Depuis son refus d'exercer un contrôle de conventionalité des lois (décis. n° 74-54 DC du 15 janv. 1975, IVG), c'est-à-dire de vérifier la conformité des lois aux traités et accords internationaux, le Conseil constitutionnel peine à donner cohérence à sa jurisprudence. D'un côté, il reconnaît, en vertu de l'article 55 de la Constitution, la supériorité du droit international sur le droit interne. De l'autre, il refuse de déclarer contraires à la Constitution, des lois qui ne respecteraient pas ce principe de primauté.
Ce refus du Conseil constitutionnel d'exercer un tel contrôle a pu être qualifié de « très contestable », en particulier lorsque l'application du traité et de l'accord international n'est pas susceptible de donner lieu à une réserve de réciprocité. Aucun obstacle juridique ne s'oppose pourtant alors à ce qu'une norme de niveau supérieur puisse trouver application devant les juridictions internes, y compris devant le Conseil constitutionnel.
Les traités et accords du droit communautaire ne font pas ici exception Il faut cependant ajouter que la primauté du droit dérivé repose sur une source autonome. C'est notamment le cas des directives communautaires dont la transposition en droit interne résulte, précisément, d'une exigence communautaire. Dans l'ordre juridique communautaire, il est exclut qu'une disposition nationale, fut-elle constitutionnelle, puisse y faire obstacle.
En toute logique, la solution ne devrait pas différente dans l'ordre juridique interne. Du reste, si la Constitution française a fait place, depuis la loi du 25 juin 1992, à un titre XV intitulé Des Communautés européennes et de l'Union européenne (art. 88-1 s.), c'est pour permettre la ratification des accords de Maastricht. Que les délégations de souverainetés consenties aux communautés européennes aient été constitutionnalisées acquiert pourtant une signification singulière auprès des tenants d'une conception moniste avec primauté étatique. Loin d'être une répercussion de la primauté communautaire au niveau constitutionnel, elle serait le signe de la primauté de la Constitution française au regard du droit communautaire. Entre les sensibilités souverainistes et communautaristes, les lectures restent divergentes.
Toujours est-il que si le vent souffle, c'est bien du côté du droit communautaire. Sa primauté a été reconnue aussi bien par les juridictions de l'Union européenne, que par les juridictions internes. Nombre de lois françaises ne sont que des transpositions de directives communautaires. Nos étudiants l'ignorent trop souvent. Ces directives communautaires ne sont pas de vagues sources d'inspiration. Elles font partie intégrante de notre droit positif. Les lois nationales subissent leur influence. Le Parlement français est désormais lié, quand bien même il voudrait résister à ce mouvement.
L'exigence de transposition des directives communautaires en droit interne a été précisée par le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen de la loi du 1er août 2006 portant transposition de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001. Même s'il subsiste encore des incertitudes sur l'étendue du contrôle, les normes de références du Conseil constitutionnel ne se limitent plus au seul droit national, elles s'étendent désormais aux directives communautaires.
[...] L'introduction en 1992 d'un nouveau titre XV à la Constitution (art. 88-1 s.) n'a pas infléchie cette jurisprudence à l'égard du droit communautaire. Ainsi, le Conseil constitutionnel n'examine pas la conformité d'une loi à une directive communautaire qu'elle n'aurait pas pour objet de transposer (décis. 2006-535 DC du 30 mars 2006). Plus encore, même au sein d'une loi portant transposition d'une directive, certaines dispositions peuvent être considérées comme n'ayant pas cet objet et échapper ainsi au contrôle constitutionnel de conventionalité (V. cons décis. du 27 juill. 2006). [...]
[...] L'exigence constitutionnelle de transposition en droit interne d'une directive communautaire Une décision, rendue le 10 juin 2004 (décis. 2004-496 DC, Loi sur la confiance dans l'économie numérique), a formulé pour la première fois cette exigence. Le considérant de principe, souvent repris par la suite dans d'autres décisions, comprend trois éléments : le rappel de l'article 88-1 de la Constitution (en vertu duquel la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne) ; sa conséquence assortie d'une limite, qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse de la Constitution ; l'affirmation, hors de cette dernière hypothèse, de la compétence du juge communautaire, excluant donc par principe celle du Conseil constitutionnel. [...]
[...] Etendue du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition et normes de références Le contrôle de constitutionnalité des lois portant transposition d'une directive communautaire se présente sous deux aspects. Un contrôle de souveraineté semble pouvoir s'exercer lorsque la loi méconnaît une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France Cette nouvelle formule, plus floue encore que celle de disposition expresse de la Constitution utilisée dans la décision de 2004, laisse au Conseil constitutionnel la plus grande marge de manoeuvre, puisqu'il lui reviendra d'en préciser le contenu. [...]
[...] Si Conseil constitutionnel exerce un contrôle de conformité des lois de transposition aux directives communautaires, ce n'est pour l'heure, que dans une hypothèse bien précise. Aller plus loin serait le conduirait à exercer un contrôle de conformité des lois au droit communautaire, sinon même à remettre plus largement en cause sa jurisprudence IVG de 1975. III. Vers une cohérence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ? Le Conseil constitutionnel est maître de ses décisions, sinon de sa jurisprudence. La prise de position inaugurale, qui nous importe ici, est celle du refus d'exercer un contrôle de conventionalité. [...]
[...] Les juges administratifs ont, eux aussi, reconnu la primauté des directives communautaires : les actes réglementaires contraires sont illégaux et doivent être abrogés (CE Ass févr Compagnie Alitalia ; les décrets d'application contraires à une directive communautaire n'ont pas de base légale, CE Ass févr Sa Rothmans International France). Des incertitudes peuvent certes surgir lors de l'interprétation d'une directive communautaire, mais la faculté de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes (art du Traité CE) est entrée les moeurs juridictionnelles. La décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet peut-elle contribuer à unifier l'interprétation des juridictions nationales ? [...]
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