[...] La Communauté, par son activité normative, génère des droits dans le chef des justiciables, que les Etats membres doivent préserver. Aussi veillent-ils, en vertu des prescriptions de l'article 10 CE et plus largement des impératifs du principe de primauté, à ce que leur "arsenal de protection juridique fournisse un degré approprié pour la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, dans la mesure où le droit communautaire n'y a pas pourvu lui-même et cela sans affecter l'uniformité nécessaire dans l'application de ces normes communautaires" (J. Mertens de Wilmars, "L'efficacité des différentes techniques nationales de protection juridique contre les violations du droit communautaire par les autorités nationales et les particuliers", CDE 1981, p. 392).
Chronologiquement, la Cour a d'abord défini les caractères mêmes de la protection due aux particuliers. C'est ainsi que, dans une décision du 4 avril 1968 (CJCE, 4 avril 1968, Lück, 34/67, Rec. p. 360), elle précisait que l'article 95 du Traité ne limitait pas "le pouvoir des juridictions nationales compétentes d'appliquer, parmi les divers procédés de l'ordre juridique interne, ceux qui sont appropriés pour la sauvegarde des droits individuels conférés par le droit communautaire". Un arrêt rendu quelques mois plus tard établissait plus impérativement encore, que les juridictions internes "sont tenues d'assurer la protection desdits droits, étant entendu qu'il appartient à l'ordre juridique de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et, à cet effet, de qualifier ces droits selon les critères de droit interne" (CJCE, 19 décembre 1968, Salgoil, 13/68, Rec. p. 661). Les particuliers ont donc le droit d'obtenir du juge national une protection directe, immédiate, effective (CJCE, 9 juillet 1985, Bozetti, 179/84, Rec. p. 2301) et efficace (CJCE, 15 octobre 1987, UNECTEF c/ G. Heylens, 222/86, Rec. p. 4097), à défaut de laquelle on peut penser que les Etats de droit failliraient aux impératifs de la Communauté de droit. Aux yeux de la Cour, la présence de juges dotés des pouvoirs nécessaires à la protection des droits établis, au profit des particuliers, par l'ordre juridique communautaire ne saurait suffire si elle ne se double pas de l'existence de voies de recours permettant aux demandeurs de revendiquer et d'obtenir effectivement la sauvegarde de ces droits (...)
[...] Se plaçant dans la droite ligne des arrêts Johnston et Heylens elle a cependant posé qu'il appartient dès lors aux juridictions nationales de statuer ( ) sur la légalité de l'acte national dans les mêmes conditions de contrôle que celles réservées à tout acte définitif qui, pris par la même autorité nationale, est susceptible de faire grief à des tiers, et, par conséquent, de considérer comme recevable le recours introduit à cette fin, même si les règles de procédure internes ne le prévoient pas en pareil (CJCE 3 décembre 1992, Oleificio Borelli SpA, 97/91, Europe, février 1993, comm ; v. également CJCE décembre 2001, Carl Kühne GmbH & Co. KG et Jütro Konservenfabrik GmbH & Co. KG, C-269/99 ; R. Mehdi, JDI,2/2002). Le droit à une protection efficace 114. Comme le souligne F. Picod (Le droit au juge en droit communautaire, in Le droit au juge dans l'Union Européenne, J. Rideau [dir.], LGDJ pp et pour être efficace cette protection doit d'abord être immédiate. [...]
[...] Telle était sa préoccupation lorsqu'elle a décidé, pour la première fois, d'attribuer directement, malgré le silence du droit interne, à la Chambre des Lords le pouvoir de suspendre provisoirement l'application de dispositions législatives éventuellement contraires au droit communautaire. La Cour s'était, néanmoins, abstenue de poser les modalités pratiques d'octroi des mesures demandées. Depuis l'arrêt Zuckerfabrik (CJCE février 1991, Zuckerfabrik Süderithmarschen et Zuckerfabrik Soest, Aff. jointes C-143/88 & C-92/89, Rec., p. 415; J.- C. Bonichot, LPA nº 62, p. 26; P. Le Mire, AJDA p. 237; D. [...]
[...] I-4663) était différente. Il s'agissait de savoir si un juge civil devait, dans une procédure soumise au principe dispositif, soulever d'office l'application du droit communautaire, y compris en cas d'abstention de la partie qui y avait intérêt. Refusant, en l'espèce, de contrecarrer l'autonomie procédurale, la Cour s'écarte de la conclusion retenue dans l'affaire Peterbroek. L'obligation faite au juge dans un litige civil de s'en tenir à l'objet du litige et aux éléments de fait tels que circonscrits par les parties limite le pouvoir du juge de soulever d'office des moyens, sauf si un intérêt public péremptoire le commande. [...]
[...] Jacques Dangeville) 122. Au centre de l'affaire Köbler (précité), la responsabilité de l'État du fait de ses juridictions répond aux conditions formulées, par la Cour, dans ces arrêts précédents (CJCE mars 1996, Brasserie le Pêcheur et Factortame III, C-46 et 48/93, Rec., p. 1029, British Telecom CJCE mars 1996, C-392/93,Rec., p. I-1631 et CJCE mai 1996, Hedley Lomas, C-5/94, Rec. p. I-2553 ; CJCE avril 1998, Norbrook Laboratories, C-127/95, Rec. p. I-1531 ; CJCE juillet 2000, Haim, C-424/97, Rec. p. [...]
[...] Le droit à une protection provisoire 115. Dans son arrêt du 19 juin 1990 (CJCE juin 1990, Factortame, C-213/90, Rec p. I-2433; D. Simon & A. Barav, Le droit communautaire et la suspension des mesures nationales, les enjeux de l'affaire Factortame, RMC p. 591), la Cour a reconnu à la House of Lords, aux prises avec une loi susceptible de compromettre l'exercice de droits conférés par l'ordre juridique communautaire, la faculté de prescrire des mesures provisoires. La chambre haute britannique se voyait ainsi reconnaître la faculté d'ordonner la suspension d'une norme législative, jusqu'à ce que la CJCE ait répondu aux questions préjudicielles en interprétation indispensables à la solution au fond du litige. [...]
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