Parmi les libertés consacrées par le droit communautaire, la libre circulation des travailleurs posée à l'article 39 CE implique la liberté d'accès aux emplois salariés dans la Communauté européenne. Cette liberté comprend notamment l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité et la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des Etats-membres.
Toutefois, le principe de la libre circulation des travailleurs n'est pas absolu : une clause dérogatoire est insérée au paragraphe 4 de l'article 39. Selon celle-ci, sont exclus du champ d'application de la libre circulation des travailleurs les « emplois dans l'administration publique ». Une telle dérogation s'explique par le fait que l'accès à la fonction publique fait partie des droits politiques réservés aux nationaux. Elle vise donc à protéger certains emplois touchant aux intérêts supérieurs de l'Etat.
En l'espèce, deux questions préjudicielles étaient posées à la Cour, dans le cadre d'un recours en annulation, sur l'interprétation de l'article 39 CE ainsi que sur les articles 1 et 4 du règlement du conseil du 15 octobre 1988 relatif à la libre circulation des travailleurs dans la Communauté (en outre, la Cour considère que seul l'article 39 CE est pertinent car le règlement précité ne fait finalement qu'expliciter et mettre en oeuvre celui-ci). Le litige en présence posait la question de la licéité d'une condition de nationalité portant sur les emplois dans la marine marchande.
Par sa première question préjudicielle, la juridiction nationale s'interrogeait sur le point de savoir si le fait, pour un Etat-membre, de réserver à ses nationaux les emplois de capitaines et de second de navires marchands était ou non compatible avec l'article 39 CE et la jurisprudence de la Cour. Par sa seconde question, la juridiction espagnole demandait à la Cour si l'article 39 CE s'opposait à ce qu'un Etat-membre subordonne à une condition de réciprocité l'accès des ressortissants des autres Etats-membres aux emplois de capitaine et de second de navires marchands battant son pavillon. En outre, il convient d'exclure cette question pour centrer notre réflexion sur la précédente, dans laquelle se trouve l'intérêt central de l'arrêt.
Il s'agit donc ici de montrer comment la Cour assure l'effet utile de la libre circulation des travailleurs par l'application d'un critère uniforme de la notion d'emploi dans l'administration publique et par une plus grande rigueur autour de la notion de prérogatives de puissance publique.
[...] La Cour va donc apprécier si les activités de capitaine et de second en cause doivent être considérées comme des emplois de l'administration publique en leur appliquant le critère fonctionnel ; or, c'est en se prononçant sur ce point qu'elle va encore amoindrir la portée de la dérogation de l'article 39-4 CE, en posant trois conditions cumulatives pour qualifier les prérogatives de puissance publique. II De nouvelles restrictions à la dérogation de l'article 39-4 CE assurant l'effet utile du principe de la libre circulation des travailleurs. [...]
[...] D'ailleurs, comme l'a précisé l'avocat général Mme STIX-HACKL, la jurisprudence plus récente de la Cour Commission contre Italie de 2001) et le fait que le capitaine et le second de la marine marchande soient des employés d'armateurs privés ont relancé le débat sur le point de savoir si la notion d'emploi dans l'administration publique doit recevoir une interprétation fonctionnelle ou institutionnelle Sur ce point, l'avocat général avait développé une approche plus nuancée en envisageant les deux critères, organique et fonctionnel, comme pouvant être complémentaires. [...]
[...] Eu égard à la définition de l'administration publique développée par la jurisprudence de la Cour (voir supra au il s'agit de déterminer si les emplois en question dans l'arrêt participent ou non à l'exercice de la puissance publique. Toutefois, la Cour vient encore réduire la portée de l'article 39-4 CE en imposant trois nouvelles conditions sur la notion de prérogatives de puissance publique Cette nouvelle restriction apportée à une conception déjà restrictive de l'article 39-4 est clairement révélatrice de l'importance donnée aux principes du droit communautaire, notamment celui de la libre circulation des travailleurs A L'introduction de nouvelles exigences dans la définition des prérogatives de puissance publique. [...]
[...] I Le retour à une conception fonctionnelle de la notion d'emploi dans l'administration publique. Tout d'abord, la Cour confirme sa définition de la notion d'administration publique, telle que développée dans sa jurisprudence antérieure, fondée sur un critère fonctionnel Dans cet arrêt, la Cour vient clarifier sa jurisprudence antérieure par une application explicite du critère fonctionnel, qui passe par le rejet implicite du critère organique qu'elle avait admis dans une jurisprudence relativement récente A Une confirmation de la définition de la notion d'administration publique. [...]
[...] Une telle attitude de la Cour paraît logique et s'explique par une réalité incontournable : le droit communautaire est partout. B Une solution protectrice, assurant l'effet utile des principes de libre circulation et de non-discrimination des travailleurs. Dans cet arrêt, la Cour va plus loin dans sa volonté d'assurer une application et une interprétation uniformes du droit communautaire. Cette volonté s'exprime ici dans les limitations de la dérogation posée à l'article 39-4 CE ; elle ressort d'ailleurs avec clarté plusieurs fois dans l'arrêt. [...]
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