déterminée par un texte précis. Les juridictions d'exception ont une simple compétence d'attribution et ne connaissent que des affaires qui leur ont été confiées par un texte précis, contrairement aux juridictions de droit commun qui connaissent de toutes les affaires que la loi ne lui retire pas.
Le présent exposé se limitera à étudier le fonctionnement des juridictions spécialisées à la lumière des exigences requises par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme sur les garanties d'un procès équitable.
La Cour européenne a en effet admis que « des impératifs de souplesse et d'efficacité, entièrement compatibles avec la protection des droits de l'homme, peuvent justifier l'intervention préalable d'organes administratifs ou corporatifs et a fortiori d'organes juridictionnels ne satisfaisant pas aux garanties de l'article 6 (CEDH « Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, 23 juin 1981, § 51).
Il convient d'examiner l'impact sur les juridictions d'exception des exigences posées par l'article 6-1 notamment au regard des exigences de :
- publicité des débats
- d'indépendance et d'impartialité (principe du contradictoire et de l'égalité des armes)
[...] Les applications de l'impartialité objective par le juge interne Le juge interne va reprendre le raisonnement de la Cour européenne pour l'appliquer aux juridictions spécialisées. Il faut évoquer ici 3 choses : L'auto saisine La question de l'auto saisine d'une juridiction peut poser problème en termes d'impartialité en ce que le fait pour un magistrat de décider de saisir la juridiction à laquelle il appartient peut laisser envisager qu'il a une appréciation préalable, et donc qu'il n'est pas impartial. La Cour de cassation est venue apporter une réponse. [...]
[...] La Cour EDH va progressivement intégrer à l'article 6-1 : - le contentieux des allocations contre les accidents de travail par arrêt Duclos France du 17 déc - Le contentieux du licenciement des salariés protégés dans son arrêt Delgado France du 14 nov L'intégration du contentieux de la matière sociale à l'article 6-1 va avoir des conséquences non négligeables au plan interne, notamment au regard de la publicité des débats. Ainsi après une période de réticence (CE 17 mars 1993, Mme Gabeur, Rec. 541) face à la jurisprudence européenne, le Conseil d'Etat s'est rangé aux côtés de la Cour EDH et a placé le contentieux social dans le champ d'application du volet civil de l'article 6-1. [...]
[...] Cet arrêt de principe de la Cour de cassation vient en fait confirmer par une application jurisprudentielle un Décret qui a été adopté en 1999 portant sur les juridictions techniques de la sécurité sociale qui prévoit la publicité des audiences. La matière financière et budgétaire Le Conseil d'Etat, dans son arrêt de principe du 30 octobre 1998, Lorenzi reconnaît l'applicabilité de l'article 6-1 au contentieux financier et budgétaire, en qualifiant de pénales, les sanctions pécuniaires infligées au requérant. Au cas d'espèce, le Conseil d'Etat a censuré la Cour de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF) pour défaut de publicité des débats. [...]
[...] F ; Seners) qui va accepter l'applicabilité de l'article 6 au contentieux devant les commissions départementales des travailleurs handicapés. Cet arrêt est intéressant à double titre puisque l'invocation de l'article 6 s'est posée au niveau de la composition de cette commission (point qui sera évoqué dans la deuxième partie) mais aussi, comme il a été indiqué supra, au niveau de la publicité des débats. (Se reporter également à l'arrêt Ass déc Trognon req. 240028). Dans le même ordre d'idée le Conseil d'Etat a sanctionné la Commission centrale d'aide sociale (CCAS) pour ne pas avoir siégé en audience publique En ce qui concerne la Cour de cassation, celle-ci a condamné le défaut de publicité du contentieux technique de la sécurité sociale devant la Cour nationale de l'Incapacité et de la Tarification de l'Assurance des Accidents du Travail (la CNITAT) sur la base de l'article 6 de la Convention EDH, dans un arrêt de l'Assemblée plénière du 20 décembre 2000 Usclat La CNITAT statuait jusqu'alors sans audience publique et sans que le requérant soit avisé de la date de l'audience et puisse demander la publicité des débats. [...]
[...] Même si la Cour rappelle qu' en la matière, même les apparences peuvent revêtir de l'importance il faut voir si concrètement les doutes de l'intéressé peuvent être objectivement justifiés. D'une manière générale, le juge interne s'est rallié à cette conception européenne de l'impartialité. Ainsi, il ne sanctionne pas automatiquement tout cumul de fonctions, mais va rechercher si le magistrat a pu se forger une appréciation préalable. Cette conception, grâce au juge interne et sous influence du juge européen, a irradié l'ensemble des juridictions, elle s'applique par exemple également au juge des référés. [...]
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