L'arrêt de section du Conseil d'Etat « Conseil national des barreaux » du 10 avril 2008 illustre le contrôle opéré par le juge administratif sur un décret du 26 juin 2004. En l'espèce, la directive du Conseil datant du 10 juin 1991 pose des obligations de transparence quant aux clients à certaines professions afin de prévenir le blanchiment de capitaux. La directive du Parlement et du Conseil du 4 décembre 2001 étend ces obligations aux « notaires et autres professions juridiques indépendantes. »
Cette directive dispose en son article 6 que les Etats ne sont pas obligés d'imposer ces obligations à ces professions quand elles procèdent notamment à l'évaluation juridique du client, alors qu'en son considérant 17, elle pose leur exonération de plein droit dans ces mêmes situations. Cette directive est transposée en droit interne par une loi du 11 février 2004. C'est cet acte, la loi de 2004 et la directive de 2001 qui sont attaqués par le Conseil national des barreaux devant le Conseil d'Etat. Les requérants soulèvent l'incompatibilité de la directive de 2001 et de la loi de 2004 avec les articles 6 (relatif au procès équitable) et 8 (relatif au respect de la vie privée) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CESDH) et avec des Principes généraux du droit communautaire. Le 10 avril 2008, le Conseil d'Etat rejette la demande des requérants au motif que la directive est valide.
[...] En quoi le Conseil d'Etat est-il compétent pour contrôler la conformité d'une loi transposant une directive européenne à l'égard de la CESDH ? Si le Conseil d'Etat est fondé à contrôler la méconnaissance de droits fondamentaux garantis par la CESDH il est par conséquent compétent pour contrôler la validité d'une loi de transposition à l'égard de la Convention (II). I. Compétence du CE pour contrôler la primauté de la CESDH Si le CE est fondé à opérer ce contrôle, c'est d'une part du fait de l'applicabilité de la CESDH en droit communautaire et d'autre part du fait de sa compétence à statuer lui-même sur ce point sans opérer de renvoi préjudiciel A. [...]
[...] Ainsi interprétée, la directive de 2001 est conforme aux droits fondamentaux garantis par la CESDH dans ses articles 6 et Compétence du CE Certes, dans l'arrêt Commune de Porta du 8 juillet 2002, le CE se déclare incompétent pour contrôler un engagement international au regard d'un autre engagement postérieurement ratifié, mais l'existence de précédents jurisprudentiels relatifs aux mêmes directives que celle invoquée en l'espèce permet au CE de ne pas poser de question préjudicielle. En effet, il reprend la jurisprudence de la CJCE et retient sa solution pour l'appliquer à son espèce. B. [...]
[...] Il se déclare par là même compétent pour contrôler le respect de cette primauté. B. Compétence du CE pour statuer lui-même sur la méconnaissance de la CESDH C'est la cour de justice des communautés européennes qui confère cette capacité au juge interne avec quelques nuances Nécessité d'un renvoi préjudiciel La CJCE ne reconnaît pas aux juridictions nationales le pouvoir d'invalider un acte communautaire. Elle affirme dans un arrêt du 22 octobre 1987 Foto-Frost que cette compétence lui est réservée. Le juge national doit la saisir d'une question préjudicielle sur le fondement de l'article 234 du traité sur la communauté européenne quand il doute de la validité d'un acte communautaire Relative autonomie du juge national La CJCE pose une exception à la nécessité pour le juge national d'opérer un renvoi préjudiciel dans son arrêt Cilfit du 6 octobre 1982. [...]
[...] Ce principe a été réaffirmé par la Cour de Justice européenne notamment le 12 novembre 1969 avec l'arrêt Stauder Portée des principes généraux du droit communautaire Les principes généraux du droit communautaire sont dégagés par la CJCE qui se fonde pour cela sur des textes nationaux ou internationaux, comme ce fut le cas pour la CESDH. Depuis l'arrêt Nicolo de 1989, le Conseil d'Etat reconnaît la supériorité du droit communautaire (traités, règlements, directives et mêmes principes généraux du droit) sur le droit interne français. [...]
[...] Ainsi, il n'était pas nécessaire pour le CE de poser une question préjudicielle à la CJCE, car l'affaire ne présentait pas de difficultés sérieuses L'absence de liberté du législateur Le Conseil d'Etat remarque écarte le moyen selon lequel la directive laisserait aux Etats membres le soin de déterminer eux-mêmes le niveau de protection à assurer Il ne sous-entend ainsi que les dispositions de la directive étant inconditionnelles et précises, le législateur n'avait aucune marge de manœuvre, en vertu de la jurisprudence Arcelor du 8 février 2007. On peut donc déduire la conformité de la loi et du décret à la CESDH de la conformité de la directive à cette même convention. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture