Les directives communautaires sont des actes de droit singuliers qui donnent lieu à un important contentieux quant à leur effet dans le droit interne des Etats membres, comme l'illustrent deux importants arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 26 février 1986 (Marshall contre Southampton) et du 14 juillet 1994 (Faccini Dori).
Ces deux affaires traitent d'un problème juridique similaire mais les faits qui les composent sont eux différents. Dans l'affaire Marshall, le litige oppose une femme anglaise mise à la retraite d'office et son ancien employeur. Elle prétend que son employeur aurait violé la directive 76/207 du Conseil sur la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes car sa mise à la retraite serait intervenue plus tôt en raison de son sexe. Le juge anglais pose donc une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la possibilité pour la requérante d'invoquer une directive communautaire non-transposée en droit anglais dans le délai par elle prescrit. L'arrêt Faccini Dori vise également à répondre à une question préjudicielle du même ordre mais posée cette fois-ci par un juge italien saisi par une requérante du non-respect, par une entreprise avec qui elle avait contracté, des dispositions de la directive 85/577 du Conseil sur la protection des consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, non transposée en droit italien dans le délai imparti.
[...] Les arrêts Marshall et Faccini Dori s'inscrivent donc dans la droite ligne de la jurisprudence communautaire fondée par les arrêts Van Duyn du 4 décembre 1974 et Tullio Ratti du 5 avril 1979. La vision du Conseil d'État français a été et reste bien différente puisqu'il considère qu'un individu ne peut se prévaloir d'une directive contre un acte administratif individuel (CE décembre 1978 : Cohn-Bendit) même s'il accepte une telle invocation à l'encontre d'un acte réglementaire (CE septembre 1984 : Confédération nationale des SPA de France) : le juge français estime donc qu'un particulier ne peut tirer de droits subjectifs d'une directive non transposée, mais qu'à l'inverse, une directive peut être source de droits objectifs. [...]
[...] En effet, seules les dispositions d'une directive dont le contenu est inconditionnel et suffisamment précis sont susceptibles de produire un effet direct au profit d'un particulier. Dans chaque cas, y compris les affaires Marshall et Faccini Dori, afin de déterminer si le requérant est fondé à invoquer telle ou telle directive, la cour examine précisément si les dispositions invoquées répondent à ces deux critères. Ce contrôle n'est pas théorique puisque le juge communautaire a parfois refusé l'effet direct sur ce motif lorsqu'une directive ne comportait par exemple que des obligations de concertations entre États pour tenter d'arriver à une position commune (CJCE Avril 1991 : RyGong). [...]
[...] D'autre part, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes a permis d'éviter une conséquence perverse de l'effet direct vertical des directives. En effet, certains États ont tenté d'invoquer à leur profit dans un litige avec un particulier, les dispositions d'une directive qu'ils n'avaient pas transposée. La cour leur a répondu logiquement qu'un État n'avait pas le droit d'exiger de ses ressortissants de respecter une directive non transposée (CJCE Octobre 1987 : Kolpingluis Nijmegen). Il s'agit de la simple application du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans, c'est-à-dire nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude Cette jurisprudence crée donc un effet vertical asymétrique : la directive peut être invoquée par un particulier contre l'État, mais l'inverse est impossible. [...]
[...] À l'écoute de ces critiques, le juge communautaire a créé des mécanismes permettant de compenser cette absence d'effet direct. B. Les correctifs de l'absence d'effet direct horizontal des directives Il existe dans la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes deux moyens de compenser l'impossibilité pour un particulier de se prévaloir de dispositions d'une directive non transposée dans ses rapports avec d'autres particuliers. Tout d'abord, la Cour de Justice des Communautés Européennes, à travers les arrêts Harz du 10 avril 1984 et Marleasing du 13 novembre 1990, repris en ce sens par l'arrêt Faccini Dori, a créé une obligation pour le juge national d'interpréter le droit national applicable dans une affaire entre particuliers à la lumière de la directive et du résultat qu'elle vise. [...]
[...] La Cour de Justice des Communautés Européennes a donc procédé à la fois à une double réaffirmation de sa jurisprudence sur l'effet direct des directives à l'égard des États et à une double négation de l'effet des directives à l'encontre des particuliers de la communauté (II). I. La confirmation de la reconnaissance de l'effet direct vertical des directives communautaires L'effet direct vertical est admis depuis longtemps par la Cour de Justice des Communautés Européennes en tant que conséquence directe de dispositions du traité mais la cour a tout de même procédé à une limitation des implications qui en découlent A. [...]
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