Posant la question de la conciliation des exigences de la protection des droits dans la Communauté avec celles découlant d'une liberté consacrée par le Traité, l'arrêt en présence, rendu le 14 octobre 2004, a obligé la Cour de justice des communautés européennes à arbitrer une confrontation au sein même de la notion de « fondamentalité ».
En l'espèce, une société de droit allemand, Omega, exploitait à Bonn un « laserdrome » où étaient organisés des jeux consistant à tirer avec des appareils de visée à laser semblables à des mitraillettes sur des capteurs de rayons installés, soit dans des couloirs de tir, soit sur des gilets portés par d'autres joueurs. Ce matériel était développé et commercialisé par la société Pulsar, établie au Royaume-Uni.
Ayant eu connaissance de ces faits, les autorités locales ont pris un arrêté d'interdiction des jeux ayant pour objet de tirer sur des cibles humaines au motif qu'ils constituaient un danger pour l'ordre public, en ce que les actes d'homicides simulés et la banalisation de la violence qu'ils engendraient étaient contraires aux valeurs fondamentales prévalant dans l'opinion publique.
La Cour donnait ainsi à la dignité humaine une dimension communautaire et s'inscrivait dans la continuité d'une jurisprudence antérieurement initiée dans des domaines différents. Mais finalement, la position de la Cour de justice reflète-t-elle la suprématie du droit conventionnel de l'Union ou au contraire, n'empêche-t-elle pas les limites de la primauté de ce droit ?
[...] Cette démarche pourrait elle aussi être considérée comme étant de nature à réveiller ou attiser la négation d'un droit essentiel ? Finalement, vouloir considérer les traditions constitutionnelles (parfois totalement opposées) sous couvert de respect des identités nationales et en posant quelques légères limites pour s'assurer qu'il n'est pas contrevenu au droit communautaire, n'est-ce pas une manière un peu masquée de nous rendre compte de l'impuissance du droit conventionnel à faire fléchir les lois les plus importantes des Etats membres et à affirmer concrètement sa primauté ? [...]
[...] La réponse de la Cour est simple : Il n'est pas indispensable, à cet égard, que la mesure restrictive édictée par les autorités d'un Etat membre corresponde à une conception partagée par l'ensemble des Etats membres en ce qui concerne les modalités de protection du droit fondamental ou de l'intérêt légitime en cause Ainsi, la juridiction communautaire admet que les circonstances spécifiques, qui pourraient justifier d'avoir recours à la notion d'ordre public, peuvent varier d'un pays à l'autre et d'une époque à l'autre : les autorités nationales compétentes ont donc une marge d'appréciation dans les limites imposées par le Traité. En ce sens, l'arrêt Omega apporte un enseignement qui paraît particulièrement intéressant. Il analyse la portée du principe de protection de la dignité humaine au regard des objectifs de garantie de l'ordre public fixés par la Constitution de l'Etat membre concerné. [...]
[...] Il n'est pas surprenant, dès lors, que la Cour européenne ait placé son analyse des droits fondamentaux dans le cadre d'une des exceptions aux libertés communautaires prévues par le traité. Pour cet auteur, le renvoi aux jugements des autorités nationales quant à l'étendue de la protection de la dignité humaine est bien compréhensible, car il aurait été bien courageux de la part des juges communautaires de s'étendre davantage sur une notion dont la portée et le contenu sont des plus controversés dans les différents droits nationaux. [...]
[...] C'est à partir de là qu'il nous faut remarquer que, ne se contentant pas de reconnaître les principes constitutionnels nationaux, la Cour va jusqu'à absorber les systèmes nationaux de protection des droits fondamentaux en mettant progressivement en œuvre son propre système de protection de ces droits. C'est ce qu'un auteur a appelé la communautarisation des droits fondamentaux . à la communautarisation des droits fondamentaux L'arrêt Omega n'est pas une nouveauté. En effet, il s'inscrit dans une tendance récente de la Cour de justice à reconnaître l'importance à l'échelle communautaire des droits fondamentaux. [...]
[...] En effet, pour la juridiction allemande, la dignité humaine est un principe constitutionnel auquel est susceptible de porter notamment un éveil ou un renforcement chez le joueur d'une attitude niant le droit fondamental de chaque personne à être reconnue et respectée, tel que la représentation d'actes fictifs de violence à des fins de jeu. Toutefois, elle reconnaît que s'agissant de l'application du droit communautaire, l'arrêté d'interdiction adopté par les autorités allemandes en 1994 porte atteinte à la libre prestation des services prévue à l'article 49 CE. [...]
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