En décidant que « la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires comporte des clauses contraires à la Constitution », le Conseil s'est, à l'époque, attiré de violentes critiques. Il a fait preuve d'un « intégrisme jacobins » selon l'éditorial du Monde du 19 juillet 1999. C'est une « vision bécassine des républicains intégristes » (B. Poignant, Le Nouvel Observateur, 1 – 7 juillet 1999). D'après O. Duhamel et B. Etienne, il s'agit plutôt d'« intégrisme césaro-papiste ». Enfin, même Mme Trautmann, alors Ministre de la culture, a désapprouvé cette décision (Le Monde du 31 juillet 1999). Pour mieux comprendre le contexte de cette décision, qui fait suite à la huitième utilisation de l'art. 54 depuis 1958, il faut brièvement regarder le contenu de la Charte et son long processus de ratification.
La Charte a été négociée dans le cadre du Conseil de l'Europe. Comportant un préambule et cinq parties, elle possède une économie originale. Chaque État doit adhérer à l'ensemble des « objectifs et principes » de la partie II. De plus, l'État contractant doit s'obliger à adopter une partie seulement des mesures pratiques figurant dans la partie III, relative à la « vie publique ». Il doit en réalité choisir au moins 35 mesures sur les 98 énumérées. Dans cette « convention internationale à la carte » (Mélin-Soucramanien Ferdinand), le Gouvernement français avait décidé de souscrire à 39 engagements.
[...] Celle-ci doit seulement préciser la portée et le sens que l'Etat entend donner à un Traité, mais ce sont de simples instruments en rapport avec le traité (art 31-2, de la Convention de Vienne sur le droit des traités) ; au contraire d'une vraie réserve qui consiste à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cette Etat (art de la Convention de Vienne). Par conséquent, sur le fait de savoir s'il faut ou non tenir compte de cette déclaration dans le contrôle de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a au raison de l'exclure, au regard du droit international (considérant 4). B. Sur le fond, le Conseil Constitutionnel applique logiquement et avec fermeté les principes républicains Les principes d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel s'est ensuite prononcé sur la conformité de la Charte à la Constitution On arrive maintenant au contrôle de constitutionnalité proprement dit. Le Conseil Constitutionnel énumère d'abord les dispositions du préambule et des parties I et II qui posent problème au regard des règles et principes rappelés auparavant. Il s'agit du quatrième alinéa du préambule, qui reconnaît à chaque personne un droit imprescriptible de pratiquer une langue [ ] minoritaire dans la vie privée et publique de l'article 1 de la partie I qui définit les langues régionales ou minoritaires comme, celles pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l'État et différentes de la langue officielle de cet État. [...]
[...] Si l'on récapitule, le Conseil Constitutionnel va donc examiner la constitutionnalité du préambule, de la partie II indépendamment des engagements concrets souscrits par la France au titre de sa partie III. En ce qui concerne la partie III, des précisions sur l'étendue du contrôle s'imposent. Conformément à l'art 2 de la Charte, chaque partie s'engage à appliquer un minimum de trente-cinq paragraphes ou alinéas choisis parmi les dispositions de la partie III de la présente Charte, dont au moins trois choisis dans chacun des articles 8 et 12 et un dans chacun des articles et 13. [...]
[...] Le Conseil Constitutionnel ne s'intéressant qu'à la France, le contrôle de constitutionnalité va porter sur les 39 engagements retenus par la France et sur eux seuls. Le dernier problème à résoudre ensuite pour le Conseil, en ce qui concerne le contenu du Traité soumis au contrôle, est celui de savoir s'il faut examiner la déclaration interprétative fournie par le gouvernement. La réponse est négative, l'examen de la partie II fait donc abstraction de cette déclaration interprétative. En effet, une telle déclaration unilatérale n'a d'autre force normative que de constituer un instrument en rapport avec le traité et concourant, en cas de litige, à son interprétation En droit international, une telle déclaration est habituellement formulée par un État pour exprimer le sens, généralement restrictif, qu'il entend donner aux dispositions d'un traité, pour qu'elles soient acceptées. [...]
[...] Cependant le Conseil Constitutionnel ne conclu pas à l'exclusivité du français dans la mesure où il émet des limites à l'interprétation de l'art Ces limites sont intéressantes car elles représentent une sorte de synthèse de la jurisprudence antérieure sur le sujet. En l'occurrence, la possibilité de recourir à une traduction, ainsi que la tolérance (et non le droit) de l'usage d'une autre langue que le Français dans des circonscriptions administratives (si des circonstances particulières ou l'intérêt général le justifient) apparaissent déjà dans les DC du 29 juillet 1994 loi Toubon et DC du 9 avril 1996 Autonomie de la Polynésie Française. [...]
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