Cet arrêt en matière de renvoi préjudiciel présente un caractère exceptionnel et connaît en conséquence de nombreuses critiques notamment au regard du principe de la sécurité juridique. En l'espèce, un différend opposait un exportateur aux autorités douanières au sujet du paiement des restitutions à l'exportation et de son remboursement suite à un recalibrage des marchandises.
Plusieurs déclarations ont été introduites. Le Productschap a d'abord procédé au versement des restitutions demandées mais a exigé le remboursement de celles-ci au motif que les produits exportés avaient fait l'objet d'une désignation tarifaire inexacte. La juridiction nationale néerlandaise, le College van Beroep voor het bedrijfsleven a rejeté en 1991 le recours formé par l'exportateur afin de contester le remboursement réclamé en se fondant sur la même appréciation que le Productschap. Par un arrêt rendu le 5 octobre 1994, Voogd, la CJCE a donné une interprétation des règlementations douanières rejoignant celle défendue par l'exportateur. Se prévalant de l'arrêt Voogd, l'exportateur a introduit en décembre 1994, une réclamation auprès du Productschap qui a été rejetée au motif de la chose jugée.
Suite à ce rejet, un recours en annulation a été formé afin d'obtenir le réexamen du classement tarifaire et in fine, l'obtention du remboursement des restitutions. La juridiction nationale néerlandaise a interrogé la Cour de Justice via un renvoi préjudiciel sur le fondement de l'article 234 qui dispose que « la CJCE est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation du présent traité, sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE, sur l'interprétation des statuts des organismes crées par un acte du Conseil. » Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la CJCE, tel est le cas en l'espèce.
La question est de savoir si « le réexamen d'une décision administrative définitive peut-il être justifié par la nécessité d'une application entière et uniforme du droit communautaire, via l'article 10 CE, c'est-à-dire, en prenant compte une interprétation retenue postérieurement par la Cour ? »
En l'espèce, la CJCE répond par l'affirmation en imposant à un organe administratif de réexaminer une décision définitive afin de tenir compte d'une nouvelle interprétation retenue par la Cour.
[...] Vers une conciliation de la rétroactivité avec le principe de sécurité juridique sur le fondement de l'article 10 du traité CE En l'espèce, l'analyse de cette rétroactivité constitue le cœur même de cet arrêt ; autrement dit, imposer à un organe administratif, saisi d'une demande en ce sens, de réexaminer une décision administrative définitive dans l'intérêt de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue par la Cour relève d'un cas assez exceptionnel. En théorie, le droit communautaire n'exige pas qu'un organe administratif soit, en principe, obligé de revenir sur une décision administrative, devenue définitive à l'expiration de délais de recours raisonnables ou par l'épuisement des voies de recours. [...]
[...] Et par conséquent, l'article 68§3 dispose l'arrêt rendu par la Cour de Justice en réponse à une telle demande n'est pas applicable aux décisions des juridictions des Etats membres qui ont force de chose jugée Effectivement, cet article pose l'impossibilité de revenir sur une décision devenue définitive. En l'espèce, c'est tout l'intérêt que représente cet arrêt à savoir l'exceptionnalité de l'interprétation rendue par la Cour en matière de renvoi préjudiciel. La Cour fait remarquer en l'espèce que le droit néerlandais admet la possibilité de revenir sur une décision administrative ; elle se base sur cette spécificité pour asseoir sa position. L'article 4 et 8 prévoient donc cette possible révision et ou réexamen. [...]
[...] In terminis, ces deux principes valent qu'une une affaire définitivement jugée et close ne puisse pas faire l'objet d'un re-jugement ou d'une requalification de la décision et ce, afin de protéger au mieux les équilibres et les intérêts des particuliers mais aussi en ne remettant pas en cause le pouvoir souverain de décision des juridictions ; or en accordant une telle rétroactivité, il est clair que ce schéma de protection et de préservation est mis à mal. En l'espèce, la juridiction néerlandaise, le College van Beroep voor het bedrijfsleven évoque l'inquiétude face à cet effet rétroactif. Selon lui, il faut partir du principe selon lequel une jurisprudence postérieure à une décision administrative définitive ne peut en soi affecter le caractère définitif de celle-ci. L'intérêt serait alors de conserver une interprétation ne valant que pour l'avenir. [...]
[...] En admettant l'alignement du droit communautaire aux seuls droits nationaux prévoyant la révision d'une décision devenue définitive, on pourrait considérer que le droit communautaire ne respecterait plus cette uniformité du droit communautaire. In extremis, un autre reproche peut être faite à la rétroactivité, dans le sens où elle retirerait finalement une part de souveraineté aux juridictions mais également aux Etats en revenant sur les décisions et situations acquises puisque les Etats du fait du risque d'engagement de leur responsabilité (CJCE Francovich et Bonifacci / 1993, Brasserie du Pêcheur) seront enjoints de s'y conformer. [...]
[...] Depuis un certain temps, la Cour admet la possibilité d'une rétroactivité sur les décisions antérieures lorsqu'elle s'est prononcée à l'occasion d'un renvoi préjudiciel en interprétation. Cette admission a été dégagée dans une décision de 1980 dite Denkavit Italiana Selon cette jurisprudence, l'interprétation que, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 234 CE, la Cour donne d'une règle de droit communautaire éclaire et précise, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait du être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur Elle précise également qu' en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies. [...]
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