Depuis 1981, environ 4000 requêtes ont été déposées devant la Cour européenne des Droits de l'Homme (que par commodité nous noterons "Cour EDH" tout au long du devoir) invoquant un manquement par la France aux dispositions de la Convention, celle-ci se voyant infliger plus d'une cinquantaine de condamnations. Les cas les plus fréquents ayant donné lieu à une condamnation de la France par la Cour EDH concernent les violations de l'article 8 protégeant le droit au respect de la vie privée et familiale, mais aussi et surtout les violations de l'article 6 dues à la longueur excessive ou au caractère non équitable de procédures.
Adoptée en 1950 sous l'égide du Conseil de l'Europe, la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que pour plus de simplicité nous noterons ensuite Convention EDH, proclame entre autres le principe du droit de toute personne à un procès équitable dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, « qui déciderait, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » Cette convention, et donc son article 6 relatif au droit au procès équitable, n'ont été ratifiés par la France que par le décret du 3 mai 1974, pendant la présidence intérimaire d' Alain Poher. Puis l'arrêt Nicolo (CE Ass, 20 octobre 1989, Nicolo), en mettant fin à la théorie de la loi écran, a permis de faire prévaloir effectivement la Convention EDH et donc l'article 6 sur les lois françaises, même postérieures.
[...] Il faut d'ailleurs savoir que la jurisprudence de la Cour EDH a été et reste parmi les premiers facteurs d'évolution de la juridiction administrative. Se pose dès lors la même question que pour le droit communautaire, à savoir celle de la portée qu'elle revêt dans l'ordre interne, et en particulier ici sur la juridiction administrative. En effet, la soumission du juge administratif à l'article 6 de la convention EDH influence le régime du contentieux administratif et l'aménagement de la juridiction qui en connaît. L'article 6 de la Convention EDH intéresse le juge administratif de deux points de vue principaux. [...]
[...] C'est donc l'institution du commissaire de gouvernement, tel qu'elle est organisée actuellement devant les juridictions administratives, qui est remise en cause, du fait des conclusions du commissaire du gouvernement et de l'impossibilité d'y répondre, mais également du fait de la présence du commissaire de gouvernement au délibéré du Conseil d'Etat ( déjà dans un arrêt du 31 mars 1998, Reinhard et Slimane Kaid France, la cour EDH avait déclaré l'intervention de l'avocat général à la Cour de cassation française en matière pénale contraire à l'article 6-1 de la Convention EDH, et l'on s'était immédiatement demandé si la même analyse et les mêmes critiques conventionnelles ne valaient pas aussi, dans les principes, pour le commissaire de gouvernement devant les juridictions administratives) Cependant, y a-t-il pour autant eu des réformes sur les aspects de l'organisation de la juridiction administrative dénoncés par la Cour EDH ? Non et il ne va probablement pas en avoir pour l'instant. Il n'y a donc pas de soumission des juges administratifs nationaux à la Convention. [...]
[...] II- Le bras de fer entre le juge administratif et l'article 6 de la convention La mise en œuvre de la Convention a révélé plusieurs points faibles des procédures juridictionnelles et administratives nationales. La France a ainsi été condamnée à plusieurs reprises devant la Cour. La juridiction administrative sur le banc des accusés On a longtemps estimé que la France, pays des droits de l'Homme n'avait aucune leçon à recevoir, son droit interne et ses juges assurant à tous un niveau de protection que le monde entier nous enviait. [...]
[...] Par ailleurs, les matières mettant en cause les droits de caractère politique parmi lesquelles le droit d'élire et d'être élu échappent à l'article de 6 de la Convention EDH (CEDH oct 1997, Pierre Bloch France). Il en est enfin de même de la procédure d'extradition d'un étranger (CE décembre 1998, Knock). Pour les champs auxquels s'applique l'article 6 de la Convention EDH, le respect de toute une série de droits est garanti, qui s'applique à des phases strictement définies de la procédure juridictionnelle. [...]
[...] Aussi, juristes et politistes supportaient mal toute ingérence supranationale en ce domaine, fut-ce de la CJCE ou de la Cour EDH, ce qui explique la longue réticence française à ratifier la Convention EDH, qui, adoptée en 1950, ne le sera qu'en mai1974. Le rappel à la réalité fut donc violent pour la juridiction administrative française, condamnée à plusieurs reprises par la Cour EDH pour manquement à l'article 6 de la Convention. En effet, l'originalité de la Convention EDH est d'offrir à tous les citoyens des pays ayant ratifié cette Convention un droit de recours individuel - après épuisement des voies de recours national en vigueur par exemple en France depuis son adhésion à l'article 25 de la Convention, en octobre 1981. [...]
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