Les contrats proposés par les opérateurs de téléphonie mobile, qui se présentent sous la forme de contrats d'adhésion, sont souvent parsemés de clauses abusives d'autant plus efficaces que le consommateur n'en prend en général pas connaissance et ne soupçonne que très rarement leur illicéité, se croyant tenu irrévocablement par les dispositions du contrat qu'il a signé. Certaines de ces clauses ont pour finalité de décourager les velléités contestataires des consommateurs et, dans le même temps, de faciliter le recours à la justice pour le professionnel.
Tel était le cas dans l'arrêt qui est porté à notre étude, rendu le 4 juin 2009 par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE).
En l'espèce, un consommateur a conclu un contrat de téléphonie mobile avec une société spécialisée. Le contrat avait été conclu sur la base d'un formulaire qui stipulait qu'en signant le contrat la cliente prenait aussi connaissance du règlement d'exploitation comprenant les conditions générales contractuelles et constituant un élément indissociable du contrat. Et en vertu du ce contrat il été prévu qu'en cas de litige, ce serait la juridiction du ressort du siège de la société qui serait compétente. Cette mention n'ayant fait l'objet d'aucune négociation.
Or, la société a considéré que la cliente n'avait pas respecté ses obligations contractuelles. En effet, la cliente avait été défaillante dans ses paiements. Elle l'assigne donc en justice, devant le tribunal du lieu de son siège social. Ce dernier donne droit à la société dans sa demande.
Cependant, la cliente décide de former un pourvoi et de contester la compétence de la juridiction qui a prononcé ladite décision. La procédure était devenue contradictoire.
Ladite juridiction a relevé que la résidence de la cliente ne se trouvait pas dans son ressort territorial. Elle constate également que la cliente bénéficie d'une pension d'invalidité et que le tribunal auquel elle est rattachée se situe à 275 km du tribunal du siège social de la société. De plus, les juges constatent que les règles de procédures civiles prévoient normalement que la juridiction compétente doit être celle correspondant au lieu de résidence du consommateur. Il y a donc ici une contradiction, due à une clause insérée dans le contrat.
Ainsi les juges de la juridiction du siège social de la société décident de poser une question préjudicielle à la CJCE, et de surseoir à statuer.
En réalité, trois questions sont posées à la cour. La première est de savoir si pour que le consommateur puisse contester une clause abusive, il faut qu'il en ait spécifiquement fait la demande. En effet, l'article 6 de la directive rappelle que les clauses abusives de lient pas les consommateurs avec les professionnels. Ainsi, cette disposition doit-elle être interprétée comme résultant de plein droit de la loi, ou est ce que le consommateur doit avoir demandé à ce que lui soit écartée l'application d'une clause abusive?
La deuxième question portée à la cour est de savoir si le juge national doit se prononcer d'office sur le caractère abusif d'une clause contractuelle, même en l'absence de demande en ce sens.
Et la dernière question posée à la cour est de savoir comment apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.
La cour de justice va répondre en trois points. Sur la première question, la cour conclue que le consommateur se trouve en situation d'infériorité à l'égard du professionnel en ce qui concerne tant son pouvoir de négociation que d'information. Ainsi, l'objectif de l'article 6 de la directive ne pourrait être attint si les consommateurs devaient se trouver dans l'obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif d'une clause contractuelle et qu'une protection effective du consommateur ne saurait être assurée que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause. Donc une clause contractuelle abusive ne lie pas le consommateur, et il n'est pas nécessaire à cet égard que ce dernier ait préalablement contesté avec succès une telle clause.
Sur la deuxième question, la cour de cassation conclue que le juge national est tenu d'apprécier d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. La cour se fonde sur une jurisprudence antérieure pour cette question.
Sur la dernière question, la cour de justice répond qu'il n'y a pas de définition précise d'une clause abusive et que le caractère abusif doit être examiné en fonction du cas d'espèce. Mais elle précise tout de même que la bonne foi et l'équilibre du contrat sont des éléments essentiels. Et qu'une clause rédigée par le seul professionnel, et n'ayant pas fait l'objet de négociation, a de forte chance d'être abusive.
C'est une décision qui se place dans la droite ligne de la jurisprudence communautaire en faveur de l'application des normes communautaires dans un souci de protection du consommateur. Mais l'arrêt semble également marquer un changement notable dans les prérogatives du juge national est a désormais l'obligation de relever un moyen, et non plus seulement la simple possibilité.
[...] Il en résulte un dispositif législatif cohérent en vue de garantir une protection à la fois élevée et adaptée du consommateur européen : le droit communautaire fixe une norme minimale de protection commune à tous les pays membres, norme que le droit national peut compléter et élargir, mais ne jamais réduire. B : Le refus de faire peser sur le consommateur la question de droit. Le point de droit soulevé par notre arrêt portait également sur l'office du juge en droit de la consommation. Le code de procédure civile hongrois prévoyait que le juge doit, pour un litige de consommation, analyser d'office la question de sa compétence territoriale. [...]
[...] Le constat de l'infériorité juridique et procédurale du consommateur face au professionnel, était le socle de la décision justifiant une éventuelle intervention du juge. Ce constat se vérifiant dans tout le droit de la consommation, il permettait de considérer que la solution retenue valait pour tous les contrats de consommation compris les contrats de crédit à la consommation) et toutes les irrégularités (et non seulement pour les clauses abusives). Ainsi, les arrêts Cofidis, du 21 novembre 2002, et Rampion relatifs à l'office du juge en droit de la consommation étaient prévisibles, car constituant de simples déclinaisons de l'arrêt Oceano Grupo. [...]
[...] 141-4 du code de la consommation doit donc être lu et interprété par les juridictions françaises à la lumière de notre cas d'espèce. En droit de la consommation, le relevé de toute irrégularité contractuelle n'est plus seulement un pouvoir du juge, comme le dit la loi, mais devient bel et bien un devoir. Notons néanmoins quelques nuances à ce nouveau devoir du juge. En effet, l'arrêt de la CJCE fixe au moins deux limites non négligeables à ce devoir : la possibilité pour le consommateur de s'opposer à la démarche du juge et la nécessité pour le juge de disposer des éléments de fait et de droit nécessaires à cet effet conformément d'ailleurs à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de forclusion. [...]
[...] La cour se fonde sur une jurisprudence antérieure pour cette question. Sur la dernière question, la cour de justice répond qu'il n'y a pas de définition précise d'une clause abusive et que le caractère abusif doit être examiné en fonction du cas d'espèce. Mais elle précise tout de même que la bonne foi et l'équilibre du contrat sont des éléments essentiels. Et qu'une clause rédigée par le seul professionnel, et n'ayant pas fait l'objet de négociation, a de fortes chances d'être abusive. [...]
[...] Cour de justice des Communautés européennes juin 2009 - la protection du consommateur contre les clauses abusives DROIT COMMERCIAL : LES CLAUSES ABUSIVES. Commentaire d'arrêt : CJCE juin 2009. Les contrats proposés par les opérateurs de téléphonie mobile, qui se présentent sous la forme de contrats d'adhésion, sont souvent parsemés de clauses abusives d'autant plus efficaces que le consommateur n'en prend en général pas connaissance et ne soupçonne que très rarement leur illicéité, se croyant tenu irrévocablement par les dispositions du contrat qu'il a signé. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture