La mention de l'héritage « culturel, humaniste et religieux » dans le préambule de la Charte des droits fondamentaux a fortement divisé les conventionnels en 2000, lors de la première Convention chargée de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux. Les dirigeants français s'opposent à la mention d'un héritage religieux et obtiennent qu'elle soit remplacée par l'évocation d'un « patrimoine spirituel et moral ». Néanmoins les versions françaises et allemandes de la Charte diffèrent à ce propos puisque la première contient le mot « spirituel », traduit dans la seconde par l'expression « geistig religiösen » (« spiritualo-religieux »).
La même polémique resurgit lors des travaux de la convention sur l'avenir de l'Europe en 2003, de manière encore plus vive, à tel point que ce débat a été plus médiatisé que tous les autres débats sur la réforme des institutions. (s'est posée la question de savoir si dans le préambule de la future Constitution il fallait mentionner les racines chrétiennes de l'Europe.)
Derrière cette question se trouvait le problème des relations entre les Eglises et l'UE, du modèle à choisir :
Une laïcité à la française ? avec une stricte séparation et pratiquement pas de dialogue ?
Un système à la Grecque ? l'article 3 de la Constitution dit « la religion dominante en Grèce est celle de l'Eglise orthodoxe orientale du Christ »
Un système à l'Irlandaise ? avec une Constitution établie « au nom de la Très Sainte Trinité, dont dérive toute puissance et à qui il faut rapporter, comme à notre but suprême, toutes les actions des hommes et des Etats. »
[...] Elles sont en outre évoquées au même rang que les héritages culturels ou humanistes de l'Europe, n'établissant pas de primauté de la religion sur d'autres héritages comme ceux des Lumières ou de l'Antiquité. Il aurait été difficile de trouver une solution plus consensuelle : celle-ci allie assez habilement le maintien de la laïcité à la reconnaissance de l'apport historique des différentes religions. Aux partisans d'une mention plus laïque, il fallait rappeler que la plupart des pays européens mentionnent la religion chrétienne dans leur Constitution, et que certains, comme la Grande-Bretagne ou le Danemark ne pratiquent pas la séparation de l'Eglise et de l'Etat. [...]
[...] De plus, mentionner des racines chrétiennes risque quand même d'antagoniser une partie de la population européenne qui ne se reconnaît pas dans la chrétienté. Les statistiques de la pratique religieuse sont à cet égard éloquentes : 69% des Américains déclarent une foi sans faille en Dieu contre 36% des Européens et 20% des Français. Les Européens d'aujourd'hui sont athées, agnostiques, incertains, déistes, croyants et seule une minorité d'entre eux pratique une religion. écrit encore Olivier Duhamel. II Forces en faveur de la mention des racines chrétiennes Le Vatican L'Eglise catholique met en évidence le fait que les pères fondateurs considéraient l'héritage chrétien comme fondamental (Schuman, Adenauer, de Gasperi étaient tous des chrétiens démocrates). [...]
[...] Peut-être peut-on conclure avec Breda O'Brien (Irish Times 14/06/2003) it is safe to assume that God is not kept awake at night by this debate Ce débat n'en était finalement pas un, mais peut-être la dernière tentative des Eglises chrétiennes pour regagner l'influence politique qu'elles ont perdu au fil des siècles dans la grande majorité des pays européens. Bibliographie Mrg Renato Martino, La convention européenne : les racines chrétiennes de l'Europe, de l'Est à l'Ouest Conseil Pontifical Justice et Paix janvier 2003 www.vatican.va Do we need ‘God' in the constitutional treaty preamble? Proinsias De Rossa (MEP) / Dana Rosemary Scallon Irish Times mai 2003 A Godless EU, but does God really care? [...]
[...] Se focaliser sur les racines chrétiennes c'est oublier les Lumières et le triomphe de la raison sur l'obscurantisme religieux. Comme le dit F. Bayrou (article p dossier) l'Europe c'est autant St Dominique que Giordano Bruno et Voltaire. Elle est tout autant l'héritière des civilisations grecques et romaines, de ses échanges avec le monde arabe, de la philosophie des Lumières. Elle est aussi le produit du socialisme et des systèmes de protection sociale qu'il a construits. Les opposants à la mention craignent en outre que cette mention vise à définir l'Europe comme un club chrétien, voire catholique. [...]
[...] Quant au présent et au futur, il est vrai qu'il faudrait citer le judaïsme et l'Islam avec le christianisme mais dans l'histoire la dominante chrétienne est plus qu'évidente. En Italie, le cardinal Roberto Tucci répond à l'argument selon lequel la pratique religieuse est en déclin en Europe : La baisse de la pratique religieuse ne doit pas nous faire oublier que des millions d'européens de l'Union se reconnaissent dans les valeurs chrétiennes même s'ils ne pratiquent pas. Utilisation d'une déclaration de Ciampi au Président Slovaque : nous venons d'un héritage humaniste et chrétien commun Le Vatican reconnaît néanmoins les bénéfices de la contribution du Judaïsme et de l'Islam mais considère que l'Europe a été principalement marquée par le christianisme. [...]
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