CJCE, KÖBLER, Commentaire d'arrêt
L'arrêt Costa contre E.N.E.L. (CJCE 15 juillet 1964, « Costa contre E.N.E.L. »), rendu par la Cour de Justice des Communautés européennes, a posé en principe, en 1964, la primauté du droit communautaire sur le droit national. En vertu de ce principe, les États membres sont tenus de faire respecter les normes issues du droit communautaire originaire et dérivé dans leur ordre juridique interne. Ce droit communautaire peut avoir pour objet ou pour effet de créer des droits pour les particuliers, droits que les États doivent respecter.
La question est alors de savoir quelles peuvent être les conséquences d'un manquement par un État à ce respect. De quelle manière les particuliers vont-ils pouvoir mettre en cause l'État qui n'a pas garanti leurs droits découlant du droit communautaire ?
En 2003, la question s'est posée, à l'occasion de l'affaire Köbler, de savoir si ce principe s'applique également aux décisions rendues par une juridiction statuant en dernier ressort. En l'espèce, Monsieur Köbler, professeur d'université en Autriche, a demandé à bénéficier d'une indemnité dont l'octroi est subordonné à 15 ans d'exercice de la profession dans les universités autrichiennes. Sa demande a été rejetée parce qu'une partie des 15 années dont se prévalait M. Köbler avait été effectuée dans d'autres pays membres. Estimant cette décision contraire au droit communautaire et au principe de libre circulation, celui-ci saisit le Verwaltungsgerichtshof, juridiction suprême administrative autrichienne, d'un recours.
[...] Elles ne sauraient non plus exclure, de manière générale, la responsabilité de l'Etat membre pour les dommages causés aux particuliers du fait d'une violation du droit communautaire imputable à une juridiction statuant en dernier ressort, au motif que la violation en cause résulte d'une interprétation des règles de droit ou d'une appréciation des faits et des preuves effectuée par cette juridiction. C'est ce qui ressort d'un récent arrêt en date du 13 juin 2006 (CJCE Traghetti del Mediterraneo SpA Une fois le principe de responsabilité et les conditions de son application posés, restait à déterminer comment devait être désignée la juridiction compétente pour apprécier les actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour violation du droit communautaire. [...]
[...] Les particuliers peuvent-ils alors agir en responsabilité contre l'Etat membre du fait de la violation du droit communautaire par une telle décision ? Certains Etats membres semblent hostiles à cette idée, étant donné la spécificité des décisions rendues en dernier ressort, et ont émis leurs observations dans le cadre de la procédure menant au présent arrêt. Pour eux, le principe de la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire ne peut être appliqué à ces décisions. [...]
[...] Les juges auraient très bien pu, en ce 30 septembre 2003, calquer un tel régime sur celui du droit international. Un régime qui a été institué par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et qui permet aux particuliers de directement mettre en cause devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, la responsabilité de l'Etat du fait d'une juridiction nationale, à raison d'un manquement aux exigences du procès équitable in procedendo, mais aussi à raison de la violation d'une règle de fond in iudicando, de nature à affecter le contenu même de la décision de justice. [...]
[...] La Cour de Justice des Communautés européennes a répondu à ces interrogations, dans l'arrêt Francovich et Bonifaci de 1991 (CJCE 19 septembre 1991, Francovich et Bonifaci en consacrant le principe de responsabilité de l'Etat lorsqu'il viole le droit communautaire, principe inhérent au droit communautaire selon elle. Cette responsabilité peut être mise en cause quel que soit l'organe de l'Etat, auteur de la violation. C'est ce qui ressort de l'arrêt Brasserie du Pêcheur de 1996 (CJCE 05 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame En cela, la Cour de Justice reprend la solution classique du droit international public. [...]
[...] C'est par ce biais que le juge pose dans cet arrêt de 2003 les bases d'un système de responsabilité communautaire sans en préciser les conditions nécessaires. Dès lors, sur la question de la décision de justice rendue en dernier ressort (condition d'engagement de cette responsabilité), faut-il entendre engorgement des voies de droit interne ou bien simplement une fois que la juridiction suprême a statué ? La CJCE n'est pas claire et semble refuser d'instaurer un système de responsabilité propre, qui pourtant aurait une effectivité certaine. [...]
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