Dans le premier quart du XXe siècle, aux États-Unis, les premières lois protectrices du droit du travail (instituant une limitation du temps de travail et une indemnisation des accidents du travail) furent invalidées par la Cour suprême, au nom de la liberté de contracter (jurisprudence inaugurée par l'arrêt Lochner de 1905). L'esprit de cette jurisprudence, considérée par beaucoup comme archaïque, se voit aujourd'hui ressuscité par la Cour de justice des communautés européennes, au nom des libertés de circulation.
En effet, dans trois arrêts récents (CJCE 11 décembre 2007, Viking ; 18 décembre 2007, Laval ; 3 avril 2008, Rüffert), la Cour de justice des communautés européennes se fonde sur la liberté d'établissement et la libre prestation de service pour limiter la portée tant du droit à l'action collective des travailleurs que des dispositions nationales visant à lutter contre le "dumping social". Dès lors, quelle est l'ampleur de la restriction qu'apporte la Cour de Luxembourg aux droits sociaux sur le fondement des libertés de circulation ?
[...] En effet, dans trois arrêts récents (CJCE 11 décembre 2007, Viking ; 18 décembre 2007, Laval ; 3 avril 2008, Rüffert), la CJUE se fonde sur la liberté d'établissement et la libre prestation de service pour limiter la portée tant du droit à l'action collective des travailleurs que des dispositions nationales visant à lutter contre le dumping social Les libertés de circulation sont placées au sommet de la hiérarchie des normes communautaires, puisque posées par le Traité sur le Fonctionnement de l'UE (TFUE) en ses articles 49 pour la liberté d'établissement (ancien art TCE) et 56 pour la libre prestation de services (ancien art TCE). [...]
[...] Dès lors, en pratique, la CJUE ne pourra connaître d'une violation de ce droit que s'il se trouve affecté par un autre droit communautaire dans une situation relevant du droit communautaire ; on pense surtout aux libertés de circulation. Or, la conciliation de ces deux principes, opérée dans les arrêts Viking et Laval, se fait clairement à l'avantage des libertés de circulation. B. Pour autant, la CJUE restreint fortement la portée du droit de grève en sanctionnant toute atteinte non justifiée aux libertés d'établissement et de prestation de service internationale Dans ses arrêts Viking et Laval, la Cour restreint l'exercice du droit de grève par les travailleurs en ce qu'elle l'interdit dans les cas où il constitue une entrave injustifiée à la liberté d'établissement (arrêt Viking) ou à la libre prestation de service (arrêt Laval). [...]
[...] La justification de la solution retenue se comprend : les prestataires de services étrangers doivent pouvoir aisément connaître les obligations auxquelles ils sont astreints. L'arrêt Rüffert limite donc de manière conséquente la marge d'action des partenaires sociaux en matière de lutte contre le dumping social : les conventions collectivités non généralement étendues constituent une entrave injustifiée à la libre prestation de services, et ne peuvent pas être opposées aux travailleurs détachés. Les partenaires sociaux devront donc s'efforcer d'étendre à l'ensemble de la branche les conventions collectives pour les voir appliquées aux travailleurs détachés. [...]
[...] La place laissée aux règles d'origine professionnelle est donc assez faible. Néanmoins, la jurisprudence communautaire réserve jusqu'à présent le cas de la réglementation étatique : celle-ci étant généralement applicable, elle devrait constituer une disposition d'ordre public au sens de la directive 96/71/CE. Dès lors, les Etats dont le droit du travail s'appuie plus sur la loi et le règlement que sur la convention collective, telle la France, se voient mieux armés dans la lutte contre le dumping social Pour autant, l'arrêt Rüffert attire l'attention sur le caractère divers des interprétations susceptibles d'être faites de la directive 96/71, source d'insécurité juridique en matière de règles de droit du travail applicables aux travailleurs détachés. [...]
[...] Dans les cas relevant du droit communautaire, les travailleurs se voient donc privés du droit de grève dès qu'il porte une atteinte injustifiée aux libertés de circulation, ce qui est presque systématiquement le cas vu la large conception de l'entrave retenue par la Cour. Néanmoins, il convient de souligner que ceci ne vaut que dans le champ d'application du droit communautaire. La restriction du droit de grève posée par la Cour ne vaut donc aujourd'hui que pour deux types de grèves : celles qui exigent que les prestations de service soient réalisées dans le respect du droit du pays d'exécution du travail, et celles qui s'opposent à l'externalisation d'une entreprise vers un pays de l'Union moins protecteur. [...]
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