L'étendue de la liberté dont dispose le juge national pour formuler une question préjudicielle a été délimitée par la Cour de Justice des Communautés européennes dans deux arrêts des 6 octobre 1982 et 22 octobre 1987.
Dans le premier arrêt, la Cour suprême italienne avait posé une question préjudicielle à la Cour de justice, dans le cadre d'un litige relatif au paiement d'un droit fixe de visite sanitaire de laines importées de pays non membres de la Communauté. Des sociétés importatrices de laine invoquent un règlement communautaire qui interdit aux Etats membres d'imposer des taxes d'effet équivalant aux droits de douane sur les « produits d'origine animale » importés. Or, ledit règlement énumère les produits concernés dans l'une de ses annexes, et le Ministère de la Santé italien fait valoir que la laine n'est pas comprise dans cette liste, le règlement ne pouvant donc s'appliquer. Le Ministère estime que la solution étant tellement évidente, il n'existe aucun doute d'interprétation pouvant fonder un renvoi préjudiciel. Les sociétés importatrices estiment quant à elles que les décisions de la Cour suprême étant rendues en dernier ressort, celle-ci ne peut se soustraire à son obligation de saisir la Cour d'une question préjudicielle.
[...] L'obligation de saisine dans le cadre de la question préjudicielle d'interprétation Il faut tout d'abord remarquer qu'il existe deux types de questions préjudicielles : la question préjudicielle d'interprétation, dans le cadre de laquelle intervient l'arrêt CILFIT du 6 octobre 1982, et la question préjudicielle d'appréciation de validité, dont l'arrêt Foto-Frost du 22 octobre 1987 fournit une bonne illustration. Ces deux questions préjudicielles sont régies par l'article 177 du traité CEE, devenu article 234 avec le traité d'Amsterdam. La question préjudicielle d'interprétation permet aux juges nationaux de saisir la Cour dès lors qu'il existe un doute quant au sens à donner à une disposition communautaire. [...]
[...] En raison de cet objectif d'interprétation uniforme des dispositions communautaires sur l'ensemble du territoire de la Communauté, le juge national, lorsqu'il statue en dernier ressort, est tenu de saisir la Cour lorsqu'une partie au litige pendant devant lui soulève une question relative à l'interprétation du droit communautaire (ancien article 177, alinéa 3). Cependant, cette obligation revêt une certaine souplesse, puisqu'il existe deux exceptions à l'obligation de saisine. D'une part, le juge peut ne pas saisir la Cour lorsque la question soulevée n'aurait aucune incidence sur l'issue du litige : la Cour rappelle ainsi dans l'arrêt CILFIT, au paragraphe 10, que la question posée doit être pertinente. [...]
[...] En effet, selon une partie de la doctrine, la position de la Cour opérerait une révision judiciaire de l'article 234 CE, qui n'interdit pas en effet aux juridictions ne statuant pas en dernier ressort de se prononcer sur la validité d'un acte communautaire. Les juridictions nationales, même lorsque des voies de recours sont encore ouvertes aux parties, ne peuvent pas censurer un acte communautaire. Les actes communautaires semblent bénéficier d'une présomption de légalité que seule la Cour est apte à défaire. Enfin, la solution de la Cour de Justice amène à s'interroger sur la force du principe selon lequel les juridictions nationales sont censées être les juges de droit commun du droit communautaire. [...]
[...] Même si elle n'impose pas le renvoi par toutes les juridictions de toutes les questions de validité, la Cour, dans l'arrêt Foto-Frost du 22 octobre 1987, a posé pour règle que les juridictions nationales n'ont pas le pouvoir de déclarer invalides les actes des institutions communautaires. Les juridictions qui ne statuent pas en dernier ressort peuvent donc, si une question de validité se pose, ne pas saisir la Cour si elles considèrent finalement l'acte comme valide. Mais l'arrêt précise dans le paragraphe 15 que les juridictions internes n'ont pas le pouvoir de déclarer invalides des actes des institutions communautaires Toutes les juridictions doivent donc saisir la Cour quand un doute existe quant à la validité de l'acte. [...]
[...] Mais l'arrêt Da Costa réaffirmait qu'il s'agissait là de la seule véritable exception à l'obligation de saisine, soulignant par ailleurs que l'article 177 obligeait sans aucune restriction les juridictions nationales à soumettre à la Cour toute question d'interprétation soulevée devant elles. Or, l'arrêt CILFIT de 1982 nuance considérablement cette vision de l'article 177. B. L'exception relative à l' acte clair La troisième exception apportée à l'obligation de saisine par l'arrêt CILFIT (ou la seconde s'il est fait abstraction de la condition de pertinence) est relative à ce qui est qualifié d' acte clair par certaines juridictions nationales, et notamment par le Conseil d'Etat français. [...]
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