Considéré comme un “principe fondamental qui sous-tend la Convention” dans un arrêt Strain c/ Roumanie du 21 juillet 2005, le principe de non-discrimination est énoncé par l'article 14 de celle-ci, qui prévoit que la jouissance des droits et libertés reconnus par le texte doit être assurée sans distinction fondée notamment sur “le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation”. Cette disposition, qui n'a pas au départ de véritable existence autonome bien qu'elle vienne renforcer la protection des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme, va ensuite prendre plus d'ampleur et voir son champ d'application largement étendu par la Cour, notamment dans le domaine des discriminations fondées sur la race, la couleur ou l'origine ethnique.
Dans un arrêt du 13 novembre 2007, la Grande Chambre de la Cour européenne est ainsi amenée à traiter d'une affaire concernant des discriminations raciales, et plus particulièrement les discriminations subies par les enfants roms, issus d'une minorité ethnique, en République tchèque, notamment dans le domaine de l'éducation. En l'espèce, les parents de certains de ces enfants se plaignaient que ceux-ci étaient trop souvent orientés vers des écoles spéciales, destinées à des enfants aux capacités scolaires plus réduites, en raison de leurs origines ethniques. Cette différence de traitement litigieuse aurait été, selon les requérants, la conséquence de l'application de la législation relative au placement dans ces écoles spéciales ; et constituerait une discrimination au sens de la Convention européenne, sur le fondement de son article 14, prohibant la discrimination sous toutes ses formes, combiné avec l'article 2 du Protocole nº1, garantissant le droit à l'éducation.
Dès lors, il convient de se demander dans le cadre de cette analyse si l'application de la législation tchèque relative au placement d'enfants dans des écoles spéciales a donné lieu à une différence de traitement des enfants roms assimilable à une discrimination fondée sur l'origine ethnique . Plus largement, une législation nationale ayant indirectement des effets préjudiciables sur un groupe, bien qu'elle ne le vise pas spécifiquement, porte-t-elle atteinte au principe de non-discrimination énoncé par l'art. 14 CEDH ?
[...] Cette consécration, inscrite dans une jurisprudence constante de la Cour en ce sens, n'est cependant pas totale puisque la Cour adopte une approche prudente quant à la reconnaissance des discriminations positives. B. Une approche prudente sur la voie de la reconnaissance des discriminations positives Dans son élan de consécration de la prohibition de la discrimination raciale, la Cour va jusqu'à considérer que autorités ont l'obligation de recourir à tous les moyens dont elles disposent pour combattre le racisme, en renforçant ainsi la conception que la démocratie a de la société, y percevant la diversité non pas comme une menace mais comme une richesse”, rappelant de ce fait ses arrêts Natchova Bulgarie de 2004, et Timishev Russie de 2005. [...]
[...] Ainsi, selon le juge Šikuta, la différence de traitement réside ici entre les enfants scolarisés dans des écoles spéciales et les enfants scolarisés dans des écoles ordinaires, différence justifiée par un but légitime et raisonnable : celui de l'éducation pour tous les enfants. Mais ce n'est pas le point de vue adopté par la Cour, qui va déduire du “risque de préjugés raciaux” contenu dans l'orientation suivant les tests que tests ne sauraient servir de justification à la différence de traitement litigieuse”. La Cour reconnaît ainsi une discrimination, puisqu'elle constate l'absence de but légitime et raisonnable à cette différence de traitement. [...]
[...] Les autorités nationales vont alors devoir prouver que la différence en question n'était pas discriminatoire, car sinon serait en pratique extrêmement difficile pour les intéressés de prouver la discrimination indirecte sans un tel renversement de la charge de la preuve”. Le gouvernement doit donc prouver que cette différence d'effet de la législation est le résultat de facteurs objectifs qui n'étaient pas liés à l'origine ethnique, mais l'appréciation de la justification objective et raisonnable sera très stricte car il s'agit d'une discrimination fondée sur l'origine ethnique. [...]
[...] Sudre (Chronique, JCP G I-110), la Cour va ainsi faire de la lutte contre la discrimination raciale un élément constitutif de l'ordre public européen ce qu'elle confirme lorsqu'elle considère que la renonciation au droit de ne pas subir une discrimination raciale ne saurait être admise car “cette renonciation se heurterait à un intérêt public important” La notion d'ordre public européen, consacrée par l'arrêt Loisidou Turquie du 23 mars 1995, est également évoquée par le Préambule de la Convention européenne comme un ensemble d'intérêts supérieurs aux Etats, de valeurs qui leur sont communes et qui s'imposent à eux. C'est donc dans une notion fondamentale qui est celle de l'ordre public européen, dont la Cour considère même que la Convention en est l'instrument institutionnel, que le juge fait entrer la discrimination raciale. [...]
[...] Cet élargissement de la reconnaissance d'une discrimination, notamment raciale, va également provoquer un assouplissement au niveau des moyens de preuve : “pour garantir aux personnes concernées une protection effective de leurs droits, des règles de preuve moins strictes s'imposent en cas d'allégation de discrimination indirecte”. La Cour va en l'espèce procéder au renversement de la charge de la preuve sur l'Etat, prévu “lorsqu'une présomption réfragable de discrimination relativement à l'effet d'une mesure ou d'une pratique est établie par le requérant alléguant une discrimination indirecte”. [...]
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