L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui dispose que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » a été consacré comme « l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le conseil de l'Europe » dans une décision SOERING du 7 juillet 1989.
Par là, la CEDH réaffirme, d'une part, l'interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains et dégradants et rappelle, d'autre part, que cet article est l'élément central « du patrimoine commun » des Etats européens.
Dès lors, elle fait de ce droit de ne pas subir de tortures ou de traitement qui s'y rapporterait un droit intangible, insusceptible d'exceptions, quelles qu'elles soient, en ce sens que la torture ne peut trouver de justification.
Ce droit de ne pas subir de torture apparaît donc comme un élément intrinsèque à la personne humaine, en effet il constitue un élément inaliénable de cette dernière.
De plus, afin de garantir ce droit plus efficacement, la CEDH a, et ce à plusieurs reprises, interprété cet article de manière extensive afin notamment d'en étendre la portée. En effet, la torture n'étant pas définie dans l'article 3, celle-ci acquiert une définition évolutive au gré des jurisprudences de la Cour. A ce titre, la Cour européenne des droits de l'Homme a reconnu que les Etats ont, outre l'obligation de ne pas pratiquer la torture, celle de protéger « toute personne relevant de leur juridiction » (article 1) contre la torture et contre tous traitements inhumains et dégradants accomplit même hors de leur juridiction.
Dans cette optique, la CEDH a défini des principes d'interprétation de l'article 3, ce qui a abouti en définitive à une extension du champ d'application de ce dernier.
[...] Ainsi par exemple, à l'occasion de l'arrêt Selmouni du 28 juillet 1998, la Cour EDH a donné une nouvelle définition plus large de la torture. En effet, en l'espèce, elle reprend d'une part, la distinction entre torture et traitement inhumain et y ajoute d'autre part un nouvel élément d'appréciation tiré de la Convention des Nations Unies contre la torture de 1984 laquelle définie la torture comme un acte par lequel les souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne par un agent de la fonction publique dans un but déterminé (aveu, punition, intimidation Dès lors, la qualification de torture sanctionne plus rigoureusement les violences policières. [...]
[...] En définitive, il existe une véritable hiérarchie des seuils de souffrance au sein de laquelle la torture constitue le seuil maximum, le traitement inhumain, le seuil intermédiaire et le traitement dégradant, le seuil minimum de déclenchement de l'article 3. Toutefois, la Cour EDH pose une limite à l'invocabilité de l'article 3 dans la mesure où elle précise que si en général toute peine judiciaire a un caractère humiliant, cette peine ne saurait être considérée comme humiliante ou dégradante au sens de l'article 3 sauf à dire que l'humiliation dont elle s'accompagne va au-delà de l'humiliation légitimement créée par la peine infligée. [...]
[...] Dans ce même arrêt, elle définit également les traitements dégradants comme des mesures de nature à créer chez des individus des sentiments de peur, d'angoisse, et d'infériorité propres à les humilier, à les avilir et à briser éventuellement leur résistance physique ou morale Il peut alors s'agir d'actes par lesquels des individus ont été poussés à agir contre leur volonté et leur conscience ou bien d'actes par lesquels ils ont été grossièrement humiliés à leurs propres yeux. La Cour EDH met alors en place une certaine hiérarchie des traitements prohibés par l'article 3. [...]
[...] Finalement, l'article 3 ne retrouve une véritable effectivité qu'à travers l'invocabilité des traitements inhumains et dégradants. Après avoir défini les critères d'interprétation de l'article la Cour a cherché à étendre la protection assurée par ce dernier à des situations auxquelles il n'était à l'origine pas prévu qu'il s'applique. II) Une application extensive de l'article 3 par la Cour EDH ou la volonté d'élargir son champ de protection La Cour EDH a donc, au gré de sa jurisprudence, opéré une extension de la protection contre la torture ou traitements inhumains ou dégradants par ricochet et ensuite, mis en place des moyens juridiques afin de garantir cette protection. [...]
[...] Ce principe, dégagé en l'espèce, s'est alors vu appliquer dans d'autres affaires telles que l'affaire Jabari contre Turquie du 11 juillet 2000 dans laquelle l'expulsion d'une femme vers l'Iran où elle risquait d'être condamnée à mort par lapidation est contraire à l'article 3. Par ailleurs, la Cour admet également que l'expulsion d'une personne qui entraînerait l'interruption d'un traitement médical vital pourra équivaloir, dans certaines circonstances, à un traitement inhumain (arrêt Bensaïd contre Royaume-Uni 2001 et arrêt D. contre Royaume-Uni 1997). La Cour a aussi étendu le champ d'application de l'article 3 aux conditions des détenus. [...]
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