Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme tel que celui en date du 25 juin 2002 est un exemple probant sur la primauté faite au droit d'expression dans notre actuelle société ; cela démontre une volonté affichée de prôner ce droit comme un droit incontournable voire tout-puissant.
Dans l'édition du quotidien Le Monde du 3 novembre 1995, le journaliste M. Incyan fit paraître un article relatif à la production et au trafic de drogue au Maroc et s'appuyait sur le rapport confidentiel de l'Observatoire géopolitique des drogues….
L'article paru en première page du journal, incriminait le Maroc d'être un exportateur d'haschich, et remettait en cause la volonté notoire des autorités marocaines de lutter contre ladite drogue et laissait planer un doute sur leur activité proprement dite.
Le 23 Novembre 1995, le roi du Maroc adressa au ministre français des Affaires étrangères une demande de poursuites pénales contre le journaliste, auteur de l'article, Mr. Incyan, et le directeur du journal le Monde, Mr. Colombani, sur le fondement de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 pour offense proférée à l'encontre d'un chef d'Etat étranger.
Le 5 juillet 1996, le tribunal correctionnel de Paris relaxa les deux hommes car les juges ont estimé que le journaliste avait agi de bonne foi, et que son article appuyé d'un rapport sérieux et formel, visait un but légitime.
Le roi du Maroc ainsi que le ministère public interjetèrent appel de la décision du 5 juillet 1996. Le 6 mars 1997, l'arrêt de la Cour d'appel infirma le jugement premier en estimant notamment qu'étant donné que « la volonté d'attirer l'attention du public sur la responsabilité de l'entourage royal et la tolérance du roi, était empreinte d'intention malveillante. », et que le journaliste sans avoir vérifier la véracité de ses dires, excluait la bonne foi de ce dernier. Ainsi, la Cour d'appel les reconnut coupables du délit d'offense à l'encontre d'un chef d'Etat étranger et les condamna entre autres à des dommages et intérêts ainsi qu'une publication au Monde d'un intitulé faisait mention de cette condamnation.
Par la suite, MM. Colombani et Incyan se sont pourvus en cassation mais la chambre criminelle de la Haute juridiction le rejeta leur pourvoi par un arrêt du 20 octobre 1998 en estimant que l'article présentait effectivement un caractère offensant et qu'il y avait là une malveillance insistante à vouloir attirer les lecteurs sur la personne du roi.
Les requérants ont par conséquent le 19 Avril 1999, saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme en se plaignant notamment de l'atteinte porté à leur droit à la liberté d'expression prévu à l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui établit la liberté de communication des idées et opinions sans considération de frontière.
La Cour européenne des Droits de l'Homme a donc du se poser la question de savoir si le fait pour un journaliste de porter à la connaissance du public des informations préoccupantes concernant un roi peut-il se justifier selon le droit reconnu d'expression ?
La Cour dans son arrêt du 25 juin 2002 a répondu par l'affirmative en estimant notamment qu'il n'y avait pas d'ingérence du droit d'expression du journaliste étant donné que l'article rédigé de bonne foi visait un but légitime et était nécessaire dans notre société démocratique et que le délit d'offense envers un roi n'était plus un délit à considérer en raison de son inconventionnalité manifeste.
Il sera par conséquent étudié la primauté par la Cour de Strasbourg faite au droit d'expression au détriment du délit visé, et ensuite, il sera remarqué certaines négligences faites par la Cour, sans qu'il soit question d'empêcher l'influence de ladite décision.
[...] Ainsi, en l'espèce, l'abrogation de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 bien qu'elle permette de faire table rase d'un raisonnement juridique archaïque, elle prouve également que les arrêts rendus par la Cour Européenne des droits de l'Homme ne pouvant servir véritablement de règles juridiques à venir, l'influence de ladite cour est bel et bien limitée. [...]
[...] Et l'on peut comprendre que la Cour n'ait pleinement caractérisé le délit d'offense envers Hassan II car à notre époque, le délit d'offense à chefs d'Etats est un délit archaïque voire anachronique. Il n'est véritablement que l'héritage plus ou moins lointain du crime de lèse majesté parce qu'il revient à attribuer une protection absolue du chef d'Etat sans représailles possibles pour lui et ses actes. Le jugement du tribunal de Paris en date du 25 avril 2001 entérina cette idée. [...]
[...] Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Appuyé dudit article, l'arrêt du 25 juin 2002 de la Cour européenne des droits de l'Homme a reconnu dans cette affaire qu'il n'y avait aucune ingérence caractérisée du droit d'expression. Pour arguer son point de vue, la cour a dégagé les conditions afférentes à une certaine justification de l'ingérence. Ainsi, pour qu'elle soit compréhensible, l'ingérence doit être prévu par la loi, visait un but légitime et surtout être nécessaire dans une société démocratique ou du moins être proportionnée. [...]
[...] Cette abrogation, préliminairement demandé par Reporters sans frontières à travers une lettre adressée à Mr. Perben, fut réalisée le 21 janvier 2004 à l'occasion d'une deuxième lecture du projet de loi Perben par les sénateurs. A la suite de cette lecture, ils ont abrogé l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 relatif au délit d'offense. Cette abrogation est le signe incontestable de l'influence qu'a opéré l'arrêt du 25 juin 2002 de la Cour européenne. Cependant cette influence semble assez limitée. [...]
[...] On peut finalement se demander s'il n'y a pas violation desdits articles et principalement celui qui faisait controverse dans cette affaire et qui portait sur le droit à la liberté d'expression, du seul fait de l'existence du délit d'offense. Notons aussi que le délit d'offense pouvait être également vu comme une réponse au souci pour le législateur français de faciliter les relations internationales de la France en accordant à des hauts responsables politiques étrangers, une protection spécifique. Mais ceci n'a semble t-il pas affecté la Cour européenne des droits de l'homme qui dans cet arrêt semble plus décrédibiliser les effets extrêmes de la diplomatie internationale que procurer une protection à une quelconque personne : quel que soit l'intérêt évident pour tout Etat d'entretenir des rapports amicaux ( ce privilège dépasse ce qui est nécessaire ( Cela étant établi, il est cependant intéressant de comprendre la primauté faite au droit d'expression et la probable influence qu'a pu avoir une telle décision. [...]
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