L'affaire Varec dévoile un conflit dans lequel intervient la question de l'application simultanée et de la conciliation entre deux directives communautaires : la directive 89/665/CEE relative à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (dite « directive recours ») et la directive 93/36/CE portant coordination des procédures de passation des marchés de fournitures (dite « directive passation »).
En vertu de la première de ces directives, les décisions du pouvoir adjudicateur doivent pouvoir faire l'objet de recours efficaces. En vertu de la seconde directive, le pouvoir adjudicateur doit indiquer aux soumissionnaires les « caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue » (article 7§1) tout en respectant « le caractère confidentiel de tous les renseignements donnés » (article 15§2) de sorte que certains ne seront pas communiqués en cas d'atteinte aux intérêts commerciaux légitimes des entreprises ou à une concurrence loyale entre les fournisseurs (...)
[...] La Cour choisit, en vue de trancher cette question, de s'appuyer sur la jurisprudence de la Cour EDH et rappelle à ce propos le caractère contradictoire n'est pas absolu et est susceptible d'être mis en balance avec d'autres droits et intérêts et que le droit à une divulgation des preuves pertinentes peut être limité pour préserver les droits fondamentaux d'un autre individu ou sauvegarder un intérêt public important (CEDH février 2000, Rowe et Davis c. Royaume-Uni, 61). La Cour s'attache donc tout d'abord à observer la présence de droits pouvant limiter l'application du principe du contradictoire. Elle va alors exploiter un argument tiré du droit européen et un argument tiré du droit communautaire. [...]
[...] Par ailleurs, cette dernière fait savoir qu'elle s'oppose à ce que ces éléments soient versées au dossier dans la mesure où elles contiennent des informations confidentielles liées au secret commercial et à propos desquelles elle est en conflit Varec quant aux droits de propriété intellectuelle. L'Auditeur du Conseil d'Etat conclut alors à l'annulation de la décision d'attribution du marché pour défaut de collaboration loyale de la partie adverse (point 19). L'Etat belge décide de contester cette conclusion devant le conseil d'Etat qui sursoit à statuer pour poser une question préjudicielle à la CJCE afin de savoir si la directive recours doit s'interpréter en ce sens que la juridiction nationale saisie d'un recours doit garantir la confidentialité et le droit au respect des secrets d'affaires contenus dans les dossiers qui lui sont communiqués par les parties à la cause, en ce compris par le pouvoir adjudicateur, tout en pouvant elle-même connaître et prendre de telles informations en considération ? [...]
[...] Enfin, la Cour affirme que le maintient d'une concurrence loyale dans le cadre des procédures de passation des marchés publics constitue un intérêt public important (pt 50). Ceci justifie donc un aménagement de la contradiction. La Cour, répondant de manière positive à la question posée, en conclue logiquement que le droit d'accès doit être mis en balance avec le droit d'autres opérateurs économiques à la protection de leurs informations confidentielles et de leurs secrets d'affaires (point 51). Est ainsi posée une nouvelle exception au caractère contradictoire de la procédure : en cas de risque d'atteinte à la concurrence loyale ou aux intérêts légitimes des opérateurs économiques, la juridiction saisie peut décider que des informations confidentielles contenues dans le dossier ne soient ni transmises au parties ni à leurs avocats. [...]
[...] Cette affaire a donc permit à la Cour de prendre une position plus claire et mieux argumentée que celle consacrée antérieurement (CJCE juillet 2006, aff. C-438/04, Mobistar). [...]
[...] S'agissant de l'argument tiré du droit européen, la Cour relève, que selon l'interprétation que la Cour EDH, la protection conférée par l'article 8 de la Convention EDH consacrant le droit à la vie privée s'étend aux activités professionnelles ou commerciales des personnes physiques comme des personnes morales (v. notamment CEDH avril 2002, Société Colas Est et a. c. France, Par suite, la Cour fait référence à un principe général du droit communautaire : la protection des secrets d'affaires (v. notamment CJCE juin 1986, aff. C-53/85, Akzo Chemie UK/Commission, pt. 37). [...]
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