Depuis 2004, la vie publique européenne -et notamment en Espagne, en France, aux Pays-Bas et au Luxembourg- a été marquée par un important débat sur l'avenir politique de l'Europe. Ce débat a lieu à l'occasion de la ratification par l'ensemble des pays membres de l'Union d'un projet de Constitution européenne.
Le projet de constitution en question a été élaboré par une convention réunissant 105 représentants des 25 pays de l'Union, avec une majorité d'élus des différents pays, entre février 2002 et juillet 2003. Le projet de la convention a servi de base à la conférence intergouvernementale chargée, entre octobre 2003 et le printemps 2004, d'entériner la nouvelle réforme de l'Union européenne. Le 29 octobre 2004 les dirigeants de l'UE signent à Rome le traité constitutionnel intitulé: « Traité établissant une Constitution pour l'Europe ».
Une Constitution est par définition la loi fondamentale qui régit de manière organisée et hiérarchisée l'ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein d'un même espace politique, dont elle détermine ainsi de manière fondamentale la dimension démocratique. Une constitution est située au sommet de son système juridique et les traités internationaux, les lois, les décrets et les arrêtés doivent être conformes à ses principes.
Néanmoins, ce texte n'est pas une Constitution à proprement parler ; c'est un traité international dont les dispositions ont une valeur infra-constitutionnelle mais supra-législative (article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958). De plus, l'Europe n'est pas un Etat et ne réunit pas les critères traditionnels d'un Etat : territoire, population et puissance gouvernante. Le choix de se référer à une " Constitution " illustre le caractère fondateur de ce texte et l'ambition politique qui a animé ses rédacteurs : celle de bâtir une " maison commune " reposant sur des valeurs et des règles partagées. La Constitution reste donc juridiquement un Traité international entre États, mais représente une véritable Constitution pour l'Europe, au regard de ses objectifs.
Bien que le débat sur la Constitution ne soit pas encore clos –certains pays ne s'étant pas encore prononcés sur le projet constitutionnel-, et qu'il peut donc sembler prématuré d'en tirer des conséquences et des leçons, on peut dès maintenant s'interroger sur la signification qu'il prend dans la construction européenne. Comme il est important de mettre ce que nous vivons en perspective par rapport à l'Histoire, il semble essentiel de tenter de comprendre l'impact qu'a ce débat au sein de la construction européenne. Quelles perspectives ce débat ouvre-t-il ? Quelle est sa répercussion ? Quel sens prend-t-il, presque cinquante années après le premier Traité de Rome ? Est-il à la hauteur du défi lancé par les Pères de l'Europe ?
Nous aborderons tout d'abord le rôle crucial et la place significative que prend le débat sur la Constitution dans l'histoire de la construction européenne, avant de réfléchir sur les perspectives qu'il a offertes, ses limites et ses répercutions.
[...] Ensuite parce que le Traité constitutionnel est l'aboutissement de près de cinquante années de construction européenne. Il réunit l'ensemble des textes existants (accords, conventions, traités) et incorpore la Charte des droits fondamentaux proclamée lors du conseil européen de Nice (décembre 2000) en les modifiant autour d'un texte unique visant à accroître l'efficacité des institutions et à clarifier la répartition des compétences entre l'UE et les États membres. En France et dans plusieurs autres pays européens, le débat autour du Traité constitutionnel est donc l'occasion pour les uns et les autres de dresser un bilan de la construction communautaire depuis les premiers traités. [...]
[...] Toujours d'après un sondage IPSOS, en France, les classes les plus aisées et instruites de la population ont le plus souvent accordé leurs suffrages au vote Oui alors que le vote Non est plutôt l'apanage des classes moyennes et populaires avec un niveau d'instruction moindre. Par ailleurs, le résultat est essentiellement une victoire du Non de gauche. Les deux tiers du Non correspondent à la gauche, et un tiers du Non est d'extrême droite. Cela illustre la coupure grandissante entre l'ensemble de la classe politique traditionnelle et les citoyens. [...]
[...] Il n'est pas certain que les arguments des partisans du Non au Traité constitutionnel aient été compris par les nouveaux pays adhérents et par les prétendants à l'entrée dans l'UE, pour qui la situation devient aujourd'hui plus difficile : en raison essentiellement d'une incompréhension quant à notre débat sur leur adhésion qui s'est ajouté au débat sur la Constitution, et parce que le non au Traité constitutionnel européen risque de provoquer une remise à plus tard de l'ouverture des négociations avec les pays candidats à l'entrée, l'Union centralisant toutes ses énergies dans ses affaires intérieures et ne pouvant plus admettre le moindre faux pas sur le plan de l'élargissement. Au niveau des institutions européennes et de la Constitution elle-même, le Président de la Commission M. Barroso a déclaré solennellement en septembre 2005 qu'à court et moyen terme, il n'y aurait pas de Constitution pour l'Europe. [...]
[...] Un débat décevant, compte tenu de l'enjeu historique ? Il été beaucoup dit par les politiques que les citoyens s'étaient appropriés le débat que le débat avait été très bon, exemplaire On peut cependant se demander s'il a été aussi porteur et pertinent qu'on aurait pu l'attendre : même s'il est vrai que jusque dans beaucoup de foyers, on discutait de la Constitution et de l'Europe, on peut noter que le débat a été faussé par de nombreux éléments contextuels de la vie politique, économique et sociale, et notamment la présence de gouvernements impopulaires en France et au Pays-Bas. [...]
[...] Ce débat a aussi vu la confrontation inévitable l'enjeu que représente l'adoption d'une Constitution pour l'Union- de toutes les visions de l'Europe, des thèses fédéralistes à celles nationalistes, de même qu'il nous a montré que le sentiment d'appartenance à un même ensemble historique de civilisation n'était pas évident pour tout le monde, et que bien souvent c'était l'appréhension qui prévalait –c'est ainsi qu'on peut interpréter par exemple les réactions des 83 jeunes invités lors de l'entrée en campagne du Président français Jacques Chirac. Le débat, à défaut d'avoir offert à l'Europe une Constitution, semble plutôt lui avoir ouvert les yeux quant à la nécessité d'informer ses citoyens, de leur rendre les institutions plus compréhensibles et l'enjeu de la construction plus clair. [...]
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