Saisi pour la neuvième fois dans le cadre de l'article 54 de la Constitution française, le Conseil constitutionnel a eu à connaître du Traité établissant une Constitution pour l'Europe signé à Rome le 29 octobre 2004. Aussitôt signé, le Traité a été transmis au Conseil constitutionnel, comme le précise Jacques Chirac, auteur de la saisine : « le Traité a été signé aujourd'hui. Conformément à l'article 54 de la Constitution, j'ai l'honneur de demander au Conseil constitutionnel si l'autorisation de ratifier ce Traité doit être précédée d'une révision de la Constitution » . La saisine du Président de la République présente deux particularités notables : elle a été présentée avec beaucoup de célérité en vue probablement d'éviter la possibilité d'une saisine par les parlementaires les plus hostiles au Traité qui auraient sûrement soulevé des arguments bien plus gênants à l'encontre du texte, et est extrêmement succincte et rédigée en des termes généraux ce qui laisse au Conseil une grande latitude d'approche et de choix des questions à privilégier au sein de sa décision.
Le Traité soumis au contrôle du Conseil constitutionnel comporte quatre parties. La deuxième est intitulée « La Charte des droits fondamentaux de l'Union », c'est celle-ci qui retiendra notre attention. Issue du Traité de Nice conclu en décembre 2000, la Charte n'avait à l'origine qu'une valeur descriptive, en ce sens qu'elle ne constituait qu'une simple déclaration. Mais ce texte a acquis une fonction prescriptive lorsqu'elle a été intégrée au Traité établissant une Constitution pour l'Europe (sous réserve bien sûr de la ratification dudit Traité). Ainsi, la Charte a une véritable valeur juridique et sa violation est sanctionnée par les juridictions.
C'est sur ce texte, qui établit pour la première fois une coopération des Etats membres en matière de droits fondamentaux, que le Conseil constitutionnel s'est penché dans les considérants 14 à 22 de sa décision n° 2004-505 DC rendue le 19 novembre 2004, en l'absence de Valéry Giscard d'Estaing, Président de la Convention ayant rédigé le Traité, et ne pouvait ainsi que se déporter.
Si le reste de la décision a pu aboutir à des constats d'incompatibilité du Traité avec la Constitution, la partie consacrée à la Charte des droits fondamentaux de l'Union est close par un considérant en vertu duquel « ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution » (considérant 22).
Il convient alors de se demander si la décision de conformité de la Charte est elle-même conforme. En effet, nul n'ignore la différence majeure entre « conformité » et « validité » d'une disposition. Or, s'il est certain que la décision du Conseil est valide (en tant qu'elle a été rendue dans le respect de la procédure qui s'impose en la matière), sa conformité est moins évidente. Il s'agit alors d'examiner à la fois la conformité de la décision 2004-505 DC à la Charte des droits fondamentaux de l'Union, celle de la Charte à la Constitution française, et celle de la décision à la Constitution.
Or, l'examen des ces éléments entraîne un décevant constat de non-conformité de la décision tant à la Constitution qu'à la Charte (et plus particulièrement de la Charte à la Constitution française).
En effet, ce constat résulte tant de l'analyse globale de la décision (I), que de l'analyse de ses dispositions consacrées à l'examen au fond de la Charte des droits fondamentaux de l'Union (II).
[...] Cassia. V. Champeil-Desplats, voir supra. NB : les minorités visées ne sont pas les seules minorités nationales. F. Sudre, voir supra. [...]
[...] Cons. Const décis. 96- 378 DC juill Loi portant réglementation des télécommunications, JO 27 juill p. 11400. [...]
[...] L'affirmation du considérant 16 selon laquelle sont dès lors respectés les articles 1 à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance est bien audacieuse. Ces droits collectifs semblent justement, en effet, être consacrés par le Traité soumis à l'examen des juges constitutionnels. En effet, en premier lieu, l'article I-2 du Traité établissant une Constitution pour l'Europe énonce explicitement que l'Union est fondée sur les valeurs [ ] de respect des droits de l'homme, y compris des personnes appartenant à des minorités[17] Mais il a été souligné précédemment que le Conseil constitutionnel avait circonscrit son examen relatif aux droits fondamentaux de l'Union aux seules dispositions de la Charte. [...]
[...] Ce renvoi permet également au Conseil de conclure à la conformité à la Constitution des dispositions de la Charte relatives au droit pénal (Cf. infra). L'article II-107 de la Charte est ainsi déclaré conforme à la Constitution car les explications du praesidium confirment que bien que le principe de publicité des audiences qu'elle pose soit défini largement, il peut être restreint par un nombre suffisant de justifications visées par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique intérêts des mineurs protection de la vie privée des parties au procès intérêts de la justice En outre, les explications du praesidium permettent la décision de constitutionnalité de l'article II-110 de la Charte (considérant 20) qui consacre le principe non bis in idem En effet, elles établissent que ce principe ne s'applique pas aux procédures administratives ou disciplinaires mais au seul droit pénal. [...]
[...] Ainsi, l'analyse de la décision 2004-505 DC et de la Charte des droits fondamentaux montre que le Conseil constitutionnel aborde des questions dépourvues d'intérêt, et néglige certaines dispositions éminemment pertinentes, qui, du reste, seraient susceptibles de démontrer le défaut de conformité de la Charte à la Constitution française de 1958. Aussi, il semble que les juges de la rue Montpensier aient violé l'obligation (non sanctionnée, au demeurant) qui leur incombe de soulever d'office tous les moyens d'inconstitutionnalité, obligation qui découle de la Loi Organique d'habilitation du Conseil constitutionnel et des articles 54 et 61 de la Constitution. [...]
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