Le litige porté à la connaissance de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) dans le cadre de la décision CaixaBank rendue le 5 octobre 2004, témoigne des modifications entamées dans les rapports entre les banques et leurs clients sous l'influence du droit et de la jurisprudence communautaire et des législations internes.
Ces évolutions se sont encore illustrées récemment avec l'obligation imposée aux banques de fournir annuellement à leurs clients un relevé des frais bancaires leur ayant été facturés.
En l'espèce, le litige à l'origine de la décision préjudicielle rendue par la CJCE est relatif à la banque CaixaBank France qui, depuis 1989, est une filiale française de la Caisse d'Epargne espagnole Caixa Holding dont le siège se trouve en Espagne et qui a profité de l'avènement de l'Euro en 2002 pour introduire sur le marché français un compte à vue (ou compte courant) rémunéré à deux pour cent l'an dès l'atteinte d'un encours de 1 500 euros.
Or, la législation française, s'opposait à la mise sur le marché de tels comptes courants rémunérés en énonçant, aux termes de l'article L 312-3 du Code Monétaire et Financier « Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds en compte à vue ou à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, de verser sur ces fonds une rémunération supérieure à celle fixée par règlement du comité de la règlementation bancaire et financière ou par le ministre chargé de l'économie ».
[...] En effet, l'article 43 CE énonce notamment que les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre Cet article renvoie ensuite aux sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa lequel définit les sociétés comme les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l'exception des sociétés qui ne poursuivraient pas de but lucratif Toujours selon l'article 48, ces sociétés sont ici assimilées aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres. [...]
[...] La rémunération des comptes courants est alors selon la Cour une des méthodes les plus efficaces pour entrer sur le marché d'un Etat membre Il s'agirait ici en effet, pour les banques étrangères entrant sur le marché, de se constituer une clientèle en lui proposant de rémunérer leurs comptes courants, ce qui permet de compenser l'absence de réseau très dense des filiales étrangères. Le seul fait de permettre la rémunération des comptes à terme ou comptes épargne n'est en effet pas suffisant, car ils ne permettent pas d'obtenir de moyens de paiement tels que chéquier ou carte bancaire. [...]
[...] Au terme de l'arrêt, il apparaît donc que, pour répondre à la problématique soulevée par le Conseil d'Etat, la Cour opère en deux temps en caractérisant tout d'abord l'atteinte par la législation interne au droit communautaire posant le principe de la liberté d'établissement et en cherchant ensuite une éventuelle justification de l'entrave si celle-ci est en l'espèce proportionnée à l'objectif poursuivi (II). I. Caractérisation par la Cour de l'atteinte à la liberté d'établissement par la législation française Afin de répondre aux questions préjudicielles qui lui sont soumises par la juridiction administrative française, la CJCE, après une substitution du fondement visé par le Conseil d'Etat, analyse la compatibilité de la législation française aux dispositions communautaires mais ne déduit pas pour autant automatiquement l'illicéité de la position française puisqu'elle envisage l'admission d'une entrave à la liberté d'établissement en cas de raisons impérieuses d'intérêt général A. [...]
[...] L'impact semble ainsi être anecdotique sur les relations entre les banques et leurs clients ce qui a fait dire à certains auteurs dans les journaux La Tribune, Les Echos ou encore Le Monde, que l'arrêt constituait une fausse révolution ou un faux évènement Enfin, au regard du droit communautaire, cette solution semblait logique et peu originale puisqu'elle s'inscrit dans une jurisprudence classique qui tend de manière récurrente à faire prévaloir le droit de la concurrence sur le droit de la consommation et qui veut faciliter le développement des marchés financiers en Europe. De plus, on peut se demander si cette solution va véritablement favoriser l'entrée sur le marché français d'établissements bancaires étrangers compte tenu des taux d'intérêt dérisoires proposés et de la possibilité offerte aux établissements français déjà implantés avec un réseau développé de proposer également une rémunération des dépôts. En somme, la Cour a privilégié le droit de la concurrence par rapport au droit de la consommation afin de favoriser la liberté d'implantation et le développement des marchés financiers européens. [...]
[...] Une solution révolutionnaire pour le droit français mais peu originale en droit communautaire voire sans influence pour les consommateurs L'arrêt rendu par la CJCE le 5 octobre 2004 a appelé des réactions mitigées de la part de la doctrine et du monde bancaire. En effet, si cette solution a provoqué une révolution en droit interne, dans la théorie, puisqu'elle a impliqué une modification de la législation et de la règlementation, elle était relativement commune et attendue au regard du droit communautaire. [...]
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