Le recours en annulation suscite un certain nombre de discussions doctrinales et jurisprudentielles quant à sa recevabilité. Tel est le cas en l'espèce dans une décision très contestable, Unión de Pequeños Agricultores contre Conseil en date du 25 juillet 2002 rendue par la CJCE.
In casu, un règlement a été adopté par le Conseil portant établissement d'une organisation commune des marchés de l'huile d'olive. Ce règlement a été, par la suite modifié par un autre règlement nº1638/ 98 CE en date du 20 juillet 1998, ce dernier prévoyant la suppression de l'aide à la consommation, et l'aide spécifique aux petits producteurs. La requérante, Unión de Pequeños Agricultores, une association regroupant des petites entreprises agricoles, introduit un recours tendant à l'annulation du nouveau règlement litigieux menaçant de faire disparaître ses membres.
Le recours en annulation a d'abord fait l'objet d'un rejet par le Tribunal de première instance saisi de l'affaire. Dans son ordonnance du 23 novembre 1999, le Tribunal a estimé que la requérante n'avait pas qualité à agir. La requérante a alors formé un pourvoi devant la Cour de Justice des Communautés européennes en vue d'obtenir annulation de ce règlement. Dans le cas d'un recours en annulation exercé par un particulier, la Cour exige une série de conditions qu'il doit remplir pour que son recours soit déclaré recevable.
Par conséquent, la problématique tourne autour de la notion d'« individuellement concernée » étant une condition à satisfaire dans le cadre de l'article 173 CEE alinéa 4, devenu article 230 alinéa 4 du traité CE. La Cour, en constatant que le Tribunal n'a pas commis une erreur de droit lorsqu'il a déclaré le recours introduit par la requérante irrecevable, rejette le pourvoi.
[...] Peut-être conviendrait-il d'assouplir, voire de supprimer l'exigence du lien individuel lorsque l'irrecevabilité du recours en annulation prive le requérant de toute protection juridictionnelle effective. L'avocat général Jacobs ainsi que le TPICE, notamment dans un arrêt du 3 mai 2002, Jego-Quéré 177/01 essaient de sauvegarder cette protection juridictionnelle en assouplissant cette exigence du lien individuel. Suivant la solution préconisée par l'avocat général Jacobs, qu'il cite, le TPI dans sa décision déclare recevable le recours en annulation intenté par une société d'armement à la pêche contre un règlement de la Commission. [...]
[...] En l'espèce, l'interdiction faite à la requérante d'attaquer un acte de portée générale a été fréquemment critiquée par la doctrine qui y voit, tout comme l'avocat général Jacobs, une lacune dans le système de protection juridictionnelle mis en place par le traité. Globalement, cette solution adoptée par la Cour tend à exclure un grand nombre de justiciables privés de la protection effective de leurs droits, à savoir que les autres voies procédurales prévues par le traité (exception d'illégalité de l'article 241 CE, renvoi préjudiciel de l'article 234) mentionnées par la Cour au point 40 ne sont d'aucune utilité car elles n'offrent pas les mêmes garanties à cet égard. [...]
[...] En définitive, la Cour adopte une approche restrictive de l'article 173 alinéa 4 CEE, et exige que la requérante soit individuellement concernée lorsqu'elle conteste un acte de portée générale L'exigence du lien individuel dans le cadre d'un acte de portée générale Bien souvent, la Cour s'attache d'abord à vérifier l'existence du lien individuel, et si celui-ci manque, elle n'examine même pas l'existence éventuelle du lien direct entre l'acte et la partie requérante et déclare le recours irrecevable- Merck contre Commission, TPI, ordonnance 3 juin 1997. En principe, les recours en annulation introduits par des personnes morales ne sont pas recevables concernant les actes ayant une portée générale, tels qu'un règlement. Selon l'article 173 CEE un règlement, en tant qu'acte de portée générale, ne peut être attaqué par des sujets de droit autres que les institutions, la BCE, et les Etats membres En l'espèce, la requérante est un particulier, une personne morale et donc ne peut en principe attaquer un acte de portée générale. [...]
[...] Le principe de l'irrecevabilité du recours en annulation concernant un particulier a connu des exceptions qui peuvent engendrer un certain chaos juridictionnel quant à l'interprétation. Il faudrait établir un principe général autorisant un particulier à former un recours en annulation, et ce, même lorsqu'il n'est pas concerné individuellement, de manière à uniformiser la jurisprudence en vue d'une sécurité juridique prévue par le droit communautaire. L'avocat général Jacobs craint lui aussi que cette sécurité juridique soit atteinte, en effet, il souligne que la sécurité juridique plaide en faveur de ce qu'une mesure de portée générale puisse faire l'objet d'un recours dans les meilleurs délais et non pas seulement après l'adoption de mesures d'exécution Il constate au travers de cette décision, une lacune importante dans le système juridictionnel établi par le traité Il est possible d'établir un parallèle avec l'arrêt Kuhne en date du 13 janvier 2004 en matière de renvoi préjudiciel, un parallèle illustrant une sécurité juridique mise à mal. [...]
[...] Effectivement, outre le fait d'évoquer en premier lieu l'impossibilité dans le système juridique espagnol de demander l'annulation d'un acte national se rapportant aux dispositions du règlement, la demanderesse aurait dû tenter d'affirmer directement qu'elle satisfaisait les conditions posées par l'article 173 CEE même si ce n'était pas le cas ; ceci aurait peut-être influencé la Cour à assouplir lesdites conditions par la suite. Le Tribunal ayant refusé la recevabilité du recours, la requérante, a alors formé un pourvoi devant la Cour de Justice des Communautés européennes en vue d'obtenir annulation de ce règlement. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture