L'arrêt rendu le 19 juin 1990 trancha une question importante qui concerne toute les juridictions nationales qui sont susceptibles d'avoir à faire respecter le principe de primauté et de garantir la pleine efficacité du droit communautaire.
Le parlement britannique avait voté une loi réglementant l'immatriculation des navires de pêche : l'Acte sur la navigation marchande de 1988 (Merchant Shipping Act), modifiant le Merchant Shipping Act de 1894.
En vertu de la nouvelle loi, tous les navires devaient se soumettre à une nouvelle immatriculation. De fait, des navires espagnols par leurs propriétaires et leurs équipages, mais battant pavillon britannique en vertu de la loi de 1894, et utilisant des quotas de pêche du Royaume-Uni, perdaient immédiatement le droit d'être immatriculés.
Les demandeurs étaient des pécheurs lésés par la législation britannique. Leur requête devant la Queens Bench Divisional Court se basait sur la violation alléguée d'articles du traité. Pour le gouvernement britannique, la législation en cause n'instaurait aucune discrimination fondée sur la nationalité, mais participait juste à la définition de critères sur lesquels fonder l'appartenance nationale, ce qui n'était en aucun cas interdit par le droit communautaire.
Tous les tribunaux saisit s'accordèrent pour effectuer un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice, en vertu de l'article 234 CE.
Dans l'attente de la réponse de la Cour, l'existence des entreprises était menacée à très court terme, puisque la loi était d'application immédiate. La Divisional Court accepta donc de rendre une injonction provisoire à l'encontre du Secrétaire d'État pour lui ordonner de suspendre l'application de la loi dans l'attente de l'arrêt de la Cour. Or, à l'instar de la situation en droit administratif français, les tribunaux n'ont pas, en droit anglais, le pouvoir d'émettre des injonctions à l'encontre de la Couronne. La Cour d'appel et la Chambre des Lords cassèrent ce jugement. Elles estimaient, en effet, que la loi britannique interdisait une telle injonction et qu'elles ne pouvaient s'opposer à la volonté souveraine du Parlement.
La Chambre des Lords accepta cependant que cette question fasse l'objet d'un renvoi préjudiciel auprès de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). En effet, selon les demandeurs, l'absence d'injonction temporaire de suspendre l'application de la loi constituait en elle-même une violation du droit communautaire.
La question est de savoir si le juge national est investi en vertu du droit communautaire d'un pouvoir d'édicter des mesures provisoires suspendant l'application d'une règle nationale alors qu'une telle compétence n'est pas accordée au juge interne par son droit ?
[...] Manin, " L'Union européenne: ordre juridique, institutions, contentieux". éd p. [...]
[...] Cette possibilité pour le juge national d'édicter des mesures de protection permet d'assurer le respect des obligations qui découlent du principe de primauté et ainsi de se soumettre aux exigences du droit communautaire. En effet, par le biais de l'édiction de mesures de protection, les ordres juridiques internes disposent d'outil nécessaire afin de faire respecter les règles de droit issues du droit communautaire. En cas de carence des systèmes juridiques nationaux (ce qui est le cas du droit britannique qui ne prévoit pas de sursis d'exécution), il appartient aux juridictions nationales de s'appuyer sur le droit communautaire lui-même pour exercer cette prérogative. [...]
[...] De par ce biais, la Cour de justice met fin à une partie des zones d'ombres entourant la décision C-213/89, du moins, elle répond à la deuxième question qu'avait posée la Chambre des Lords dans cet arrêt en dégageant les conditions d'application des mesures provisoires par le juge national. Bibliographie D. Simon, Le droit communautaire et la suspension provisoire des mesures nationales revue du marché commun, 340, octobre 1990, p D.S, Commentaire de l'arrêt Factortame J.D.I, p P. Le Mire, Commentaire de l'arrêt Factortame AJDA novembre 1990, p Ph. [...]
[...] Dans l'attente de la réponse de la Cour, l'existence des entreprises était menacée à très court terme, puisque la loi était d'application immédiate. La Divisional Court accepta donc de rendre une injonction provisoire à l'encontre du Secrétaire d'État pour lui ordonner de suspendre l'application de la loi dans l'attente de l'arrêt de la Cour. Or, à l'instar de la situation en droit administratif français, les tribunaux n'ont pas, en droit anglais, le pouvoir d'émettre des injonctions à l'encontre de la Couronne. [...]
[...] On retient donc que la Cour de justice se base sur l'arrêt de principe Simmenthal et sur l'article 5 du traité CE pour déclarer qu'il appartient aux juges nationaux de protéger les droits que les particuliers tire du droit communautaire. A mesure que la construction communautaire s'est poursuivie, on a ainsi vu éclore un contentieux de deuxième génération relatif moins aux fondements de la supériorité du droit communautaire qu'aux conséquences que les juridictions internes doivent en tirer« (D.Simon les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphoses, Mélanges en hommage à J.Boulouis, p.481). [...]
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