En l'espèce, la société finlandaise de ferries, Viking Line, est propriétaire d'un ferry, le Rosella, assurant la liaison entre la Finlande et l'Estonie. Mais, soumise à la concurrence des sociétés estoniennes, elle décide de changer le pavillon du Rosella devenu déficitaire en le faisant immatriculer en Estonie.
Deux questions essentielles se posent : l'action collective, en tant que droit social fondamental, qui tend à contraindre l'entreprise à conclure une convention collective pour l'a dissuaderait de modifier l'immatriculation de son navire, porte-t-elle une atteinte à la liberté d'établissement ? Si oui, dans quelle mesure le droit d'action collective peut-il restreindre la liberté d'établissement ?
En l'espèce, une société lettonne, Laval un Partneri Ltd, avait détaché des travailleurs de Lettonie auprès de sa filiale suédoise, L&P Baltic Bygg AB, pour l'exécution de chantiers. Les deux sociétés et le syndicat suédois des travailleurs du secteur du bâtiment et des travaux publics ont engagé des négociations sur la détermination des taux de salaire des travailleurs détachés et sur l'adhésion de Laval à la convention collective du bâtiment. Les négociations ayant échoué, Laval a signé des conventions collectives avec le syndicat letton du bâtiment auquel appartenaient 65% des travailleurs détachés et le syndicat suédois des travailleurs du secteur du bâtiment et des travaux publics a exercé une action collective sous la forme d'un blocus sur l'ensemble des chantiers de Laval en Suède.
Les syndicats suédois pouvaient-ils imposer à une entreprise lettone, qui détachait des travailleurs en Suède, le respect de conditions de salaire résultant d'une convention collective sectorielle ? Autrement dit, les actions collectives peuvent-elles imposer la convention collective du pays d'accueil et déterminer les taux de salaire des travailleurs détachés sans entraver injustement la liberté de prestation de services ?
[...] Cette situation est celle qui se produit dans les affaires Viking et Laval puisque dans la première, la liberté d'établissement et dans l'autre, la liberté de prestation de services se trouvent confronter aux actions collectives des organisations syndicales. En l'espèce, la société finlandaise de ferries, Viking Line, est propriétaire d'un ferry, le Rosella, assurant la liaison entre la Finlande et l'Estonie. Mais, soumise à la concurrence des sociétés estoniennes, elle décide de changer le pavillon du Rosella devenu déficitaire en le faisant immatriculer en Estonie. Cela lui permettra de diminuer les coûts puisqu'elle pourra alors employer un équipage estonien rémunéré à un niveau de salaire inférieur à celui pratiqué en Finlande. [...]
[...] Dans les deux cas, l'enjeu est donc clairement de déterminer le point d'équilibre entre les droits des travailleurs et des organisations syndicales de recourir à des actions collectives et le droit des entreprises au libre établissement et à la libre prestation de services. La Cour a franchi un pas important pour la construction du droit social européen en consacrant le droit de mener une action collective comme un droit fondamental et donc comme pouvant restreindre les libertés économiques Paradoxalement, tout en consacrant ce droit, elle renforce la protection des libertés économiques au détriment des droits sociaux qu'elle interdit de s'en servir, laissant ainsi perdurer ce déséquilibre entre l'Europe économique plus forte que jamais et l'Europe sociale mort- née (II). [...]
[...] Ce qui est un tord car en raisonnant de la sorte, elle ouvre la voie au dumping car sans actions collectives, pas de lutte contre le dumping social. On pourrait même penser que la CJCE méprise le libre exercice du droit syndical pourtant garanti par la convention nº 87 de l'Organisation Internationale du Travail puisqu'elle légitime en quelque sorte le dumping social et la concurrence déloyale. Elle met le droit communautaire à l'abri des grèves et autres formes d'actions collectives pouvant entraver sa mise en œuvre. [...]
[...] Cela risque d'ouvrir la voie à de nombreuses contestations et cela pose la question de quels autres moyens devraient être préalablement mis en œuvre ? Cette question reste en suspend car comme le souligne la CJCE elle- même, la grève constitue l'un des moyens principaux pour les syndicats de protéger les intérêts de leurs membres Ces deux affaires posent la question de savoir si, à présent, à partir de ses arrêts, les juridictions nationales seront tenues de contrôler la légitimité de leurs grèves à caractère strictement national . [...]
[...] Dans l'affaire Viking, la Cour constate l'entrave au principe de libre établissement et donne à la Court of appeal du Royaume-Uni une feuille de route pour articuler ce dernier avec l'action collective en cause. Elle devra examiner si toutes les conditions sont remplies pour justifier l'entrave aux libertés économiques. Elle devra donc vérifier que les buts poursuivis par FSU et l'ITF au moyen de l'action collective engagée par ces derniers tenaient à la protection des travailleurs que les emplois ou les conditions de travail des membres dudit syndicat susceptibles d'être affectés par le changement de pavillon du navire étaient réellement compromis ou sérieusement menacés, ou encore que le FSU ne disposait pas d'autres moyens, moins restrictifs de la liberté d'établissement, pour faire aboutir la négociation collective engagée avec Viking Line et si ce syndicat avait épuisé ces moyens avant d'engager une telle action Cette dernière condition s'appelle le contrôle de proportionnalité. [...]
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