La libre circulation des marchandises au sein de la Communauté européenne ne s'est pas installée sans difficulté. Ainsi dans les années 90 de nombreux mouvements d'agriculteurs ont entrepris des blocages et des violences pour protester contre cette libre circulation qui s'est faite, selon eux, à leur détriment. La Commission européenne a été saisie régulièrement depuis plus d'une décennie de plaintes dénonçant la passivité des autorités françaises face aux actes de violence commis par des particuliers ainsi que des mouvements revendicatifs d'agriculteurs français à l'encontre de produits agricoles en provenance d'autres États membres et, en particulier, des fraises espagnoles.
La Commission a été amenée à adresser plusieurs lettres de mise en demeure à la République française l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à de tels actes. De nouveaux incidents graves s'étant produits en 1995, la Commission a émis, en vertu de l'article 226 du traité CE, un avis motivé, et le 4 août 1995, elle a décidé d'introduire un recours en manquement, dans lequel elle demande à la Cour de justice de constater qu'en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires et proportionnées afin d'éviter les entraves à la libre circulation des fruits et légumes, la République française a manqué aux obligations qui découlent du droit communautaire et plus particulièrement aux articles 5 et 30 du traité CE.
[...] La Cour rappelle que selon l'article 30, les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres La Cour reprend sa jurisprudence Dassonville (CJCE juillet 1974) en qualifiant de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative toute mesure susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire La combinaison des articles 5 et 30 du traité CE . Aux termes de l'article 5 : les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission. Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité La Cour se fonde sur l'article 5 dans son entier. [...]
[...] La notion de manquement se comprend de façon générale comme toute action ou abstention de l'État qui serait contraire au droit communautaire. Ce recours, qui n'est par ailleurs pas ouvert aux particuliers, est une des grandes originalités du système juridique communautaire. En effet, par ce recours la Commission peut surveiller et contrôler le respect du droit communautaire par les États membres, mais surtout saisir la Cour de justice pour obtenir une constatation de manquement à l'encontre de l'État ne respectant pas le droit communautaire. [...]
[...] En première approche, on pourrait légitimement penser que cette question ne relève pas du domaine de compétence de la Communauté et donc n'est pas susceptible d'un recours en constatation de manquement. En effet, en l'espèce c'est une question d'ordre public, plus précisément de l'absence de mesures de police administrative permettant d'assurer l'ordre public. C'est d'ailleurs l'approche du gouvernement français qui va souligner qu'il ne peut être tenu pour responsable des actes commis par des particuliers, mais surtout que s'il devait l'être, la question de l'adéquation entre les moyens mis en œuvre pour garantir l'effectivité de la liberté de circulation des marchandises et les résultats obtenus relèverait davantage du juge national. [...]
[...] Les traités organisent une procédure officielle de constatation du manquement des États à leurs obligations (articles 226 et suivants du traité CE et 141 du traité CEEA). Le traité CE donne ainsi aux États membres, mais surtout à la Commission le droit de dénoncer devant la Cour de justice le manquement d'un État membre à ses obligations. Le recours en constatation de manquement peut ainsi être exercé sans que le requérant ait à justifier d'un intérêt particulier et notamment d'un préjudice propre. C'est un contentieux de la déclaration d'illégalité qui vise les violations par les États membres de leurs obligations communautaires, de leurs manquements. [...]
[...] de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées pour assurer sur leur territoire le respect de la libre circulation des marchandises (point 32). La Cour reconnaît donc que les États restent seuls compétents pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure (et qu'ils) jouissent d'une marge d'appréciation pour déterminer quelles sont, dans une situation donnée, les mesures les plus aptes à éliminer les entraves à l'importation des produits (point 33). Cependant, si elle exclut que les institutions communautaires empiètent sur l'exercice de cette compétence, la Cour déclare qu'il lui appartient, en tenant compte des pouvoirs d'appréciation ci-dessus mentionnés, de vérifier, dans le cas dont elle est saisie, si l'État membre concerné a pris des mesures propres à assurer la libre circulation des marchandises (points 34-35). [...]
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