M. X a acheté, par correspondance, un téléviseur à la société La Redoute le 24 juillet 1997. Presque un an plus tard, le 17 mai 1998, le téléviseur prend feu, et blesse M.X qui, avec son assureur, assigne La Redoute en justice, pour obtenir réparation de son préjudice. Les juges du second degré interprètent les moyens soulevés par la victime à la lumière de la directive, les amenant à considérer l'action de la victime comme irrecevable.
Pour justifier cela, la Cour d'Appel fait d'abord valoir que l'article 1147 du Code civil, devant être lu en fonction de la directive 85/374/CEE, impose une prescription de trois ans, et non de dix ans, rendant par là l'action de M. X prescrite. Par ailleurs, ce dernier avait agi contre le vendeur du téléviseur, la société La Redoute. Les juges du second degré contestent également la qualité de défendeur du fournisseur, estimant que la compréhension de l'article 1147 à l'aune du droit communautaire suppose une action contre le seul producteur, à moins que celui-ci demeure inconnu.
La question qui se pose aux juges de cassation est donc la suivante : la lecture de l'article 1147 du Code civil à la lumière de la directive peut-elle valablement limiter le recours ouvert à la victime d'un produit défectueux, en lui imposant un unique défendeur, et un délai de prescription réduit ?
[...] Elle nécessite d'être transposée dans cet ordre pour produire son plein effet. D. Simon a ainsi pu définir la transposition comme l'opération par laquelle l'état membre destinataire d'une directive communautaire procède à l'adoption de mesures nécessaires à sa mise en œuvre La directive qui nous intéresse a été édictée le 24 juillet 1985, et prévoit, dans son article 10, une transposition par les états membres dans un délai de trois ans. Cependant, en France, ce n'est que le 19 mai 1998 qu'elle intervient, retardée par de longues discussions concernant le risque de développement. [...]
[...] Cela rejoint tout à fait la thématique de la responsabilité du fait des produits défectueux. Il semblerait donc que l'obligation de sécurité française en essor dès les années 1990, soit menacée par la directive. Le droit interne français, pourtant, dans son article 1386-18 de transposition, suit la lettre de l'article 13 de la directive, ne semblant pas tenir compte des limites posées par la jurisprudence de la CJCE. Cette solution fait écho à la tendance française qui veut protéger au maximum les victimes. [...]
[...] En effet, la Cour de cassation ne semble pas, en l'espèce, remettre en question l'obligation de sécurité sur laquelle entendait se fonder la victime. Cette solution est- elle conforme à la directive, qui, nous l'avons vu, semble largement influencer la solution des juges en l'espèce ? L'article 6 de la directive dispose Un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit; de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu; du moment de la mise en circulation du produit Le droit communautaire permet donc, comme le droit interne, lorsque le produit ne présente pas le niveau de sécurité requis, d'agir en responsabilité sur ce fondement. [...]
[...] Toujours est-il que l'éventuelle disparition de l'obligation de sécurité est préjudiciable pour la victime du point de vue de la preuve. Sur ce fondement, elle n'avait en effet qu'à montrer que le résultat n'était pas atteint, pour être indemnisée. Sur le fondement des vices cachés, elle doit prouver un vice, tandis que le régime instauré par la directive suppose de prouver à la fois un défaut de la chose, un dommage, et un lien de causalité entre les deux. On retrouve à nouveau la difficile conciliation entre l'intérêt économique et l'intérêt de la victime, qui semble mis à mal par cette directive d'harmonisation. [...]
[...] X depuis l'origine Il convient donc d'évaluer si l'interprétation donnée par les juges de cassation est conforme à la directive. La directive définit d'abord dans le premier alinéa son article 3 ce qu'il faut entendre par producteur : il s'agit du fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première ou le fabricant d'une partie composante, et toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. Elle poursuit ensuite, à l'alinéa 3 Si le producteur du produit ne peut être identifié, chaque fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit La directive instaure donc une responsabilité principale à l'égard du producteur, qui, de facto, exonère ses intermédiaires. [...]
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