Les normes communautaires sont l'ensemble des règles de droit qui instituent les Communautés et l'Union européenne, ainsi que les rapports entre les Etats membres et les obligations de ceux-ci du fait de leur adhésion. Le droit communautaire « primaire » est celui des traités, il émane directement des Etats membres. Le droit communautaire « dérivé » est quant à lui dicté par les institutions communautaires, notamment la Commission. Il comporte entre autres les règlements et les directives communautaires.
L'expression « applicabilité directe » recouvre deux notions portant sur les rapports entre le droit communautaire et le droit interne des pays membres. Tout d'abord l'immédiateté du droit communautaire. Ce concept signifie que les normes communautaires font de fait partie des droits nationaux des pays membres dès leur publication au JOCE (Journal Officiel des Communautés Européennes), et cela sans qu'il soit nécessaire de passer par un « acte de réception » de ces normes dans le droit interne. Le deuxième concept est celui d'effet direct. Il signifie que les normes prennent effet dans le droit interne, qu'elles y créent des droits et des obligations pour les personnes et peuvent être invoquées devant le juge national sans qu'une décision complémentaire ne soit nécessaire à leur application. L'effet direct peut être vertical (invocable par un administré contre une administration, par exemple un particulier contre l'Etat) ou horizontal (invocable entre deux particuliers).
Toutes les normes communautaires, selon leur nature, n'ont pas un effet direct dans le droit interne. Le phénomène d'applicabilité directe est cependant l'aspect le plus marquant, le plus concret en quelque sorte, d'un nouvel ordre juridique supranational qui s'impose aux juridictions internes. Nous allons voir selon quels mécanismes et pour quelles conséquences.
[...] L'intégration de ces normes s'est donc faite progressivement et non sans mal. En ce qui concerne la loi, la primauté de la norme communautaire a posé certaines difficultés. La Conseil Constitutionnel renvoie la question aux juges ordinaires dans sa décision IVG de 1975 (sur laquelle il est partiellement revenu dans sa décision du 10 juin 2004 relative à la loi pour la confiance dans l'économie numérique, renforçant encore la valeur juridique des directives communautaires). Il en résulte un arrêt de la Cour de Cassation (Cass mai 1975, Société des Cafés Jacques Vabre) permettant d'écarter l'application d'une loi interne lorsqu'elle est contraire à un traité international. [...]
[...] On sait ce qu'il en est advenu Conclusion L'applicabilité directe des normes communautaires est l'outil puissant de l'intégration communautaire par la voie du droit. En affirmant la primauté et l'effet direct des normes communautaires, la CJCE a très fortement impacté les droits internes des Etats membres. On retiendra que l'intégration des normes européennes dans le droit interne au détriment des règles de ce dernier ne va pas sans résistance, et que les implications politiques d'une telle intégration vont bien au-delà de l'aspect juridique, soulevant un débat sur le caractère fédéral du droit de l'Union et sur la place laissée à la souveraineté des Etats membres et à la démocratie. [...]
[...] C'est cette mission, invoquée par la CJCE, qui justifiera l'élargissement progressif de l'applicabilité directe des normes communautaires et le renforcement du droit communautaire en général par la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. Un autre aspect de l'applicabilité des règlements tient à leur caractère plus légitime que les directives dans la mesure où ils sont élaborés par des autorités politiques des Etats Membres et non par un organe administratif ou technocratique. Nous reviendrons plus tard sur le caractère démocratique des normes communautaires. [...]
[...] Les Traités entrent automatiquement dans le droit interne une fois qu'ils sont ratifiés. Il existe cependant deux approches de cette internalisation. La vision moniste considère que le traité entre dans le droit interne sans qu'un acte de réception (par exemple une loi ou un décret) ne soit nécessaire. A cela s'oppose - ou plutôt s'opposait, puisque le monisme l'a emporté- la vision dualiste qui rendait nécessaire la réception de la norme communautaire dans le droit interne (c'était notamment le cas en Italie). [...]
[...] Applicabilité directe et démocratie : le rôle du législateur, la place de la Constitution L'applicabilité directe des normes communautaires pose un problème théorique de préservation du caractère démocratique de la constitution des lois. En effet, si une norme communautaire telle qu'un règlement s'impose directement à toute norme de droit interne, fût-elle législative ou même constitutionnelle (voir arrêt du 17 décembre 1970 dans l'affaire 11-70 Internationale Handelsgesellschaft), cela signifie que le législateur représentant du peuple souverain peut à tout moment voir ses décisions remises en question par une institution internationale non élue, que ce soit la Commission ou la CJCE. [...]
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